L'origine du surnom Marx

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Ils ont 13 ans

Hippolyte mâchait consciencieusement un chewing gum lorsque son éternelle acolyte fit tourner sa chaise de bureau vers lui. Il leva curieusement les yeux de son roman, et jaugea la jeune fille, sa moue pensive, son nez froncé, qui n'annonçaient vraisemblablement rien de bon.

-J'aime pas mon prénom.

-Rare sont ceux qui adore leurs noms, tu sais. Répliqua-t-il avant de faire une bulle, grosse, rose et à l'odeur chimique

Elle poussa un soupir d'agacement, étant directement adressé à son ami, qui ne manqua pas de sourire, rieur et moqueur, en se replongeant dans sa lecture.

L'adolescente fit rouler son siège jusqu'au lit et lui arracha le bouquin des mains, une moue autoritaire sur son visage où s'épanouissait un cocard à l'oeil droit -c'était ce qui arrivait lorsqu'on s'interposait entre deux personnes en pleine bagarre-, ignorant superbement l'exclamation outrée d'Hippolyte.

-Eh ! Roméo allait pécho Juliette !

Elle jeta un rapide coup d'oeil au livre en question.

-Tu es en train de lire Jane Eyre, ducon.

Sans attendre -ni écouter- la réponse de son cher compagnon, elle balança l'ouvrage dans un coin de la pièce, Zola, le gros chat au miaulement ridicule, l'évita de justesse, roulant sur le sol avec une vitesse surprenante pour son poids conséquent qui lui procurait d'habitude une attitude et démarche lente, lourde. Cependant, l'effort semblait l'avoir épuisé, lui et son épaisse carcasse mal léchée.

-Tu pourrais tâcher de m'écouter un tant soit peu, moi qui subit tes jérémiades à longueur de journée ! Siffla-t-elle

-Que veux-tu que j'y fasse, si ton prénom ne te plaît pas ? Je pourrais te dire qu'il est magnifique, mais tu sais très bien que je ne le pense pas.

Elle lui frappa le front, accompagné d'un mince sourire, il réussissait à la faire tout de même rire.

-J'ai envie de me renommer.

-Et bah fais le.

-C'est tout ce que tu as à me dire ? Toi, Hippolyte, l'emporté, l'empoté, celui toujours dans l'excès, qui ferait une scène pour un plat de pâtes ?

-Ne jamais négliger des pâtes.

Elle leva les yeux au ciel, tandis qu'il demandait :

-Comment veux-tu t'appeler, alors ? A moins que tu n'ais pas encore trouvé.

-Si, je veux me renommer Marx.

Le garçon se redressa brusquement, les paupières écarquillées, n'en croyant pas ses oreilles. Venait-elle vraiment de lui sortir ça ? Doux Jésus, cette gamine était timbrée. Il le savait déjà, mais il venait d'en avoir la confirmation.

-T'es malade ?! Autant t'attacher toi-même au dessus d'un bûcher. Si tu veux, j'allume le feu.

-T'es con. Et puis, ce n'est pas un prénom de sorcière !

-Pire, de communiste !

Elle lui lança un regard appuyé, l'intimant silencieusement de se calmer, auquel cas elle lui ferait probablement bouffer son exemplaire de Jane Eyre.

-Le communisme part d'une plutôt bonne base. Protesta-t-elle

-Je ne dis pas le contraire, mais les dérives de ce régime le rende terrifiant et détestable aux yeux des autres. Franchement, Nicole, tu n'aurais pas pu trouver un autre prénom, avec moins de connotations ? Je sais pas, moi, genre...Sophie, Anna, Gabrielle, Sacha, ou si tu veux faire ton originale, Jay, Aloïs...'Fin tu vois.

Une furieuse envie de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant