Chapitre 4

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Gardant le silence, je me retournais vers la voix insupportable dont j'étais pressée de me débarrasser et me mis en position de combat.

-Oh oh ! On dirait que le petit chat a sorti les griffes ?

Ce genre d'expression... Elle me semble familière... Je secouais la tête pour me remettre les idées en place.

-Comment comptes-tu te battre pauvre petite chose aveugle ?

Je me rendis compte qu'elle n'avait pas vu Kalona, planqué en haut de l'armoire. Elle croyait donc que j'étais seule et démunie.

-Tu es redevenue muette aussi ? Comment Chris peut-il s'intéresser à un truc aussi inutile que toi ?

Je sentais la rage monter en moi. Me concentrant je recouvrais la vue grâce à Kalona. Bon le point de vue était différent, je me voyais de dos – Bordel mon cul est vraiment aussi gros ?! – et le sourire déjà victorieux d'Angélique me fit grincer des dents. Lâchant une épée je me précipitais vers elle et la gifla de façon monumentale. Je crois que même en Chine ils ont du sentir le tremblement que je venais d'engendrer.

Angélique porta la main à sa joue, surprise que j'ai pu l'atteindre du premier coup – t'es sur le cul hein petite pétasse ? – et me fusilla du regard.

-Comment as-tu osé ?

-Pardon ? Désolée, je t'ai peut-être cassé quelques dents, j'ai l'impression que tu marmonnes dans ta barbe.

-Rhaaaaa !

Elle s'élança vers moi, mais grâce à la vue d'ensemble qu'avait Kalona je parvenais à parer chacune de ses attaques. De temps à autre, j'effectuais une petite pichenette sur ses bras, ce qui avait le don de l'énerver encore plus. Vexée elle s'arrêta d'un coup et croisa les bras.

-C'est impossible !

Elle tapa du pied comme une gamine capricieuse. Je me retins de rire.

-Comment tu peux te défendre alors que tu es totalement dépourvue de ta vision !

Cette fois ci c'en était trop, j'explosais de rire devant ses yeux écarquillés. Même Kalona avait du mal à se contenir mais – heureusement pour moi – il avait beaucoup plus de self-control. Me moquer d'elle de cette manière me faisait beaucoup de bien.

Elle se jeta sur moi en hurlant et réussi – enfin – à me toucher au visage, si on peut dire, je sentis un mince filet de sang couler de ma tempe. Elle se redressa et tenta une nouvelle attaque. Je l'esquivais cette fois et la frappa avec le plat de ma lame dans le dos.

Elle hurla de rage en essayant encore et encore de m'atteindre.

-Arrêtez !

La voix d'Erebus la stoppa dans son élan et elle s'étala sur le sol comme une grosse merde.

-Que se passe-t-il mesdemoiselles ?

Avant qu'elle puisse répondre je m'empressais de le faire à sa place, Erebus n'avait pas besoin de connaître nos différents.

-Angélique m'aide à m'entraîner pour que je me débrouille sans avoir besoin de voir.

-Oh je vois, c'est très gentil de ta part Angélique.

Cette dernière se releva et épousseta ses vêtements.

-Mh.. De rien c'est naturel.

Dès que notre hôte sorti de la pièce elle me lança un regard assassin, croyant que je ne la voyais pas.

-Tu ne perds rien pour attendre.

Et elle partit d'un pas rageur. Enfin tranquille je repris mon entraînement en prenant soin de couper mon lien visuel avec Kalona.

Après quelques heures de sport intensif je décidais d'arrêter. Je déposais mes armes à leur place quand je sentis une présence dans mon dos. Ma main se referma sur la poignée d'une épée et je la pointais sur l'intrus.

-Tu te débrouilles bien sans tes yeux Maria, tu m'impressionnes.

-Alexander...

Quand ce n'est pas l'autre blondasse c'est lui qui se met à traîner dans mes pattes. Je baissais mon arme et finis par la ranger comme prévu.

-Qu'est-ce que tu veux ?

-Prendre de tes nouvelles.

-Je vais bien.

-Oh... D'accord. Et ça va ? Je veux dire, par rapport à tes yeux ?

-Je me débrouille.

Mes réponses se cantonnaient à trois mots, histoire de lui faire comprendre que je préférais rester seule plutôt qu'en sa compagnie. Sa réaction face à Chris ou même Kalona me débectait.

Il posa une main dans mon dos, une décharge électrique me traversa et l'espace d'un instant tout devint blanc, presque aveuglant – ironique quand on sait que je ne peut rien voir sans l'aide de Kalona.

Quand j'ouvris les yeux – oui, oui je voyais quelque chose par moi-même – je n'en revenais pas. Alexander se trouvait toujours derrière moi, sa main restée posée sur moi. Mais tout autour de nous avait changé. Nous étions totalement seuls dans une énorme prairie fleurie. Un paysage drôlement familier.

-Où sommes-nous ?

Alexander regarda autour de lui, une lueur de joie mêlée de tristesse passa dans son regard.

Sans un mot il commença à descendre la colline. Ne voulant pas rester seule je décidais de le suivre. Il avançait d'un pas déterminé, comme s'il savait où il allait.

-On va où là ?

Mais il ne répondait pas et continuait de marcher. Une nuée d'oiseaux passa au dessus de nos têtes. L'un d'entre eux tomba juste devant moi. Je le pris dans mes mains et le caressa pour le rassurer. C'était un jeune corbeau. L'oiseau me fixa intensément. J'avais l'impression de l'avoir déjà vu. Il se posa sur le dos de ma main et après un dernier regard il s'envola vers l'horizon.

Pendant que je jouais au vétérinaire Alexander avait disparut. J'aperçus un petit village en contrebas. Peut-être y était-il ? Je fouillais chaque maisons jusqu'à le trouver, immobile devant une cheminée. Les lieux paraissaient déserts. En baissant les yeux je vis qu'il tenait une photo froissée dans son poing. Des larmes coulaient de ses joues et il murmurait des mots, des mots en italien, sa langue maternelle.

Je le laissais seul, vu son état il en avait besoin. J'explorais la maison de fond en combles, il y avait quatre chambres, une salle de bain modeste, une cuisine et un débarras. Après avoir visité je rejoignis Alexander et le trouva assis dans un fauteuil en bois. Il leva les yeux et me regarda d'un air triste.

-On est revenus...

-Quoi ?!

-On est revenus au jour où nous nous sommes rencontrés...

Je le regardais, interdite, attendant qu'il poursuive.

Il soupira.

- Nous sommes en 1752.

Immortelle - T2 - RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant