Chapitre 3

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De l'eau glacée me réveille brusquement. Je me redresse d'un bond, mais mes muscles protestent. La douleur est insupportable dans mon dos. J'ai froid. Je claque des dents tout en observant les alentours. Je me trouve dans un cachot, dont la seule lumière sort d'un petit soupirail trop haut pour que je puisse l'atteindre.

Un homme se tient devant moi, un seau vide à la main. Il est brun, de taille moyenne et semble dans la quarantaine. Il m'observe dans les moindres détails. C'est à ce moment-là que je comprends que je suis entièrement nue. Je me recroqueville sur moi-même et pose une main sur ma poitrine. Aucun homme ne m'a jamais vue dans cette tenue et j'ai l'impression que, depuis qu'on m'a enlevée, des centaines de regards se sont déjà posés sur moi. Les sorciers, cet homme... Je me demande combien de jours se sont écoulés depuis que j'ai été capturée et comment vont les autres femmes.

L'homme s'approche et s'assoit sur ma paillasse. Je lui lance un regard haineux. Il me renvoie un sourire charmant qui ne me donne qu'une envie : l'étrangler.

- Tu ne sais pas où nous sommes, n'est-ce pas ?

Ah, parce qu'il croit que je vais lui parler ? Je garde mes lèvres closes en les serrant rageusement l'une contre l'autre.

- Allons, je n'aime pas faire la conversation tout seul ! s'exclame-t-il.

Je me fiche de ce qu'il aime ou n'aime pas. Et si je peux ne faire que des choses qu'il n'apprécie pas, eh bien tant mieux ! Il sait pertinemment que je n'ai aucune idée de l'endroit où je me trouve, d'ailleurs, donc je ne vois pas pourquoi il me pose la question.

Il grogne, se lève, fait quelques tours de la pièce – ce qui est très rapide vu la taille du cachot – et se tourne vers moi avec son stupide sourire.

- Tu es à Grand-Ville.

Je hausse un sourcil dédaigneux et ferme les yeux pour l'ennuyer encore plus.

- Grand-Ville est la capitale de notre royaume.

Ah, maintenant je suis intriguée. C'est embêtant, je vais devoir lui poser la question qui me vient à l'esprit. Ma curiosité est un problème qu'il faudra réellement que je règle un jour.

- Quel royaume ?

Il hoquette, visiblement choqué. Je jubile intérieurement. J'ai bien fait de l'interroger, finalement.

- Le royaume des dieux du sang, voyons ! s'écrie-t-il.

Je le fixe avec surprise. Je n'ai jamais entendu parler d'un tel royaume, malgré toutes les années d'errance que j'ai passées avec mon père dans notre roulotte. Je ne savais pas que les sorciers avaient leur propre royaume. Royaume délicieux, à n'en pas douter !

- Il ne m'a pas l'air aussi connu que vous aimeriez qu'il le soit, je rétorque pour l'énerver.

Et ça marche. Il en est tout retourné, le pauvre.

- Le royaume des dieux du sang est gouverné par le demi-dieu Sylvain. Sylvain est venu au monde pour tous nous aider à atteindre la perfection. Il nous apprend les hommages à rendre aux dieux du sang et nous fait prendre le droit chemin afin que les dieux nous bénissent.

Je suis bouche bée. Comment une telle bêtise peut-elle exister ? Comment est-il possible d'être si endoctriné et si idiot ?

- Vous êtes un faible.

Je n'ai pas pu m'en empêcher. C'est plus fort que moi ; quand je vois un homme à la botte de ces dieux cruels, je sais qu'il est soit avide de pouvoir, soit aisément manipulable. À mes yeux, il ne peut en être autrement.

Les dieux du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant