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Cinq heures trente du matin.

Mon horloge interne était déjà réglée, je n'avais pas besoin de réveil pour sortir de mon sommeil. De toute façon, je n'avais pas d'argent pour remplacer les piles que j'avais croquées fatiguer(1) pour en tirer le maximum de « jus ».

Avant de me lever, je fis ma prière pour demander au Seigneur de me donner la force et le courage d'affronter toutes les épreuves qu'il jugerait bon de dresser sur mon chemin afin de mettre ma foi à l'épreuve. J'enfilai deux tee-shirts pour lutter contre la fraîcheur du matin, attachai mon pagne usé autour des reins et sortis enfin de ma chambre.

Les coqs commençaient à chanter au loin. Le salon était dans l'obscurité quasi complète, seules les premières lueurs de l'aurore filtraient dans les interstices des ouvertures. Je me dirigeais vers la porte d'entrée quand je me rendis compte d'une présence dans la pièce. Un bruit sourd et régulier semblable à des ronflements résonnait. Je me retournai et plissai les yeux pour découvrir là, assis au même endroit que la veille, mon petit frère la tête posée sur ses cahiers.

— Rho ! Yoni ! Que fais-tu là ?

Il se redressa en sursaut et essuya d'un revers de la main le filet de bave qui était sorti de sa bouche pendant son sommeil.

— Tu as dormi ici ?

— Hein ?

— Hein quoi ? Tu ne pouvais pas aller te coucher quand tu as vu que tu étais fatigué ?

— Je n'ai pas su quand j'ai dormi...

Tchip ! Tu as au moins fini tes exercices ?

Encore à moitié dans les vapes, il baissa la tête vers son cahier et s'exclama en passant sa main dessus.

— C'est comment ? m'inquiétai-je.

Je me précipitai sur lui et allai dehors avec son cahier à la main pour voir clairement de quoi il en retournait à la lumière du jour. L'encre s'était mêlée à sa bave et tout ce qu'il avait écrit la veille s'était effacé. Une colère sourde monta en moi et sans réfléchir, je lui flanquai une gifle.

— Tu ne pouvais pas faire attention ! Avec tout ce qu'on endure, tu ne trouves rien de mieux à faire que gaspiller ton cahier et perdre tes exercices ! Si tu as zéro maintenant, on va faire comment ? Je me bats pour que tu puisses travailler dans des conditions acceptables et toi, tu sabotes tout ?!

Un autre coup s'abattit sur lui alors qu'il cachait son visage.

— Pardon, pardon Ya Kiki... Je n'ai pas fait exprès, sanglota-t-il.

Complètement apeuré, recroquevillé sur lui-même et les yeux embués de larmes, je réalisai la disproportion de mon geste. Il n'était pas nécessaire que je m'en prenne de la sorte au pauvre enfant. Cela pouvait arriver à tout le monde de tomber de fatigue. J'aurais dû veiller avec lui et m'assurer qu'il aille bien se coucher. Tout compte fait, c'était ma faute. C'était moi l'adulte.

— Bon, ça va, repris-je plus calmement. Tu te souviens de ce que tu as fait, n'est-ce pas ?

— Oui...

— Donc tu pourras vite recopier sur une nouvelle page. Je vais puiser l'eau, à mon retour tu dois avoir fini.

— Mais...

— Je ne veux plus t'entendre, Yoni, coupai-je court. La prochaine fois tu feras attention ; maintenant, va travailler !

Il récupéra son cahier et alla s'asseoir sur le banc de la cour.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 19, 2017 ⏰

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