DEUXIÈME CHAPITRE

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Le soleil à son zénith agressait mes rétines. La tête aussi lourde que du plomb, je roulai avec peine sur le côté. Sous mon corps, une surface inégale me déchirait la peau.

Que m'arrivait‑il ? Les souvenirs refusaient de se frayer un chemin dans mon esprit. Je me rappelais de mes deux apprenties dans le bar, de ma discussion avec Linsey dehors, puis... plus rien.

Le miaulement d'un chat déchira le silence. J'ouvris les yeux. De couleur noire, le félin me fixait de ses grands yeux verts. Il était étrangement semblable à celui que j'avais vu dans la ruelle. Avant que je puisse réagir, il disparut dans ce qui ressemblait à de hautes herbes jaunies.

Je ne me trouvais plus au club.

Étonnamment, ce ne fut pas cette certitude qui me terrifia le plus.

Ce fut moi. Ou plutôt, le changement que je ressentais à l'intérieur de moi. Impossible de le qualifier, de savoir exactement ce qui clochait mais j'étais différente...

La vache, Elana, c'est le plus mauvais trip de ton existence.

Quelle drogue avais‑je consommée ? Parce que, oui, je ne comprenais pas grand‑chose en dehors d'un fait évident : on m'avait droguée.

Les souvenirs refusaient toujours de remonter à la surface, bloqués par un cadenas invisible. Un mauvais pressentiment éveilla une peur brutale qui se tenait recroquevillée au fond de mes tripes, telle un chien terrifié. Sans que je sache pourquoi, des larmes coulèrent sur mes joues.

Il s'était passé quelque chose de terrible.

Mais quoi ?

Je m'assis sur le sol caillouteux et parcourus du regard le paysage désolé qui m'entourait... avant de me contracter à la vue de mon jean baissé sur mes chevilles et de mon tee‑shirt couvert de sang.

Mon mauvais pressentiment se mua doucement en une terrible conviction. Une terreur sourde m'assaillit. Je posai une main sur ma bouche pour ne pas crier. En vain. Un sanglot me déchira la poitrine et je sentis des mains invisibles empoigner mes seins.

Des mains glaciales, avides, meurtrières.

Je remontai maladroitement mon jean sur mes hanches et me recroquevillai en position fœtale. Parce que c'était tout ce dont j'étais capable à cet instant‑là. Pleurer, me débattre avec ces images atroces dans ma tête, me convaincre que tout ceci n'était pas réel.

Impossible. Impossible, impossible, impossible...

Mes doigts tremblaient. Non, mon corps entier tremblait. Ce corps qui me semblait si étranger.

Je sentis soudain une présence derrière moi, et je me retournai. Les chatons qui m'observaient détalèrent à vitesse grand V tandis qu'une furieuse douleur me transperçait le cou.

Ce cou dans lequel des dents s'étaient plantées pour aspirer mon sang.

Mes doigts caressèrent la peau là où une blessure aurait dû se trouver. Mais rien. Rien qu'un épiderme lisse, agréable, d'une douceur presque surnaturelle.

Et les flashs se multipliaient, chaotiques, cauchemardesques. Une voix souffla à mon oreille.

Maintenant, tu vas te laisser faire...

La ruelle derrière le club, la camionnette, les bras de cet inconnu autour de moi, le poids de son corps sur le mien.

Son sexe en moi.

Sang à Crocs (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant