J'l'ai pas appelée.
J'suis trop fière. Trop bornée.
Mais elle est revenue quand même.
Elle a pas l'air d'être le genre de fille à avoir besoin d'une autorisation pour faire c'qu'elle a envie de faire.
J'l'ai retrouvée. Un matin pluvieux. Sous ma fenêtre.
Ses cheveux bruns étaient trempés.
Mais son sourire était intact.
Elle lâche pas son nouvel appareil photo.
Le monde entier devient son modèle. Elle prend tout et n'importe quoi.
Comme si chaque instant pouvait devenir un souvenir impérissable.
Même les instants d'la vie des autres.
J'la comprends pas.
Mais j'l'ai vue revenir, presque tous les jours.
« Je veux prendre des photos de toi, Ophélia. »
Elle peut toujours courir, la mignonne.
« T'en as bien suffisamment. J'vois pas l'intérêt d'venir enlaidir tes photos d'mondes parfaits avec ma sale gueule. »
Elle sourit. Ce petit sourire mutin. Ravageur. Plein de promesses.
« Tu ne comprends pas ce que je vois à travers ces photos. Je vois le monde, tel qu'il est. À la fois beau et laid. À la fois heureux et malheureux. À la fois sincère et menteur. Je prends en photo la réalité. Tu fais partie de cette réalité. Toi, et ton visage brûlé. Tu reflètes ce que nous sommes tous à l'intérieur. Des êtres magnifiques. Brisés par la vie. »
Elle m'semble sincère. La garce. Comment lui dire non ?
J'accepte. Pour elle.
Pour ses beaux yeux bleus.
« Ok. Mais tu te trompes. J'suis pas magnifique. J'l'ai jamais été. J'faisais le mal autour de moi. C'était pas un mal de grande envergure, mais c'en était un tout de même. J'avais aucune passion. Aucune raison d'vivre. Alors j'détruisais ceux qui en avaient. J'me sentais pas heureuse d'le faire. Mais j'en avais besoin. Comme un putain d'chien a besoin d'son os. C'était ma raison d'avancer. »
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Écor-Chérie
Historia CortaPlus personne ne regarde Ophélia depuis son accident. De toute façon, elle n'en a rien à foutre des autres et de leur pitié d'merde.