Chapitre 21 - Divenire

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Plus les jours passaient et plus les chambres à gaz étaient vides. Pas que l'Allemagne nazie ai arrêté son processus mortuaire, ô que non, mais elle avait déjà raflé tant de gens que les convois étaient de moins en moins régulier. Et avec eux, le nombre de prisonniers s'amoindrissait également. C'était ceux déjà présents dans le camp depuis des semaines, voir des mois, qui subissait le douloureux sort imposé dans les chambres de Birkenau. Les plus âgés avaient été les premiers visés et aujourd'hui, il n'y avait plus vraiment de doute sur la catégorie de gens qui suivrait. Tous se taisaient, tous faisaient semblant, mais trop peu étaient ceux espérant encore vraiment.


Les seuls qui avaient été plus ou moins épargnés étaient les membres du sonderkommando. Prétextant leurs mains d'œuvres rapides et efficaces, le SS Tomlinson avait réussit à éviter leur mises à mort. Mais la fatalité commençait également à pointer son doigt vers ces hommes et le soldat savait qu'il ne pourrait les garder en vie encore très longtemps. Tout devenait brumeux, sombre et austère autour du camp ; dans le corps comme dans l'âme.

En ce premier jour de septembre, Harold quitta son poste avec une violente envie de régurgitation. Il avait cru avoir tout vu et vécu en ce lieu, depuis son arrivé quelques mois plus tôt, mais à aucun moment il n'avait prévu ce sur quoi il était tombé en cette fin d'après midi. Tous avaient eu raison de croire que les prochaines victimes auraient tout juste la moitié de l'âge des jeunes gars comme Harry et en réalité, certains étaient même bien plus jeunes que cela. L'âme en peine, le jeune homme avait prit part au déshabillage de plusieurs femmes comme ont le lui avait appris à le faire, avant de tomber sur un spectacle ô combien étonnant.

Durant de longues minutes il avait essayé de se rappeler ou et comment il avait pu croiser ce visage qui lui parlait tant. Depuis qu'il faisait parti du kommando, il ne croisait pour ainsi dire plus aucunes femmes. Les seules fois ou il avait aperçu des seins, c'était les rares instants où il avait été de corvées de nourritures et dans ces moments là, les enfants étaient tout simplement proscrits. Comment se pouvait-il alors que cet enfant ci tout particulièrement lui ai dit quelque chose ? Il avait lutté longtemps, avant qu'un éclair de lucidité ne le traverse entièrement, à l'instant ou la femme qui se tenait avec elle – et qu'Harold avait catalogué comme sa maman – avait murmuré quelques mots. Oh, Harold ne les avaient pas comprit, mais une telle sonorité de langue ne se trouvait que dans deux pays alentours, l'Italie et l'Espagne. C'est là qu'il avait fait le lien.

Près de quatre mois plus tôt, alors qu'il avait quitté la France dans des convois exécrables, la route jusqu'au train qui l'avait mené à Birkenau avait été longue, très longue. Et il y avait eu cette enfant. Cette fillette semblant perdue, qu'Harold avait prit dans les bras juste après le meurtre d'une énième femme devant eux. Le souvenir de ses bras s'accrochant à son dos lui avait martelé les épaules et il avait sourit en se rendant compte qu'en plus du père qui avait failli le frapper, cette petite avait aussi une mère. Puis la réalité l'avait rattrapé et il s'était souvenu que si elles étaient devant lui en ce jour, ce n'était pas seulement pour lui rappeler un élan de gentillesse, même si nouveau il y avait eu. Tremblante, Harry pu remarquer la gène qu'avait eu la trentenaire à se mettre nue devant tant de gens qu'elle ne connaissait pas. La pudeur n'était pas franchement un luxe qu'on pouvait se payer dans ce bâtiment, mais sans savoir pourquoi, le jeune sonderkommando avait été particulièrement touché par celle-ci. Sa fille y était surement pour quelque chose, mais qu'importe, il avait agi. S'approchant d'elles, avec un sourire aussi grand que possible pour la demoiselle qui le regardait apeuré, Harry avait essayé de lui faire comprendre par de simples gestes qu'il allait les cacher du regard des autres. Se dressant devant elle, dos à leurs corps, il avait fait de son mieux pour que les soldats ne remarquent pas son geste. Quelques minutes plus tard, alors qu'une main s'était apposée sur son épaule, un doux mot s'était glissé à son oreille. Bien sûr qu'il ne parlait pas italien, mais la chaleur d'un Merci était la même dans toutes les langues et d'un regard voilé par la tristesse, il avait regardé la fillette et sa maman s'éloigner vers la mort. Là ou elles n'auraient plus personne à remercier.

