On aime sans haine

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24 juin 1917, à Santon

Hélène,

Ma douce et tendre, tu me manques tant...

Cela fait maintenant deux ans que j'ai quitté la maison pour rejoindre le champ de bataille, pourtant le souvenir de ton doux visage est si vif dans mon esprit que j'aurais pu t'avoir laissée hier.

Les temps sont durs, ici. Chaque nuit, la guerre gronde et fait des ravages. Les Allemands attaquent, ils bombardent, massacrent, tirent et tuent, et puis l'heure d'après c'est notre tour. Les autres disent que la mort est partout, dans l'odeur âcre de la fumée, dans les cadavres de rats qui crèvent au fond des fossés dans lesquels nous nous terrons toute la nuit, dans la lumière blafarde du soleil qui ne perce plus à travers le brouillard gris. Mais je crois qu'ils disent ça parce qu'ils ont peur, et que seul ce sentiment les habite. La peur et la haine. Après tout, c'est bien pour ces deux raisons que nous en sommes là. La peur de l'autre, l'incompréhension face à la différence, la crainte du premier pas vers une violence déraisonnée. Et pourtant ce pas, on a bien fini par le franchir. J'espère qu'un jour, nos chefs, le président, et tous ces ploucs qui commandent du haut de leur tour dorée comprendront à quoi la haine aboutit. Comment peut-on en arriver à ce stade bestial et sauvage que celui où nous sommes, en venir à tuer nos semblables pour des lopins de terre ? Comment peut-on à ce point se laisser aveugler par la soif de pouvoir et l'ambition ? Quand saisira-t-on que l'homme est moins que chien, quand il tue sans raison ? La folie les guide, j'ai peur pour leurs lendemains.

Mais ne t'en fais pas pour moi, je ne deviendrai pas comme eux, comme ces fous que l'on voit courir à l'avant des balles, effrontés téméraires et stupides assassins, pour la seule raison que c'est l'amour qui me force à avancer. Tu te dis sûrement, dans mes belles paroles, que je suis incapable de tuer un autre être humain, pourtant c'est ce que je fais. Tous les matins, je me lève, j'attrape mon arme et j'attaque, de toutes mes forces, de tout mon coeur. Quel paradoxe, n'est-ce pas, que de tuer par amour ! Et pourtant, ma motivation est des plus nobles, puisqu'elle te concerne toi, ma douce Hélène. Pour qu'un jour, au plus vite, je puisse revoir tes beaux yeux d'émeraudes, ton sourire des jours d'automne, celui qui creuse dans tes joues ces deux petits sillons que je me plais tant à embrasser. Pour pouvoir sentir de nouveau ta peau douce comme une caresse de nuage contre la mienne, ton souffle tiède au sortir du lit. Pour pouvoir te murmurer à l'oreille ces mots qui te font trembler de plaisir tant ils sont vrais, forts, et font du bien. Je t'aime, mon Hélène.

Ton rire, je le retrouve dans les trilles des fusils qui s'emballent, ta chevelure, dans les dessins de l'eau qui goutte au sol et nous glace jusqu'aux os, ta silhouette, dans les ondulations du drapeau que nous défendons quotidiennement. Je suis fou oui, fou d'amour pour toi, et quelle belle folie que celle qui anime un coeur amoureux comme le mien. Si je meurs ici, Hélène, j'emporterai avec moi l'image d'un ange descendu du ciel et que j'ai eu l'honneur et le plaisir de connaître.

Quand je reviendrai, je te prendrai pour épouse, parce que seuls ta bonne humeur et ton espoir en l'avenir me sont essentiels pour vivre. C'est déjà ce que je fais, c'est ce que je continuerai de faire : comme l'oiseau, d'amour et d'eau fraîche je subsisterai.

Hélène, ma douce et tendre, je t'aime, et serai pour toujours et à jamais tien.

Ton Georges

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Voila, première partie de ce petit recueil ! On commence "tranquillement", avec la Première Guerre Mondiale, l'horreur des tueries, Mais l'espoir pour des lendemains meilleurs, Parce que l'Amour est quand même là... Bonne continuation !

Je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant