XIII

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Elles étaient devant la maison d'Antoine Gervissande. La nuit était tombée depuis deux heures.

- Comment veux-tu le tuer ? Torture ou direct ?

- Direct

Tuer la dégoûtait assez, il ne fallait pas ajouter la torture : elle ne le supporterait pas.

Elles entrèrent sans faire de bruit. Elles étaient devant la porte de la chambre quand Stéphanie s'arrêta brusquement.

- Je ne peux pas. Si je le tue, ce n'est pas lui qui va payer mais sa famille. Ils n'y sont pour rien eux.

- Tu peux faire comme moi. Tu tues sa famille, comme ça c'est lui qui souffre.

- Non, ça va le faire boire encore plus et il tuera d'autres gens.

- Bon, d'après la Mort, ses parents sont déjà morts, sa femme a été abandonnée enfant, ils n'ont ni frères, ni sœurs. Leurs amis les ont laissé tomber quand Antoine s'est fait virer car le chômage l'a rendu alcoolique et ça le rendait violent. Leurs deux fils n'ont que 1 et 6 ans donc pas encore d'amis. Si tu les tues personne ne souffre. Voilà, tout le monde est content !

- Tu crois ?

- Tu essaies de gagner du temps là, non ?

- Peut-être...

- Si la Mort t'a choisie, c'est qu'il y a une raison. Je suis sûre qu'au fond de toi tu vas adorer. Pour l'instant, ta morale prend le dessus mais quand tu vas te lâcher, ça va faire des miracles.

Stéphanie sortit son arme de fonction. Inspira un grand coup. Entra dans la pièce. Elle le regarda. Endormi paisiblement à côté de sa femme. Ça lui rappela qu'elle ne pourrait plus jamais dormir dans les bras d'Eiden. La colère monta en elle, ses instincts meurtriers prirent le dessus. Elle tira deux fois. Deux fois la balle se logea dans la tête. Deux fois un cœur s'arrêta de battre. Elianor planta son index dans le trou béant au niveau du front de l'assassin et dessina la balance de la justice sur la moquette.

- Les gens penseront que c'est moi qui ai fait ça. C'est un peu ma signature. Sinon très beau jeu de mains, bravo.

- Maman ? Papa ?

Le petit de 6 ans avait été réveillé par les coups de feu et était venu voir ce qui se passait. Sans réfléchir Stéphanie lui tira une balle dans le cœur. Les pleurs du bébé se firent entendre. Guidée par les cris, Stéphanie entra dans la chambre du petit. Elle hésitait : ce petit n'avait rien fait. Il ne souffrirait pas de la mort de sa famille. Enfin, pas maintenant... Non, il fallait qu'elle le tue maintenant sinon il allait souffrir. Elle lui devait bien ça. Elle tira. La rage et la joie de vengeance qui l'avaient habitée en tuant cet Antoine avaient laissé place à la culpabilité et la tristesse.

Elle retourna sur ses pas. Elianor avait tracé avec le sang du fils aîné sur le mur « Mon père est un meurtrier ». Stéphanie avançait comme un zombie. Elle sortit de la maison suivie d'Elianor. Sur le chemin, aucune ne parla. Elles rentrèrent chez Stéphanie. Elle se laissa tomber sur le canapé et pleura.

- Tu as fait ce qu'il fallait.

- Comment peux-tu dire ça ?! J'ai tué deux enfants ! Deux enfants qui n'avaient rien fait !

- Calme-toi. Ils auraient été comme leur père.

- Comment le sais-tu ? Tous les enfants ne sont pas comme leurs parents !

- Je fais ça depuis des siècles. J'ai l'habitude. Si tu ne les avais pas tués, ils auraient voulu venger leurs parents.

- Comment fais-tu ?... Pourquoi fais-tu ça ? Ta famille, tes amis sont morts depuis des siècles. Plus rien ne te retient ici... Pourquoi restes-tu ?

- La Mort est mon seul ami. Ma famille se fichait de moi. Je suis ici pour rendre MA justice.

- Je ne te comprends pas.

- Comment veux-tu comprendre les autres alors que tu ne te comprends pas toi-même ?

C'était vrai. Elle ne comprenait pas ce qu'elle était. Elle était contre le fait de tuer pourtant elle avait ce soir tué comme si c'était une habitude, et ce qu'elle avait ressenti... du bonheur, le bonheur de tuer. Ce n'était pas elle ça, à moins que si. La Mort ne l'avait pas choisie par hasard : elle était faite pour ça et elle n'y pouvait rien. Maintenant qu'elle avait laissé sortir ses démons, elle ne pourrait plus les renfermer...

Serviteurs de La MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant