Chapitre 5

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Les cinq jours qui suivent sont très chargés et m'empêchent de trop réfléchir. Le médecin de l'hôpital m'a donné deux semaines d'incapacité totale de travail et Georges a exceptionnellement donné ses après-midi à Barbara pour qu'elle puisse m'aider dans mes démarches.

Elle m'a conduite chez l'assistante sociale qui a semblé prendre mon cas très au sérieux. Celle-ci est déjà sur deux ou trois pistes pour me reloger, et m'a surtout dégoté une dotation pour recomposer un petit trousseau pour Lenny et moi afin que je ne sois pas obligée de repartir chercher des affaires dans mon ancien appartement. J'ai aussi eu la chance d'avoir droit à une nouvelle chaise haute pour Lenny, cadeau de mes adorables collègues de travail.

Nous avons également pu rencontrer Maître Vitaro, l'avocate de Barbara, qui s'est tout de suite engagée à m'obtenir un divorce rapide et m'a rassurée quant à la garde de Lenny : selon elle il y a très peu de chances pour que Franck conserve ne serait-ce qu'un droit de visite.

Une équipe est venue prendre ma plainte directement chez Barbara pour éviter d'avoir à me rendre au commissariat car même si je parle beaucoup mieux j'ai encore très mal dans mes déplacements, et cette démarche m'aidera beaucoup dans la perspective de mon divorce.

Cinq jours. Cinq jours pendant lesquels j'ai commencé à réapprendre à vivre sans les règles de l'homme que j'avais cru capable de faire mon bonheur et qui a finalement été mon plus grand échec.

Mais je conserve encore beaucoup de réflexes, ce qui inquiète Barbara. Je suis incapable d'abandonner toutes ces habitudes qu'il a ancrées en moi. C'est comme s'il était encore là, comme s'il allait surgir d'une pièce et me donner une correction pour ce que j'aurais mal fait. Je sens sa présence, constamment. J'entends sa voix menaçante me souffler la peur qu'il aime provoquer en moi, je sens même parfois ses coups, surtout lorsque je dors ou même simplement que mon esprit s'évade.

- Punaise, ce jean te fait un cul d'enfer ! Lance Barbara depuis le canapé alors que je quitte ma chambre et me prépare à sortir.

J'ai un rendez-vous avec un conseiller bancaire pour mon changement de compte, et nous avons convenu qu'elle garderait Lenny pour qu'il puisse faire la sieste.

- Mon Dieu Barbara tu es si...

- Sincère ? sourit-elle.

- Je ne trouve même pas de mot.

Elle se lève et vient me rejoindre alors que j'enfile un gilet par dessus mon chemisier blanc.

- Hey ma belle, il va falloir que tu te mettes à accepter les compliments maintenant. Je veux te voir vivre, sourire et être fière de toi. Cesse de te dévaloriser sans arrêt.

Elle me prend dans ses bras tendrement avant de me donner mon sac.

- Allez zou ! Tu as pris ton téléphone ?

- Oui. Mais il va falloir que tu m'expliques pas mal de choses, j'y comprends rien...

- On verra ça à ton retour. Tu as compris comment décrocher et passer un appel, c'est l'essentiel pour tout de suite.

Elle m'ouvre la porte et je file dans l'escalier. Je me sens si idiote. Huit ans que je n'ai pas utilisé de téléphone portable, et j'ai l'impression que la technologie a fait un énorme bon en avant entre temps. Heureusement qu'elle est là, je serais tellement perdue sans elle.

Il fait bon dehors, presque chaud. Le bus est quasiment vide, la circulation est assez fluide et je me retrouve rapidement devant l'agence.

Être en ville m'angoisse beaucoup, peut-être même encore plus qu'avant. J'ai peur qu'il soit là, lui ou quelqu'un d'autre qu'il aura chargé de me retrouver.
Il m'a déjà faite surveiller tant de fois par ses imbéciles d'amis, pour savoir où j'étais, à qui je parlais...
Je n'ai confiance en personne et encore moins depuis que je sais qu'il trempe dans des affaires plus que louches.

Dark LiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant