Breakin'

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Ce matin, le réveil est plus dur que tous les autres jours de la semaine. Nous sommes vendredi. En plus d'être le dernier avant le week-end, ce qui me donne envie de ne pas aller en cours, c'est aussi le jour où j'ai cours de sport. Et seul Kurt Cobain sait à quel point je déteste les deux heures pendant lesquelles je me ridiculise devant toute ma classe. Parce qu'évidemment, en plus d'avoir le physique d'un anorexique, je n'ai aucun muscle. Pour vous dire, je ne suis pas capable de faire une pompe.

Et c'est une bonne chose pour les garçons de ma classe qui sont tous les clichés du mec hyper sportif qui a toutes les filles à ses pieds. Ça leur donne une raison de se moquer ouvertement de moi, de me ridiculiser encore plus, surtout que nous sommes obligés de nous mettre en short.

Je me sors difficilement de mon lit, traînant mes pieds sur le parquet froid. Je m'étire difficilement, grognant en remarquant que je suis toujours habillé comme hier soir. Je laisse échapper un juron en me souvenant de ce à quoi je pensais avant de m'endormir. Je m'étais promis de ne pas recommencer à songer à ce genre de chose. Mais évidemment, comme d'habitude, je transgresse l'unique règle que je me suis fixé : ne pas réfléchir à mon passé ou même à mon futur. 

Enfin, mon 'futur'.. C'est vite dit.

Une dizaine de minutes plus tard, je suis lavé et habillé, prêt à partir pour aller en cours. J'attrape mon sac et mon portable, sans oublier mes écouteurs. Je descends rapidement les escaliers avant de partie de chez moi. Comme toujours, ma mère travaille très tôt. Mon père, quant à lui, a dû sortir pour recommencer une énième fois à chercher un travail. Je soupir, fatigué de cette vie aux allures de cauchemar.

À mon plus grand regret, j'arrive rapidement devant mon lycée, rejoignant mon meilleur ami qui m'attend, assis sur un banc. Ses cheveux châtains sont relevés par son bandana noir, laissant quelque-unes de ses boucles retombées joyeusement autour de son visage enfantin. Comme Calum, ses lèvres forment toujours un immense sourire. Lorsqu'il me voit, ses yeux ambrés se remplissent de joie.

  « Salut Mike ! »

Je réponds distraitement et nous entrons dans le bâtiment exactement au moment où se déclenche la sonnerie. Alors que mon meilleur ami me raconte qu'il a rencontré un garçon qui lui plait beaucoup nous nous dirigeons vers les vestiaires de sport. Une fois dans la pièce, comme à notre habitude, nous nous installons le plus à l'écart possible des autres garçons. Non pas qu'Ashton soit aussi timide, mais comme moi, il n'aime pas les clichés mutants que sont nos chers camarades de classe.

Comme avant chaque cours de sport, j'attends que la plupart des garçons soient partis. Ils restent seulement Ashton qui est déjà habillé. Je le regarde tristement. Son corps est parfait. Ni trop gros, ni trop maigre. Parfait. Il est grand et a des muscles vraiment dessinés en plus de ça. Comment pourrais-je ne pas passer pour un idiot à ses côtés ? Moi, le gars au corps d'anorexique, aussi frêle qu'un nouveau-né et plus pâle que de la porcelaine. 

« Mike, dépêches-toi, on va se faire démonter sinon..

- Désolé.. »

J'enfile mon t-shirt et mon short de sport qui sont à l'effigie de mon lycée. Chaque année, la direction nous en donne un nouveau. Évidemment, sauf à moi. Voila quelque chose qui prouve que je ne suis pas important.. Ils ont jugé que c'était inutile puisque je n'ai pas gagnée en masse corporelle. Mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas perdu. Au contraire. Maintenant mon bas glisse légèrement sur mes hanches et mon haut est beaucoup trop large pour que je puisse passer inaperçu. J'ai l'impression d'avoir enfile les vêtements de mon père. J'ai vraiment l'air d'un torchon..

Sans un mot, Ashton me fusille du regard. Il sait à quoi je pense. Il le sait bien trop. Mon meilleur ami connaît toute ma vie. Il comprend immédiatement quand je lui cache quelque chose. Je détourne le regard, déjà sur le point de fondre en larmes. Me sentent au bord de la crise de nerfs,  le bouclé me sert doucement contre lui. Après notre petite étreinte il l'entraîne dans l'immense gymnase où nous attend notre classe. 

Tout le monde me fixe. Comme d'habitude, j'ai envie de dire. Mais cette fois-ci, c'est encore pire que toutes les autres. Je vois clairement qu'ils se moquent tous de moi. Ils ne le cachent pas. Pas aujourd'hui. Toutes les filles commencent à me critiquer, trouvant injuste que mes cuisses soient plus fines que les leurs. Si seulement elles savaient... Je préférerais avoir des kilos en trop que d'être comme je suis.

Les garçons, eux, se moquent ouvertement de mon corps, m'insultent de faible, de lâche et de planche à pain. Moi qui croyais que cette phrase était uniquement pour les filles.. Mais rapidement, un déclic se fait dans mon esprit. Finalement, ils ne sont pas si bêtes. En critiquant ma maigreur ils déclenchent la haine des filles. Et les filles déclenchent la haine des garçons en me portant autant d'attention. Toute cette merde est un cercle vicieux.

Un cercle vicieux dont ils ont conscience et qui commence à me détruire. Et personne n'entend rien. Personne n'entend parce qu'un cœur qui se brise ne fait pas de bruit. Tout se passe dans le plus calme des silences. Aucun nuage à l'horizon, pourtant j'ai l'impression d'avoir été plongé dans une piscine d'eau gelée. Complètement dévasté par leurs comportements, je laisse mes larmes coulées ce qui me vaut quelques moqueries.

Finalement, mon professeur de sport intervient, criant à plein poumon qu'il n'y a aucune raison valable pour se moquer de quelqu'un. Mais quelques moqueries de plus ou de moins ne vont pas changer grand-chose ; je suis brisé.

Et j'attends désespérément que quelqu'un vienne me sauver de ce cauchemar. 

The Angel From My Nightmare // MukeWhere stories live. Discover now