Mes chers parents,
Vous vous demanderez certainement, lorsque vos yeux se poseront sur cette lettre, ce qu'elle fait pliée là, sur mon bureau, soigneusement enveloppée de ce beau papier dorée. Vous lèverez probablement la tête et m'appellerez à voix haute, mais aucune réponse ne vous parviendra. Parce qu'à l'heure où vous lirez ceci, je serai parmi les anges.
Je ne veux pas vous faire peur, ni que vous paniquiez, mais que vous preniez connaissance des faits tels qu'ils sont. Je veux que vous entriez dans ma réalité.
La vie est un lot de souffrances mêlées de plaisirs, de générosité désintéressée ciselée de cruauté sans fond. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai l'injustice du travail non récompensé, la douleur d'une séparation précoce, le rythme effréné de la course à la performance, qui laisse de côté tant le bonheur que l'harmonie, et transcende sans problème l'enchaînement serein et apaisé des saisons.
La vérité, c'est que notre société est pervertie. Par l'égoïsme, l'indifférence, la rancune, la cupidité, la jalousie. Par l'esprit de compétition qui a remplacé l'esprit d'équipe. Par l'impatience qui a pris la place de l'attente. Par ce mal sans nom qui la dévore, tentaculaire, de ses membres à ses institutions, de ceux qui surveillent à ceux qui sont surveillés. Tous ne sont pas responsables, mais chacun en souffre, d'une manière ou d'une autre.
Et je ne veux plus. Je ne peux plus voir le malheur se peindre sur ces visages tristes, la faim tordre ces boyaux amaigris, le silence fermer ces bouches conçues pour rire et parler.
Cette lettre n'est pas celle d'une fille prête à se convertir en ermite, à partir vivre au fond des bois, loin de toute cette agitation inutile, futile, incorrecte tant pour soi que pour les autres, à l'écart de ces pensées et actions toutes en pavanes, frivolité, superficialité. Que mettre pour paraitre belle, préparée mais naturelle ? Quelle sera la nouvelle coiffure à la mode ? Comment savoir si ces chaussures neuves ne paraitront pas déjà vieillottes demain ? Enfin ! Pourquoi diable l'humain est-il incapable de voir ses propres qualités !
Je ne sais comment changer les choses, j'ai essayé tant de fois. Mais où que je tourne la tête, le sombre destin de l'Humanité m'accable. Pas la moindre lueur d'espoir ? Non. Ou alors, elle se cache sournoisement. Je n'ai plus la force de courir le chercher, comme je me l'étais promis dans mes années d'insouciance et d'errance, à la recherche de la meilleure manière de guider mes semblables vers un futur heureux. Mais comme qui dirait, qu'est-ce que le bonheur ? Est-ce là seulement le but de l'existence ?
Alors voila. Je vous ai quittés. Vaux-je mieux que tous ces ingrats, moi qui ai fini par abandonner ? Peut-être pas, mais laissez-moi tout de même vous remercier.
A toi, papa. Qui as su m'apprendre ce qu'était la persévérance, le courage, la folie aussi. Qui m'a montré qu'on peut rire de tout, et surtout de soi. Que la vie était un morceau de musique, qu'il faut savoir écouter. Qui m'a ouvert la gueule, et m'a dit dit de ne jamais la fermer. A toi qui m'as toujours soutenu, dans mes pires cauchemars comme dans mes plus grands rêves. A toi qui voulais m'apprendre à voler, voilà que j'ai rejoint les cieux. Je t'aime.
A toi, maman. Qui as su m'apprendre la fierté, la patience, le respect, de soi comme des autres. Qui m'as dévoilé les héros du quotidien, et m'as montré qu'on a tous une grande force intérieur, qu'il suffit de savoir y puiser. Qui a séché mes larmes en me faisant admirer la vie. Qui m'as couverte de baisers, je t'ai abandonnée. Pourtant n'en doute pas : je t'aime.
A toi, petit frère, mon premier et éternel compagnon de jeu, ce rayon de soleil joyeux quelque soit le temps. Quand nos regards se croisaient et que nos rires résonnaient à l'unisson, je me sentais comprise. A toi qui, peu importe la hauteur de la chute, étais là pour me relever. Nous avons grandi à deux, j'ai rêvé de nous, maintenant vis pour moi. Et n'oublie jamais que du haut des cieux, je t'aime.
Car vous êtes certainement le plus beau des cadeaux qui m'ait été fait, vous, le centre de mon univers, mon point d'attache à la Terre. Pardonnez mon départ, promettez-moi de sourire à nouveau, car la dernière chose que je souhaite serait de priver le monde de vos rires.
A demain j'aimerais, tant vous me manquez déjà, à dans mille ans j'espère, je ne veux pas de vous dans l'au-delà.
Je vous aime, plus que tout et à jamais,
Leia
*** Ce texte est sûrement celui qui m'aura arraché le plus de larmes, tant je m'yi suis investie ^-^ J'espère qu'il vous plaira autant qu'à moi.
P.S.: papa, maman, je ne compte pas me suicider, rassurez-vous, la Vie est bien trop belle pour cela. ***
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Je t'aime
Short StoryTrois mots. Deux personnes. Un sentiment. Et l'éternité. Parce qu'il faut bien avouer ses sentiments, et puisque le dire c'est trop dur, il reste l'écriture. À travers les lettres d'enfants, d'adultes, de jeunes, de vieux, d'amants, de fils, d'épou...