PARTIE TROIS

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Lolita ne s'appelle pas réellement Lolita, mais plutôt Juliana Caballero Baladeras-Diaz. Elle est une jeune femme exilée de l'Amérique latine, tristement sélectionnée par les membres de sa famille pour conquérir un autre territoire, à la recherche de denrée pécuniaire à apporter aux siens. Il y a quelques mois, à ses dix-neuf ans, son père l'a envoyée ici en Belgique pour qu'elle puisse subvenir financièrement aux besoins de ses nombreux frères et sœurs. Ayant une mère ravagée par une maladie incurable et un géniteur durement chômeur, en tant qu'aînée elle se doit d'être active pour faire vivre ses cadets. Et ce même à son détriment. Elle dût quitter les bancs de l'école pour rejoindre ceux des agences intérimaires belges. Son père avait en sa mémoire une Belgique digne d'une belle destinée, mais la situation de Juliana n'est guère différente que celle qu'elle subissait dans son pays natal. Avant, elle n'avait rien à manger et vivait dans un quartier pauvre et malmené par de cruels barons. Ici, c'est à peu près la même chose, mais à défaut d'avoir des hommes malhonnêtes dans sa rue, elle a des habitants étonnées et méfiants de son arrivée, accompagnés de regards en coin quand elle passe non loin d'eux. Juliana n'est pas à sa place et elle le ressent. Elle en a déjà parlé à son père, en pleure au téléphone, le suppliant de l'autoriser à revenir chez eux. La réponse fût courte et consise. C'est un non
catégorique. Après avoir angoissée durant de longs jours, avec en main les faux-papiers que son oncle lui avait fabriqué et ce prénom à consonance affreuse pour elle, elle prit son courage à deux mains et tenta de mettre fin à son inactivité. Dès qu'elle fermait les paupières, les visages de sa fraternité lui revenaient et il était impensable pour elle de les laisser tomber. Alors Juliana s'est battue contre le racisme et les complications de la vie d'une fausse jeune européenne. Elle a rapidement su apprendre les bases de sa nouvelle langue mais fût amplement déçue quand, aux bouts de plusieurs jours, elle n'eut aucune réponse de ses candidatures pour un potentiel métier. Dépitée, elle croisa par hasard, au détour d'une rue perdue, le regard d'une femme aux yeux extrêmement maquillés et au corps considérablement dénudé. Juliana s'arrêta face à cette femme au regard malicieux et lui demanda désespérément si elle ne connaissait pas un endroit où gagner de l'argent.

« Es-tu prête à tout? »
lui demanda la femme.

« Oui, je le suis. »
répondit tristement Juliana.

LOLITA EST UNE TRAINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant