Lettre 2

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21 janvier 2018

Morgan,

Je ne vous connais pas. C'est une évidence. Pourtant, j'ai lu par curiosité votre lettre qui a atterri dans mon courrier, à l'adresse que vous aviez indiqué. Et je n'ai pas réussi à me résoudre à l'oublier comme une quelconque lettre ne m'étant pas adressée. J'ai voulu, au début, me dire que j'étais simplement trop curieuse et que vos histoires ne me regardaient pas. Pourtant, il y avait autre chose. Je ressentais ce besoin continuel de relire toujours vos quelques phrases, encore et encore. Et plus je relisais ces mots, plus j'avais envie de les relire. Car ce que vous dites est juste et vrai, et reflète une morne réalité. C'est simplement cette envie dictée par mon cœur qui me pousse à vous écrire aujourd'hui

Maintenant que j'écris sur cette feuille, je ne sais pas bien quoi vous dire. Je ne suis pas votre ami disparu, je ne peux pas prendre sa place. Je ne veux pas nous plus vous dire que je suis désolée pour vous, car on vous l'a assez dit. Et puis, je ne vous connaissais pas, ni vous, ni lui. Je veux juste aller à l'essentiel, enlever toutes ces tournures de phrases un peu trop belles, un peu trop artificielles et ne vous dire que des vérités.

La seule chose vraie que je pourrais vous dire, c'est que je suis là. Je suis là pour vous si vous le souhaiter. Pas comme tous ces gens qui ont dû vous le dire cent fois sans en penser un mot. Moi, je suis là pour vous. Réellement. Parce que la vie est faite ainsi. La vie m'a mené à me retrouver dans cet appartement où le nom de votre ami était encore inscrit sur la boîte aux lettres. Je crois au destin, ce n'était pas un hasard que je loue ce duplex, c'était fait pour que nous nous rencontrions. Le destin est maître de la vie et nous n'avons pas d'autres choix que de le suivre. C'est ce que je fais en vous écrivant aujourd'hui, en vous écrivant et vous proposant mon aide morale.

Et puis, il y a aussi le fait que vous m'avez touché. Dès que je relis cette lettre, j'ai cette sensation désagréable de revivre mon adolescence. Des souvenirs que j'aurais aimés ne jamais me rappeler ont resurgis. Je me suis souvenue de toute cette haine à laquelle on peut être confronté au lycée, à toute cette colère que d'autres aiment déverser sur nous, à tous ces moments de profondes solitude à se demander tout simplement pourquoi. Pourquoi ? Grande question que tout le monde se pose à l'adolescence, mais pour certain, comme vous ou moi, c'est bien pire. Nos pourquoi sont bien plus nombreux, et bien plus durs à affronter. Toutes les personnes que l'on côtoie paraissent si éloignés de nous, qu'il est difficile de se faire une place.

Je vous comprends. C'est la raison pour laquelle je veux vous tendre la main. Simplement car j'aurais aimé avoir ce genre de pilier durant cette époque difficile.

Je tiens également à vous dire que je ne suis pas un sociopathe, je ne veux pas vous effrayer. Une mère dit toujours à son enfant de ne pas parler aux inconnus. Mais n'y-a-t-il pas de bons inconnus ? Des inconnus que l'on ne verra jamais, des inconnus qui ne nous jugerons pas et qui nous écouterons, peut importe ce qu'on leur dira.

Je ne me soucie gère du cas de figure où vous ne répondriez pas. Tout simplement parce que je n'aurais rien perdu, si ce n'est le temps d'écrire cette lettre, et j'aurais même gagné le sentiment d'avoir fait une bonne action.

N'oubliez pas Morgan, les âmes en peine trouvent toujours refuge chez de veilles âmes torturées.

Tendrement, Sylvie.

Taquapax
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Morgan.e.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant