Chapitre 5

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L'atmosphère qui régnait dans la cuisine se voulait lourde et pesante malgré la bonne humeur patente de Vincent dont le regard oscillait avec jeu entre Yann et Martin, il buvait du petit lait de lire ainsi l'embarras sur leurs deux visages tout penauds.

- bon je vais me débarbouiller dans la salle de bain, je reviens.

Le plus jeune ne s'était adressé qu'au père de Théa comme s'il se retenait à tout prix de prêter la moindre attention au poivre et sel qui se tenait à plus d'un mètre à côté de lui à présent, et sans dire un mot de plus, le correspondant disparut à l'étage, laissant les deux amis discuter tranquillement ensemble.

- bon moi je me charge des assiettes et des couverts et toi tu apportes le gâteau dans le salon d'accord ?

Vincent applaudit mentalement son ami des deux mains, il était un véritable champion en matière de changement de sujet, c'était le moins qu'on puisse dire.

- laisse-moi deviner, là aussi tu vas me dire comme ce matin que ce sont des trucs qui arrivent de presque embrasser son futur beau-frère, c'était pas voulu, c'est ça ?

- j'ai pas envie d'en parler Vincent.

Yann lui tourna le dos afin de réunir une pelle à tarte ainsi que cinq petites assiettes et cinq fourchettes à gâteaux sur le plan de travail juste devant lui.

- je te comprends, si j'étais dans la même galère que toi, je voudrais pas voir les choses en face non plus.

- merci mais je vois très bien les choses en face, c'était une petite sortie de route de rien du tout, ça n'arrivera plus.

- mais bien sûr, on en reparlera quand vous vous retrouverez à le faire dans les chiottes le jour du mariage de Martin qui sera aussi le plus beau jour de la vie de ton petit frère soit dit en passant !

- ça va, c'est bon, j'ai compris okay ?

- tu joues avec le feu Yann, j'espère que t'en as conscience au moins.

- je sais, je sais bien, c'est juste que...

Ses mains croisées derrière sa nuque, l'intéressé fixait à présent le plafond, il se sentait tellement impuissant face à cette situation pour le moins complexe et sans issue.

- si seulement je l'avais connu avant mon frère, si seulement ils n'étaient pas fiancés tous les deux, ça me tue je te jure.

- et si ceci, et si cela, avec des scies on coupe du bois ! Alors maintenant tu vas me faire le plaisir d'arrêter de te morfondre, ça sert strictement à rien de toute façon ! Allez, viens on va manger un bout de tarte aux fraises mon p'tit Yannounet, ça va nous faire le plus grand bien.

Joignant le geste à la parole, le père de Théa prit en mains la boîte blanche qui contenait la tarte en question, il fut suivi de peu par Yann avec ses couverts puis ils se rendirent tous les deux dans le salon où le reste de la famille les attendait sagement à table.

- Martin n'est pas rentré avec toi ?

La mère de Yann haussa un sourcil en direction de son fils mais Vincent fut le plus prompt à lui répondre.

- si, il est parti se débarbouiller dans la salle de bain, j'espère qu'il en a plus pour longtemps.

- c'est une longue histoire.

L'explication laconique du poivre et sel ne semblait guère satisfaire la mère de famille mais elle se garda bien de faire tout commentaire alors que son fils et Vincent rejoignaient chacun leur chaise.

- c'est pas vrai, mais qu'est-ce qu'il fout à la fin ? Il est tombé dans le trou des chiottes ou quoi ?

Robin ne put réprimer un sourire en entendant la plainte de son mari à l'encontre du correspondant, la patience n'était clairement pas son fort surtout quand sa tarte aux fraises préférée lui faisait de l'œil comme maintenant au beau milieu de la table du salon. Même les canards du Lac de Saint-André qu'ils avaient nourris en compagnie de leur petite Théa en tout début d'après-midi n'étaient pas aussi gourmands que lui.

- vas-y Vincent, sers-toi, ça m'étonnerait fort que Martin t'en veuille pour ça.

La propriétaire des lieux venait de lui donner son feu vert, il n'en fallut pas plus au grand frisé pour s'exécuter dans la seconde quand à sa plus grande surprise, la sonnerie de l'entrée retentit et Sébastien et Nora firent aussitôt leur apparition main dans la main dans l'encadrement de la porte du salon sous les yeux ébahis de tout le reste de la famille.

- ben quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? On dirait que vous venez de voir une revenante.

Alors que Nora fixait encore sa belle-mère d'un air interloqué, de son côté, Yann fusillait son frère du regard, il jouait donc sur les deux tableaux, il n'aurait pas cru ça de lui, jamais de la vie. Jusque-là bouche bée, la mère de famille reprit enfin ses esprits et elle vint embrasser chaleureusement son fils cadet ainsi que la chère et tendre de ce dernier.

- bonne fête maman.

Le sourire aux lèvres, Sébastien enfouit sa main dans la poche intérieure de sa veste quelques secondes puis il agita devant le nez de sa mère un flacon de 100 millilitres du parfum Insolence de Guerlain qui sembla ravir l'intéressée.

- merci mon chéri.

Elle ouvrit tout de suite le blister du vaporisateur et enfouit aussitôt son nez dans le bouchon du flacon de son parfum préféré.

- je l'adore, il sent trop bon.

Ce tableau de famille idéal sonnait tellement faux aux yeux de Yann qu'il en eut assez, il quitta ainsi la table du salon pour mieux s'approcher de son frère et lui lancer un regard réprobateur tout en croisant les bras.

- on pensait pas te voir ici avant demain.

- ah bon ? Qui t'a dit ça ?

La question posée par Nora resta suspendue dans les airs, y répondre ça équivalait à lui révéler l'existence de Martin et ils ne pouvaient décemment pas lui faire ça, la pauvre jeune femme ne se remettrait jamais d'une telle humiliation publique, c'était certain.

- c'est moi.

La voix de Martin avait été à peine audible derrière eux et le couple se retourna pile au même moment vers lui, la main de Sébastien était toujours posée dans le creux du dos de Nora et le correspondant fixait le frère de Yann d'un air abasourdi, il s'était attendu à tout sauf à... ça.

Une joyeuse fête des mèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant