Chapitre 6

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Un silence de plomb régnait à l'entrée du salon et ce fut Martin qui le brisa en se dirigeant tout droit vers Nora et son compagnon.

- alors c'est vous Sébastien.

Il se passa une main sur le visage, sa voix était blanche, on pouvait y lire toute l'étendue de son abattement. C'était plus une affirmation qu'une véritable question de sa part mais l'intéressé lui répondit quand même.

- oui c'est moi pourquoi ?

Totalement sonné, Martin couvrit sa bouche ainsi que son nez avec ses deux mains cette fois, son regard se perdant à l'horizon, il semblait assommé par la nouvelle qu'il venait tout juste d'apprendre.

- comment ça « vous » ? Vous ne vous connaissez pas ?

La mère de Yann s'immisça à son tour dans leur conversation alors que le reste de la famille fixait toujours Martin avec la plus grande incompréhension.

- alors là, je pige plus rien moi.

- je te rassure tout de suite mon cœur, t'es loin d'être le seul.

Vincent déposa un tendre baiser sur la tempe de son mari qui lui sourit en retour, les deux jeunes mariés ne voulaient absolument pas manquer une seule miette d'un tel rebondissement et ils priaient le ciel à cet instant que leur petite Théa adorée continue de dormir à poings fermés dans son lit parapluie installé à dessein dans la chambre du bas se trouvant juste à côté du salon.

- c'est pas vrai, je suis trop con.

Alors que Martin accusait le coup et s'arrachait maintenant les cheveux en grimaçant, la curiosité de Sébastien était plus que jamais piquée au vif.

- heu quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ici ?

- comment j'ai pu me tromper de famille ? Je peux pas le croire.

Des larmes commençaient à perler au coin des yeux du correspondant, il balaya le salon du regard avec attention avant de s'arrêter plus précisément sur Yann qui culpabilisait à mort à cet instant.

- je suis désolé Martin, tu m'as dit que le nom de famille de ton fiancé c'était Barthes comme le philosophe, je m'en rappelle très bien et c'est moi qui t'ai induit en erreur, j'étais sûr et certain que tu l'avais mal prononcé et qu'il y avait un accent grave sur le e alors je t'ai tout de suite corrigé. Je m'en veux tellement. Tout est de ma faute.

- non, tu n'y es pour rien, c'est moi qui aurais dû être plus vigilant, j'aurais dû te demander de m'épeler ton nom de famille carrément ou je sais pas, j'aurais dû faire beaucoup plus attention dans mes vérifications en tout cas.

Il prit une profonde inspiration dans le but de se donner une contenance avant de chercher le regard de la mère de Yann cette fois-ci.

- désolé pour le dérangement. Je ne sais pas quoi dire d'autre. Je suis vraiment désolé. Sincèrement.

- c'est pas grave, on était tous ravis de faire ta connaissance et de t'avoir parmi nous ce week-end Martin, vraiment. N'en doute jamais.

La sexagénaire accompagna ses paroles d'une main réconfortante sur l'épaule du correspondant qui ressentit tout de suite un énorme soulagement.

- merci. Vous êtes vraiment une femme formidable.

L' esprit de Martin se mit alors à vagabonder, c'est pour cette raison que son fiancé ne lui avait pas dit qu'il avait un frère, ainsi qu'une filleule et enfin que son père était décédé, la famille Barthès n'était pas du tout celle de son homme, et par ricochet, lui non plus n'en ferait jamais partie, c'était officiel.

- mince, Jean doit être mort d'inquiétude. Et je peux même pas le prévenir, j'ai plus de téléphone.

Ni une, ni deux, le poivre et sel sortit le sien de la poche arrière de son jean noir et il le tendit aussitôt au correspondant.

- tiens, prends le mien.

- merci Yann.

Il lui adressa un dernier regard reconnaissant avant de partir s'isoler dans la cuisine, un silence quasi religieux régna à nouveau dans le salon avant que Vincent ne se fasse un véritable plaisir de le briser.

- tout ce merdier à cause d'une pauvre histoire d'accent, je sais pas trop s'il faut en rire ou en pleurer.

Sa remarque poussa chacun à sa propre réflexion quand Sébastien fit enfin la lumière sur ce quiproquo insensé.

- c'était lui alors le mec qui m'a laissé un message vocal avec ton téléphone hier soir ? Je croyais que c'était encore une de tes blagues tordues, j'ai même pas pris la peine de rappeler.

- mais bien sûr Seb, j'ai que ça à faire.

Le ton de Yann était légèrement agacé et quand Martin réapparut à son tour dans le salon, il lui rendit gentiment son téléphone avant de reporter toute son attention sur la mère du poivre et sel.

- il sera là d'ici dix minutes, il faut que je rassemble mes affaires.

Son annonce s'était faite dans un sourire gêné mais la propriétaire des lieux l'encouragea d'un simple geste de la main à monter à l'étage et il s'exécuta en lançant un dernier regard en coin à Yann qui éprouvait toujours autant de difficulté à interpréter cette lueur si particulière qui brillait au fond de ces deux beaux yeux marrons.

- ah ben tu vois mon p'tit Yannounet, tes prières ont été exaucées, tu l'auras bien rencontré avant ton frère finalement.

L'intéressé donna un léger coup de pied à Vincent après sa blague, le père de Théa avait clairement mal choisi son moment même s'ils n'étaient plus que tous les deux dans le salon à présent.

- allez vas-y, vas le voir.

- mais non, et pour lui dire quoi exactement ?

- comme si tu le savais pas. Je suis sûr qu'inconsciemment il savait dès le départ qu'il était dans la mauvaise famille et c'est pour toi qu'il a voulu rester.

- non mais n'importe quoi, tu délires complètement mon pauvre, qu'est-ce qu'il faut pas entendre je te jure. T'as vu sa réaction comme moi non ? Il était bouleversé. Personne n'est aussi bon comédien, personne.

- non mais oui ça je le sais, ce que je voulais dire par là c'est qu'au fond de lui quand il t'a croisé à la gare, il a dû te trouver tellement à son goût que la perspective de passer le week-end en compagnie d'un homme aussi charmant a pris le dessus sur tout le reste, je trouve ça hyper romantique si tu veux mon avis.

- oui bon bref, ça ne change strictement rien à la situation de toute façon, il n'est peut-être pas fiancé à mon frère mais son cœur est déjà pris, fin de la discussion, rideau, il n'y a plus rien à voir !

Yann quitta à son tour le salon sous le regard frustré de Vincent, fini, terminé, basta, il ne se mêlerait plus de cette histoire dorénavant, le poivre et sel n'avait qu'à se démerder tout seul après tout, il était bien assez grand.

Une joyeuse fête des mèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant