Fragments d'univers [EN PAUSE]

Anges et Démons #3 : Black Raven

« Après la bataille, Black Raven et moi fîmes le bilan de nos blessures : son arcade sourcilière s'était ouverte et de son nez aquilin coulait un léger filet de sang, mais je ne m'inquiétais pas outre-mesure ; sa peau meurtrie se régénérait déjà. Pour ma part, j'avais quelques égratignures, mais rien de grave. Justice reposait inerte entre mes mains qui, involontairement, serraient encore convulsivement le manche de ma faux à double lame.

Soudain, une main se posa, légère comme un papillon, sur mes poings serrés, et je me retrouvai dans les bras de Black Raven. Il sourit, complice, et éclata de rire. Le son argentin qui s'échappait de ses lèvres m'enivrait de bonheur, son visage était éclairé par la joie enfantine qui semblait le posséder.

Je respirais son odeur à fond, un arôme sensationnel, masculin, une douce forêt aux parfums de sapins résineux, de mousse, de lierre, très végétal et rassurant. Cependant, c'était ses yeux qui me rendaient captive, presque prisonnière de ce regard énigmatique, sombre, impénétrable en temps normal.

Mais aujourd'hui, il avait baissé sa garde ; je voyais dans ses prunelles des étincelles de bonheur, de simplicité et confiance. Mais il y avait aussi autre chose : de l'amour ? De la tendresse ? Pendant que je tentais de le comprendre, il déposa sur mes lèvres un baiser d'une douceur incomparable, qui me surprit autant qu'il me ravit.

Il était si différent, avant... Si haineux envers lui-même et les autres, si colérique ; il souffrait, et tout le poids de son passé s'est envolé pour laisser la place à cet homme si lumineux que j'aimais tellement !

J'aurais pu défaillir de bonheur, là, dans ses bras, en une douce agonie, si Justice n'avait pas perçu un grand danger. Pourtant, en regardant devant moi, je vis que tous les ennemis qui avaient combattu quelques instants plus tôt étaient morts. Mais d'où venait ce danger ?

Nous nous mîmes en garde, tout à coup silencieusement méfiants. Justice n'annonçait rien au hasard ; je lui faisais aveuglément confiance. L'épée de Black Raven, Courage, fouetta l'air comme pour parer un coup invisible, mais rien.

Et puis...

Une horde de tigres à dents de sabre tout droit sortis de la Préhistoire mêlés à de très beaux loups noirs sortirent de la pénombre de la caverne dans laquelle tous étaient. Ils auraient pu se repaître des corps sans vie au sol, mais ceux-ci préféraient de loin les proies vivantes que nous faisions.

Nous déployâmes nos ailes respectives, autrement dit bleu sombre pour moi et noires pour Black Raven. Ses ailes, de ce noir corbeau aux reflets irisés, auraient aisément pu le faire passer pour un Démon, ce qu'il avait cru être depuis sa naissance, mais il avait tout d'un Ange, parce qu'il en était un, tout simplement, et il avait eu besoin que je le lui fasse comprendre.

L'intéressé m'attira à lui en me prenant par la taille d'un geste protecteur. Parfois, il oubliait que j'étais tout à fait capable de combattre, comme lui, et qu'il n'avait pas besoin de me protéger, même si, dans ce cas, j'aimais bien me sentir en sécurité. De plus, face à ces fauves terrestres, dans les airs, nous ne craignions rien.

Ainsi rassurée, mon assurance naturelle reprit le dessus.

Une voix plus que familière ricocha sur les parois de la grotte, puissante :

-Midnight Blue, Black Raven ?!

-Qu'est-ce que tu veux ? Dis-je, hargneuse, en reconnaissant parfaitement la personne qui se cachait derrière ce timbre.

-Du calme, ma jolie... Je suis venu récupérer quelque chose qui m'appartient... dit la voix. Oui... je veux récupérer Justice.

-Dark Black, tu nous as tous trahis et surtout elle ! Comment peux-tu encore la regarder dans les yeux après ce que tu lui as fait ? Comment oses-tu lui demander notre aide dans je ne sais quel plan que tu as encore mijoté ?

-Ce n'est pas comme si j'avais eu le choix ! C'était ma destinée, tu comprends ? Je devais devenir un des leurs, j'étais voué à cela depuis ma naissance ! « Le plus grand sera ténébreux, et l'autre deviendra lumière. » Cela te dit quelque chose, Black Raven ?

Nous étions tous deux soufflés par ce qu'il racontait. Bien sûr chacun savait que les deux frères prenaient depuis leur enfance des chemins divergents, mais de là à ce qu'il cite l'Oracle des Dieux...

Pour éviter leur confrontation imminente, je m'interposai :

-De toute façon, Justice est à moi maintenant ! Il est hors de question que tu la reprennes. »