Tout cela c'était passé il y avait quelques heures maintenant, mais toujours ces images envahissait l'esprit du jeune homme. En tentant d'occuper ses pensées alors qu'il avait finit ses douze heures, il vidait ce qui lui servait de dortoir depuis au moins une bonne heure maintenant. Harry ne comptait plus les allers retours qu'il avait fait entre la cave et la pièce où il dormait, pour débarrasser le plancher des déchets bien trop encombrants. Etait-il utile de préciser qu'il ne voyait plus seulement une pièce à coucher dans cette sorte de grand hall ? Chaque fois qu'il y pénétrait, il se demandait comment cela avait pu arriver. Comment Louis et lui avaient pu tomber l'un sur l'autre, malgré toutes les atrocités qui les entouraient. Et comment en si peu de temps, ils avaient su se donner et s'offrir si librement. Lorsque le jeune homme pensait à cette nuit là, le mot Sexe ne venait jamais jusqu'à lui, jamais. Ce qu'ils avaient vécu allonger là bas était au dessus de tout cela, tellement au dessus. Il n'avait pas été question de baise ou d'autres mots crus et ignobles que certains utilisaient souvent. Harry n'en avait pas fais la confidence à son amant, mais il avait été la seconde personne seulement avec qui il avait été aussi intime et s'il avait du décrire la puissance de ce qu'il avait ressenti, il s'envolerait sans doute.

Surpris, Harold s'était lui demandé ce qu'il en était réellement pour Louis. Après son viol par Martin, il avait été évident que le soldat avait du mettre du temps à s'en remettre. Mais par la suite, avec son service militaire, puis son engagement chez les nazis – que tous savait homophobes en plus de toutes leurs autres tares – avait-il eu le temps de rencontrer quelqu'un de bien, quelqu'un près à lui faire oublier Martin et à tout recommencer. Ou bien est-ce que c'était lui son après ? Non, un homme aussi charismatique que Louis avait du être sollicité des dizaines de fois, et puis, se comporter comme un animal était un comportement plus ou moins habituel chez les hommes. Même si l'allemand n'avait jamais montré de tels signes devant Harry, il était vrai.

« Tu te rappelles de cet endroit ? »

Harry sursauta vivement et porta une main sur son cœur palpitant quand il se rendit compte que Louis se tenait dans l'embrasure de la porte. Incapable de bouger, il se contenta de fusiller le jeune homme du regard, mais se laissa malgré tout envelopper dans l'étreinte forte et chaude que lui proposa le SS.

« Cette pièce ou tu as voulu m'étrangler ? Comment l'oublier. »
« Tu me mettais sur les nerfs. »
« Pourtant, ce n'est pas comme si on avait beaucoup parlé toi et moi avant cela. »
« Laisse moi tranquille, tu veux bien ? »
« A vos ordres, SS Tomlinson. »

La façon dont le corps de Louis se crispa suite à ces dires ne put être contenue. Il avait beau s'accommoder de ce titre depuis des temps qui lui semblait immémoriaux, il ne l'en supportait pas plus. Lorsqu'il sortait de la bouche d'Harry, c'était pire encore.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »
« C'est plutôt à moi de vous demander ça monsieur. Vous possédez une pièce et un lit simplement pour vos bons vouloirs, mais c'est ici que je vous trouve. »
« Il se peut que je t'ai suivi. Je voulais juste te voir, cinq minutes... »

Le français reconnaissait ce timbre de voix. Celui qui disait « J'aurai voulu rester plus longtemps, mais le boulot m'appelle. » et qui signifiait que bientôt, il serait à nouveau seul dans les méandres d'un endroit qu'il ne détestait que trop peu. Déposant ses lèvres à la commissure des siennes, il se laissa bercer par les flots que prodiguaient les bras de Louis et rêva un court instant à la douceur d'un autre monde, d'un monde meilleur. Parfois, il prenait à Harry l'envie de croire le soldat et ses fantasmes de vie heureuse et saine, dans un futur plus ou moins proche, mais la réalité le rattrapait à chaque fois bien trop vite et alors, seule la boule dans sa gorge persistait.

« C'était il y a deux mois. »
« Pardon ? »
« Quand je t'ai embrassé dans le coin là bas, pour la première, c'était il y a deux mois. »
« C'est impressionnant. J'ai à la fois l'impression d'avoir vécu si peu de temps avec toi et celle d'être enfermé ici depuis toujours. Mon esprit n'arrive pas à dissocier les deux choses. »
« C'est s'il y arrivait que je m'inquiéterais, Harry. »

La tête de Louis posée dans le creux de son cou, Harold se surprit une nouvelle fois à se rendre compte que des deux, il n'était pas le plus fort, pas dans ce genre de moment. Il aurait souhaité avoir la force de conviction de son amant, tout en sachant le protéger aussi bien que le faisait Louis avec lui. C'était l'évidence même, si leurs rôles avaient été échangés, Harry aurait agi exactement de la même manière à son égard, ou presque. Peut-être que s'il avait été le soldat, il aurait moins peur de certaines choses, dont l'amour.

Comme venait de le faire rappeler le SS, cela faisait déjà deux mois, ou seulement deux mois, peut importait vraiment la façon dont on le voyait car ici, tout allait plus vite que nulle part ailleurs. Pas le temps, ô non, mais les sentiments sans doute. Jamais ô grand jamais Harold n'aurait pu tomber sous le charme d'un homme en seulement deux mois, à l'extérieur. Il aurait d'abord flirter, puis appris à connaître son hôte, avant de le laisser apercevoir certaines parts de lui. Avec Louis, tout avait été si différent, si rapide, si aimant.

« Tu dois vraiment repartir ? »
« Lemke m'attends, cinq minutes n'était pas une façon de parler. »
« Lemke ? »
« Je ne peux pas trop t'en dire pour l'instant, parce que rien n'est bien sûr, mais il m'aide à préparer la révolte. C'est pour bientôt Harry, on sent qu'il est temps que ça arrive, avant qu'il ne soit trop tard. »
« Tu es en sécurité ? »
« Pour le moment oui, et toi aussi, je te le jure. Mais ne parle de ça à personne. Tu seras le premier que j'informerais le jour ou tout aura été décidé. »
« D'accord, oui. »
« Je dois y aller. »
« Attends, Lou ! »
« Oui Hazz ? »
« Embrasse moi là ou tout a commencé, avant de partir. »

C'était une demande douce, bien que suppliante, mais à l'instant où leurs lèvres et leur muscle se rejoignirent, ils surent tous les deux que c'était la chose à faire. Peu importait le temps qu'il leur restait, que ce soit dix jours ou dix ans, désormais, il leur fallait vivre chaque instant comme si c'était le dernier. Au cas où.

Oui, tout avait été bien vite entre eux. Et en regardant Louis s'éloigner, Harry en fut intimement convaincu. Ce n'était plus simplement ressenti et amourette, c'était devenu quelque chose de tellement plus fort que cela. Harold était tombé amoureux de Louis. Et la seule chose qu'il regrettait à tout cela, c'était de ne pas le lui avoir encore dit. Au cas où.

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