II

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« - Le dernier à l'eau est une poule mouillée ! »

Il sauta dans le lac et éclaboussa la fille qui était sur la rive en train de poser sa serviette.

« - Ce n'est pas juste !protesta-t-elle. Je n'étais pas prête.

- Alors viens maintenant ! »

Et elle plongea, tête la première,dans l'eau gelée. En quelques brassées, le garçon l'avait rejointe et tenta de la couler.

« - Hé, Gabriel !Lâche-moi ! »

Ophélie se débattit et Gabriel accepta enfin de la libérer. Les deux enfants éclatèrent de rire et continuèrent de s'amuser dans les eaux bleues du lac.

« - Ophélie, qu'est-ce que c'est là-bas ?

- Un éléphant rose avec un chapeau melon.

- Non vraiment, tu ne vois pas ?

- Et bien...oui. On dirait un radeau. Génial ! Le premier arrivé à gagner ! »

Ophélie, meilleure nageuse que son ami, arriva la première au radeau. Un radeau humain. Paniquée, elle se mit à crier mais Gabriel ne tarda pas à la rejoindre. Il observa attentivement l'homme allongé sur le dos puis demanda :

« - Tu penses qu'il est mort ?

- Je n'en sais rien ! Viens Gabriel, on appelle les parents. Ils sauront quoi faire.

- Je veux juste savoir s'il est vivant.

- Non, arrête ! J'ai peur ici. Rentrons ! »

Mais le garçon tâtait déjà le pouls de l'individu. Il blêmit et suivit Ophélie sans prononcer un mot. Une fois sur la rive, ils appelèrent leurs parents qui,affolés, accoururent. Ils tentèrent de faire parler les enfants en les ramenant dans leurs maisons voisines mais ceux-ci se montrèrent peu loquaces.

Le soir venu, Ophélie reçut un avion en papier par la fenêtre de sa chambre l'informant qu'une réunion aller avoir lieu dans la cabane et qu'elle était priée de s'y rendre.

La cabane avait été construite parleurs parents quand ils ne savaient pas encore marcher. Elle était en haut du grand chêne qui séparait les deux jardins et au fil des ans, elle était devenue leur antre secret.

Ce soir-là, quand Ophélie arriva à la cabane, elle découvrit Gabriel penché sur un livre.

« - Tu lis ?s'étonna-t-elle.

- Il s'est suicidé.

- Qui ?

- Le type du lac, idiote ! C'est le policier qui me l'a dit. Il paraît qu'il venait de perdre sa fille et sa femme dans un accident de voiture donc il s'est noyé.

- Tu penses qu'il va lui arriver quoi ?

- Ils vont sûrement l'enterrer.

- C'est horrible de se faire enterrer. Je veux dire, pourrir dans un trou avec des vers...D'accord, il est mort mais quand même.

- Tu as raison. Moi, quand je serai mort, je veux que l'on me brûle et que l'on répande mes cendres dans la mer.

- Pourquoi dans la mer ?

- Parce que la mer est bleue, comme la mort.

- La mort n'est pas bleue ! Tu es vraiment bizarre, Gabriel.

- Toi aussi tu es bizarre, Ophélie. C'est la raison pour laquelle on s'entend si bien, toi et moi. Attends avant de partir, il faut que je te lise un poème que j'ai trouvé dans le livre de français. On dirait le type du lac sauf qu'il s'appelle le Dormeur du Val :

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune,bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. 1 »

Cœurs unisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant