LOVE SMELLS

CHAPTER 2

Mes cheveux me tombent dans les yeux et se collent au bord de ma bouche grande ouverte de laquelle la gerbe n'arrête pas de jaillir. Je suis coincée dans un véritable cercle vicieux : une odeur me donne envie de dégueuler, je dégobille, l'odeur du vomi m'écœure et ça recommence. J'entends la porte grincer et je m'imagine déjà à devoir expliquer la situation -mais non ! il s'agit de l'un de mes amis qui se fait du souci pour moi. Je le chasse et m'enferme pour recommencer à rendre dans la cuvette, les genoux sur le sol et le nez pincé. Un cadeau de Dieu ? Je m'essuie la bouche du revers de la main et appuie mon dos contre un des murs, totalement lessivée. Un soupir m'échappe. Avec l'âge, ça s'estompera. Je n'attends que ça, moi, que ça s'estompe, que ça disparaisse, avant que ça me tue. J'ai constamment l'impression d'être dans une benne à ordures. Un bruit sourd interrompt mes réflexions, puis des insultes. En me penchant un peu, je peux voir que plusieurs personnes viennent d'entrer dans les toilettes. Je tends l'oreille ; ils vocifèrent. Pute, salope, tout y passe. Une des portes voisines s'ouvrent et quelqu'un proteste : on étouffe le son. Des grincements, celui des chaussures sur le carrelage puis de l'eau : on vient d'enfoncer la tête de la protestataire dans les chiottes. Ce petit manège dure pendant plusieurs minutes mais les assaillants finissent par quitter les lieux. Je récupère mes affaires et hésite un peu devant la cabine de toilettes où la fille semble s'être effondrer sur le sol, puis m'échappe à mon tour.

Ce soir-là, alors que j'essaye de m'endormir, allongée dans mon lit, je repense à la journée que je viens de passer. Je pense à la personne que j'ai laissée seule après qu'elle ait été agressée et au blond aussi -à son odeur, plus particulièrement. Des mois d'observation gâchés par ça, quelque chose d'aussi insignifiant. Finalement, je n'y pense plus et je parviens à trouver le sommeil.