Le fauteuil dans lequel j'étais calée, bras posés sur les accoudoirs, étirait sous mes doigts son cuir lisse et froid. En face de moi, un homme taillé comme une armoire à glace s'assit dans un vaste siège de bureau. On me l'avait présenté comme le psy de la Base. Selon moi, avec son cou de taureau et sa chemise tendue à craquer sur ses épaules, il avait plutôt sa place sur un terrain de rugby...
J'avais réussi à obtenir ma séance obligatoire chez le psychologue le lendemain de mon transfert dans ma "vraie chambre", dans l'après-midi. Claire, l'infirmière m'avait guidée jusqu'au bureau du professionnel. Ce dernier m'avait reçue très sobrement, et m'avait demandée de m'asseoir.
Le psy leva les yeux vers moi, et les baissa presque immédiatement. Il saisit son stylo, et écrivit rapidement sur son bloc.
Je fronçai les sourcils. Il prenait des notes avant même la première question. Je n'étais pas très au fait des us et coutumes des psys, mais il me semblait qu'ils étaient censés étudier la psychologie de leurs patients. Ou est-ce que mon caractère était écrit sur mon front ?
Le psy s'empara d'un dossier, l'ouvrit et le lut à voix haute :
"Numéro 605... Héloïse, dix huit ans, potentiel insoupçonné... Bien, intéressant... Premier rapport psychologique peu concluant mais survie inespérée...
-Vous savez que je suis là", coupai-je, agacée par le monologue usuel insistant bien sur le fait que je n'étais pas supposée survivre plus d'un mois.
Mon interlocuteur sembla se rappeler soudainement de ma présence et leva la tête. Il posa le dossier sur le bord de son bureau, ramena son bloc-note à lui et fit tourner son stylo entre ses doigts. Il affichait une sorte de demi-sourire pas vraiment encourageant que je n'arrivais pas à interpréter.
"Excuse-moi, je me remettais simplement ton examen psychologique préliminaire en tête avant de commencer la séance. Comme on te l'a peut-être expliqué, il s'agit d'un entretien psychologique visant à déterminer si tu es apte à fréquenter les autres participants du programme.
-Rappelez-moi pourquoi les malades qui nous séquestrent veulent que nous voyions un psy ?
-Vous n'êtes pas séquestrés, vous êtes nos invités, répondit patiemment le psy.
-Vous avez une drôle de manière de les recevoir, vos invités, répliquai-je.
-Tu es sarcastique, dis-moi.
-Ça aussi, c'est marqué sur mon dossier, ou vous l'avez deviné tout seul ?
-Oh, je crois que je l'aurais remarqué bien vite sans dossier... Quoi qu'il en soit, mon travail est de vérifier que le programme n'a pas causé de dommages psychologique lors du Réveil."
Il planta son regard dans le mien. Il avait des yeux marron clair dans lesquels se reflétait la lumière des néons. Cette pièce, elle aussi, ne comportait aucune fenêtre et la seule source de lumière provenait de l'éclairage artificiel suspendu au plafond.
Le psy me ressortit son sourire incompréhensible et se mit à griffonner sur son bloc tout en me parlant.
"Bien, donc Héloïse... Les rapports d'activité du programme indiquent que tu adoptes une attitude de retrait face aux personnes que tu ne connais pas. Tu n'hésites pas à dire à tes ennemis ce que tu penses, bien qu'il s'avère que tu aies dissimulé quelques informations à tes propres amis. Tu te rebelles souvent contre une autorité trop imposante... Tu cherches à réparer tes erreurs, et avant tout à comprendre pourquoi on te fait faire des choses. En d'autres termes, tu es méfiante, honnête sauf quand tu juges que cela pourrait affecter tes relations avec tes amis. Tu es juste, tu culpabilises facilement et tu éprouves un cruel désir de connaître la vérité. Qu'en dis-tu ?
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NIHILIA - II
HorrorJe m'appelle Héloïse. J'ai survécu à des zombies, des chasseurs, des cannibales et des psychopathes. Et je suis morte. Enfin, je le croyais. Cette histoire est le tome II de EPIDEMIA. Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous déconseille de commencer...