Chapitre 3 partie 3

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Je me levai subitement du grand lit à baldaquin couvert de tissus somptueusement rougeoyants, et titubai quelques secondes : j'étais plus grande, plus fine ; je le remarquais bien. Comme l'étaient les elfes.

J'étais affolée par ce qu'il m'arrivait. Une mèche me tomba dans les yeux, et, voulant la replacer avec ma main gauche, je remarquais qu'elle n'était plus présente : j'avais le bras amputé. Cela contribuait à nourrir mon effroi, et, en même temps, m'assurait qu'on ne me faisait pas juste une mauvaise blague. J'accourais vers une des portes-fenêtres pour y voir mon reflet, mais, n'y parvenant pas, je commençai à frénétiquement chercher un miroir, et, quand j'en trouvais finalement un dans le petit bureau présent dans un coin de la salle, je le portais à mon regard. Ce que j'y vis me sidéra : j'avais de longs cheveux épais, noirs comme le jais, des sourcils fins accompagnés d'un front saillant ainsi que des yeux en amande d'un jaune-vert absolument magnifique, semblant jaillir de mes pupilles et reflétant une certaine innocence ; une mâchoire légèrement renfoncée, un nez écrasé semblable à celui d'un chat, des lèvres fines, presque inexistantes et une peau pâle, parsemée de tâches de rousseur, bien que coupées par une cicatrice étrangement profonde sur mon œil gauche, et qui descendait jusqu'au bas de ma joue...mes oreilles d'elfes, elles, étaient plutôt longues, pointaient vers l'extérieur, et offraient un côté fantastique à ce visage si doux et innocent. J'étais devenue Lin Lavellan : l'Inquisitrice que j'avais si souvent rêvée devenir. Ainsi habillée d'une légère chemise de soie blanche, je ne cherchais pas à comprendre comment j'étais apparue ici. L'effroi avait laissé place à la joie. Reverrais-je tous mes vieux amis..? Varric, Iron Bull, Sera...Après tout, l'Inquisition avait été conservée au service de la nouvelle Divine, Léliana.

Bercée de ces délicieuses pensées, sans plus me poser de questions sur le pourquoi du comment, j'allais chercher mes vêtements, et m'habillai prestement. Mon esprit semblait se développer à une vitesse folle, mes connaissances étaient celles de Lin : je savais des choses sur le vécu de mon personnage (ou plutôt désormais : de moi) que je n'aurais jamais pu connaître autrement. Cela amenait son lot de tristesses du passé, mais aussi ses joies. Étrangement, ce "passé" me semblait familier. En fait, je l'avais imaginé bien des fois, quand j'étais dans mon monde, couchée, et que j'imaginais ce qui était arrivé à Dame Lavellan avant qu'elle ne devienne ce qu'elle est aujourd'hui. Peut-être que mes pensées se "synchronisaient", formaient l'histoire que j'avais envie de voir ? Non, c'est impossible, c'est juste une coïncidence un peu grosse.

-Inquisitrice ! Me coupa une voix dans mes pensées. Êtes-vous réveillée ?!

C'était la voix de Cassandra que j'entendais de derrière la porte.

-Non, c'est pour ça que je vous réponds ! Dis-je malicieusement.

J'entendis légèrement ricaner la jeune femme, pendant que j'ouvrais la dite porte pour sortir. Alors que nous partions toute deux, elle commença à marcher à côté de moi, le visage illuminé.

-C'est bon de vous voir dans cet état. Commença la chercheuse. Nous nous inquiétons tous pour vous, depuis quelques temps.

-Ah..?

Cassandra continua.

-Je comprendrais que vous ne vous rappeliez pas de grand-chose : vous aviez l'air abattue, comparé à aujourd'hui. Les gardes nous ont souvent demandés, affolés, parce que vous aviez été retrouvée effondrée, dans la salle d'études de Solas totalement saccagée. Vous étiez d'ailleurs bien souvent ivre. Varric et le Héraut de Kirkwall vous ont fréquemment écrit, pour avoir de vos nouvelles. Je suis sûre qu'ils seront heureux d'apprendre votre rétablissement.

Je baissais la tête, alors que nous arrivions bientôt à la salle du trône de Fort-Céleste. Comme par hasard...non, ça n'était pas le hasard : j'avais imaginée que mon Inquisitrice finirait telle une vieille dépravée, buvant pour oublier celui qui l'a abandonnée ; et l'histoire se passe exactement de cette façon. Nous sommes 4 ans plus tard, en 9:44 de l'Ère du Dragon, et Lin est celle que j'imaginais : une jeune femme sombre dû à son tumultueux passé, une elfe devenue cynique suite à tout ce qui était arrivé deux...ou non : quatre ans auparavant. Je crois qu'il est temps de changer cela...après tout, maintenant, j'en suis capable !

-Excusez-moi de vous avoir inquiétés. Finis-je par dire.

J'avais déjà pris goût à mon nouveau rôle. Ainsi, la journée passa calmement : je réglais des opérations, discutais avec les conseillers...Je voulus partir à l'aventure, mais Léliana m'en empêcha, me jugeant trop affaiblie pour pouvoir sortir. De plus, mon bras amputé ne rendait pas les choses plus simples. Elle se justifia aussi par le fait que personne ne pouvait m'accompagner : tous mes compagnons d'aventure étaient retournés à leur petite vie tranquille, et je ne pouvais pas leur en vouloir. Peut-être que maintenant que l'histoire de Thédas n'est plus faite de codes, le hasard se chargera de me mettre quelque combat sous la dent ?

Heureusement - ou malheureusement -, je n'eus pas à attendre longtemps :

Quand la nuit arriva, que je pus me coucher, le sommeil me transporta en un autre lieu, que j'attendais durant toute cette longue journée :

L'Immatériel.

Dans un autre monde... [Solavellan]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant