C'était chaque fois la même chose. Tous les jeudis soirs, sans exception aucune depuis presque un an, les SS de Birkenau tentaient en vain faire venir Louis avec eux à ce qu'ils appelaient « leur plaisir hebdomadaire ». Rien ne les arrêtaient, rien ne leur faisait comprendre que leur cadet ne voulait pas de cela et rien n'arrivait à leur faire voir la vérité en face. S'en plaindre serait stupide. Si qui que ce soit apprenait ses véritables fantasmes, il pourrait dire adieu autant à son poste qu'à sa vie.
Le cocon avait ouvert en juin 43. Il y avait quasiment un an. Au début, Louis n'avait pas réellement comprit ce qu'un lieu de ce genre venait faire dans un camp tel que le leur. Très vite, la vérité avait pourtant explosé devant ses yeux. Et la vérité avait beau être abjecte, elle n'en était pas moins présente pour autant.
Personne n'avait vu venir ce qui avait suivi, pas même les SS. Pas même ceux qui profitaient des avantages de ce bâtiment reculé, situé à l'entrée d'Auschwitz I. Ils avaient tous cru que les filles viendraient d'Allemagne et qu'ils auraient droit aux plus belles femmes du pays pour penser les blessures enfouies. Mais la première était arrivée avec des vêtements troués et aussi peu de cheveux que le premier soldat qu'elle avait croisé. Les larmes aux yeux, elle avait été jetée sur un lit et le dirigeant dudit nouveau lieu avait pris soin d'essayer la marchandise. Plus rien n'avait été étonnant par la suite et très vite, la nouvelle s'était répandue au sein des gradés. Auschwitz possédait son propre bordel et c'était la vermine juive qui se chargeait de satisfaire tout à chacun des désirs de ces messieurs.
Très vite, les SS avaient trouvé un ordre de passage pour jouir pleinement des vestiges de ce lieu. Chaque jour, un commandement du camp passait la soirée là-bas et avait droit de véto sur les demoiselles présentes en son sein. Fatalement, cela leur importait peu de devoir toucher l'indésirable jeunesse lorsqu'il était question de se décharger. Les jeunes femmes étaient pour ainsi dire toutes mineurs, étaient pour beaucoup encore vierge lors de leur premier passage et depuis le temps que le Campement se servait de leurs forces pour leur faire écarter les cuisses, on ne comptait plus le nombre de gamines qui étaient tombées enceintes. Celles là avaient toutes eu une fin misérable auxquelles Louis ne voulait même pas penser. C'était ses hommes à lui qui s'occupaient de dégager les corps et pousser ceux de femmes enceintes était à leurs yeux plus dur encore que le reste. Comment, en sachant cela, le SS Tomlinson pourrait-il accompagner ses camarades lors de leurs sauteries ?
Peut-être que dire ça était la solution de facilité. Peut-être même que certains, pas si stupides, avaient compris qu'il y avait une autre raison que le fait de ne pas vouloir se retrouver face à l'une des femmes qu'il avait sauté, dans le crématoire. Mais ce qui était certain, c'est qu'en plus de taire le fait qu'il trouvait ces actes irrespectueux, maladifs et écœurants, jamais il ne ferait savoir que le fait que ce soit des femmes était sans doute ce qui le rebutait le plus.
Cacher qu'il était pédé dans un tel endroit était en réalité plus facile pour Louis que nulle part ailleurs. Avant tout parce que le travail ne permettait pas réellement de forger des liens avec les autres SS et que l'idée d'échanger des anecdotes sexuelles était bannie de tous les esprits depuis longtemps. Et en étant tout à fait réaliste, se faire prendre ici était à la limite de l'impossible. Louis n'avait personne à regarder, personne à apprécier, personne devant lequel sentir son désir se raviver. Personne jusqu'à maintenant.
Allongé dans son lit, seul sous la couette chaude et contre l'oreiller molletonné auquel, lui, avait droit, le désir de Louis l'envahit de toute part. Ce fut nouveau pour lui. Nouveau, parce qu'à force d'horreurs et de sang, il avait longtemps cru que plus jamais le simple fait de bander ne pourrait arriver. Et pourtant, là, alors que tout le monde était parti violer ces pauvres femmes en pleurs du bordel, un SS encore si jeune qu'il pourrait être sur le front, pensait lui aussi à un indésirable avec assez de force pour que son érection soit visible.
Il ne se toucherait pas. Il n'essaierait pas même de faire passer la chose manuellement. Il suffisait de fermer les yeux et de penser aux horreurs qu'il voyait chaque jour pour que tout redescende. Jamais il ne pourrait s'abaisser à faire cela dans de telles conditions. Pas en pensant à un prisonnier, surtout un homme qui avait si peur de lui qu'il en avait pleuré il y a quelques jours. Oui, il suffisait à Louis de fermer les yeux. La seule chose qu'il n'avait pas prévu dans ce charmant tableau, fut les yeux verts qui envahirent son esprit violemment et la voix acerbe du jeune homme, pleine de force et de courage qu'il entendit jusqu'ici.
Louis ne voulait pas de ce bordel et il n'en voudrait jamais. Mais s'il avait eu un petit boudoir à lui, un petit coin où il aurait pu être seul, et pourquoi pas seul avec un autre, il aurait sans doute demandé à un juif au regard émeraude de l'y accompagner.
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Superheroes
Fanfiction1944. Année noire. L'Allemagne sème la terreur partout, sur tous les fronts. Rafles, tueries, éradications. Certains vivent, d'autres meurent. Les derniers tentent de survivre comme ils le peuvent. Parmi eux, Harry, juif. Parmi eux, Louis, naz...