VIII

20 4 0
                                    

Pendant ce temps, chez Elianor, ses parents étaient en pleine discussion. Les nouvelles allant vite, tout le village était au courant pour la mort du fils et de la femme du seigneur De Gervissande ainsi que les cinq servantes de sa suite ainsi que pour les quatre cadavres de chevaliers retrouvés sur le chemin reliant le village au château. Pour beaucoup, Elianor était la coupable même s'il n'y avait aucune preuve, mais ils n'avaient pas tort.

- Albain, je ne peux pas. J'ai perdu tous mes enfants. Qu'elle soit là est une seconde chance pour nous. Je ne supporterai pas de la perdre à nouveau.

- Yolande... Ce n'est pas notre fille ! Elianor était un ange, gentille, courageuse... Cette fille n'a que son apparence.

- Non, je suis sûre qu'Elianor est encore au fond d'elle. Il faut juste lui ouvrir les yeux...

- Elle a déjà tué quatorze personnes ! Quatorze en une journée ! On ne peut pas la laisser faire.

- Rien ne prouve que c'est elle !

- Qui ça pourrait être d'autre ?

- Que veux-tu faire ? la tuer ? Elle est immortelle. Tu veux vraiment devenir l'assassin de ta propre fille ?

- Ce n'est pas ma fille ! Et s'il faut que je la tue de mes propres mains, je le ferai, immortelle ou pas. Cette meurtrière ne salira pas la mémoire d'Elianor.

- Albain...

- Maman, Papa, je suis rentrée !

Les deux adultes se retournèrent, honteux. Elianor n'avait pas entendu leur discussion, ils en étaient soulagés. Elle avait un ton enjoué malgré ses yeux rouges, ce qui n'échappa pas à sa mère.

- Ça va ma chérie ?

- Oui, pourquoi ça n'irait pas ?

- C'est toi qui a tué ces chevaliers ? ces servantes ? et la femme de notre seigneur ?

- Albain !

- Ce n'est rien maman. Oui, c'est moi. Ces chevaliers m'ont menacée de mort. De Gervissande a bien mérité la mort de sa femme. Et pour ces servantes, elles étaient là au mauvais endroit au mauvais moment.

- Tu ne dois pas faire ça !

- Ils l'avaient mérité. Point final. À la prochaine pleine lune, je tuerai De Gervissande et j'aurai rempli mon pacte, ce sera fini. Après je tuerai de temps en temps quelqu'un pour La Mort mais c'est tout. Maintenant je vais me coucher. Bonne nuit. Dormez bien.

Elianor se coucha sur sa paillasse et s'endormit dans l'instant : sa blessure l'avait épuisée.

Ses parents se regardaient. Ils ne pouvaient pas la laisser tuer d'autres gens. Elle leur avait dit comment la détruire, il fallait profiter de cette nuit.

Ils avaient attendu que la lune soit la plus haute pour agir, pour être sûr qu'elle était bien endormie. Ce qui avait laissé le temps, sans qu'ils le sachent, à la blessure de se refermer et à La Mort de lui donner toutes ses connaissances.
Albain, étant le plus fort, tenait Elianor dans son sommeil, pendant que Yolande, ayant pris le poignard de sa fille, coupait le tatouage maléfique. Mais à peine la lame avait pénétré la peau qu'Elianor se réveilla. Elle ne chercha pas à comprendre. Dans un tour de poignet, elle déroba le poignard et rentra l'arme dans le cœur de la personne qui avait voulu la tuer. Dans la pénombre, elle ne distingua pas qui était cette personne. Elle se redressa d'un coup, ce qui fit valser le complice du cadavre. Elle attrapa une bûche dans la cheminée et s'en servit comme torche. Quand elle reconnut son père pleurant, le cadavre de sa mère dans les bras, elle comprit ce qui venait de se passer.

- Vous avez essayé de me tuer !

- On le devait. Tu n'es pas notre Elianor.

- Si je ne suis pas ton Elianor, ça ne te gênera pas de rejoindre maman.

Elle lança sa torche sur son père qui prit feu. Un feu qui réduisit en poussière les paillasses et ses parents. Elle s'assit sur le tabouret, regardant en pleurant le feu crépiter. Elle finit par s'endormir sur la table. Quand les rayons du soleil la réveillèrent, toute la cabane avait prit feu, il ne restait que la table et le tabouret ainsi qu'un tas de cendres.

Jamais elle ne s'était sentie si seule. Jamais elle n'avait eu aussi envie de voir Luc. Il fallait qu'elle le fasse changer d'avis. Il lui fallait quelqu'un de confiance. Ses parents avaient essayé de la tuer ! Ses propres parents ! La principale raison pour laquelle elle était revenue. Les gens qui sont censés s'occuper de vous jusqu'à leur mort ! Les seules personnes au monde qui sont presque obligés de vous aimer, alors si même eux vous tournent le dos, qui pourra vous aimer ?

Elle était encore sous le choc. Mais encore plus par la rapidité à laquelle les choses se sont produites.

Les mots de son père résonnaient encore dans sa tête « Tu n'es pas notre Elianor ». C'était la deuxième personne qui lui disait ça depuis qu'elle était revenue. Et si c'était vrai ? S'il y avait deux Elianor, celle d'avant sa mort et celle qui était un serviteur de La Mort ? Sa vie serait-elle meilleure en tant que serviteur de La Mort ou avait-elle fait la plus grosse erreur de sa vie ? Tant de questions sans réponses... Il fallait qu'elle parle à Luc. Lui, il la comprendrait, enfin, c'est ce qu'elle espérait.

Serviteurs de La MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant