Partie 5

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Partie 5

-Pour tout vous dire, je suis claustrophobe. Pas au point de ne pas pouvoir prendre l'ascenseur ou entrer dans un tunnel, mais je dois avouer qu'être bloqué dans cet espace confiné me rend très mal à l'aise. Et Notre conversation m'a suffisamment occupé l'esprit pour éviter une crise d'angoisse, c'est pourquoi je tiens à vous remercier. De plus, vous avez l'air plutôt calme, à croire que ça vous ai déjà arrivé.

Non c'était bien la première fois que je ne retrouvais coincée dans un ascenseur. Mais jusque là, je ne m'étais même pas aperçue à quel point j'avais été impassible. J'étais tellement absorbé par mon entretien et agacée par les multiples tacles de mon voisin que j'en avais presque oublié de paniquer. Cette conversation m'avait donner l'impression de balancer des seaux d'eaux contre Le mistral et voilà qu'il me dit qu'en fait ça l'avait aidé. Je ne savais pas si je devais en être flattée ou vexée. Mais au vu des propos qu'il avait tenu, j'avais plutôt l'impression de l'avoir "amusé" tel un bouffon du roi.

-Il n'y a pas de quoi. En fait, je pense que j'aurais été nettement moins tranquille si j'avais été seule, moi aussi.

-Alors disons que cette discussion aura été salutaire d'une façon réciproque.

Euh salutaire, je ne sais pas. Est-ce qu'il a oublié qu'il vient limite de traiter les croyants, donc moi y compris, de débiles profonds? D'accord il a arrêté d'aboyer et m'a tendu la patte mais mes oreilles ont de la mémoire!

-Partager ses idées conduits à une meilleure compréhension d'autrui et ouvre de nouvelles perspectives. Même si comprendre ne veut pas toujours dire que nous sommes d'accord.

-C'est bien vrai. Et c'est Le problème des débats de nos jours. Dès qu'il s'agit d'un sujet sensible tel que la religion, les esprits s'échauffent.

Mais y'a de quoi quand on est en face de gens qui affirment des propos que l'on sait faux ou parfaitement injustifiés! Mes bonnes manières devraient m'empêcher de démarrer les hostilités mais mes lèvres se sont mis à remuer comme si elles avaient été dotées du libre arbitre.

-Ce n'est jamais mon intention de convaincre  quelqu'un avec mes idées ou d'essayer de "convertir" les gens en écrasant leur croyances avec les miennes. Mais je dois dire que ça me gêne un peu d'entendre que je suis simple d'esprit ou irrationnelle parce que je crois en Dieu. Voyez vous, j'ai fait de longues études de droit parce que je crois en la justice et j'ai travailler dur pour en arriver où je suis. Et je n'apprécie pas trop que tous ces aspects et qualités soient banalisés ou carrément balayés d'un revers de la main à cause de mes croyances. Ma foi est tout sauf irrationnelle et je peux l'expliquer avec une pensée logique et même scientifique. Maintenant est-ce qu'il y a des choses que je ne pourrais pas expliquer? Naturellement. Mais une entité suprême qui serait complètement définissable et explicable en termes physiques ne serait pas vraiment un Dieu, pas vrai?

-C'est une belle plaidoirie, maître. J'admets que vous tenez de bons points. Je n'aurais pas du sous entendre qu'un choix illogique en mon sens était forcément stupide.

Sa réponse aurait du me faire plaisir mais elle me fit l'effet d'une douche froide. Je suis titulaire d'un master, malgré ça la plupart des cabinets réputés me tournent le dos. Ça pue la discrimination. Mais comment réagir quand des gens qui sont supposés défendre les droits de l'homme les transgressent eux mêmes?

-Je ne suis pas encore avocate malheureusement, mais merci pour le compliment.

-Vous semblez assez déterminé, je suis sûr que vous y arriverez, tôt ou tard.

-Peut être bien, mais ce ne sera pas pour aujourd'hui. À l'heure qu'il est, ils doivent déjà être en train de barrer mon nom sur la liste des candidats.

-C'est un peu défaitiste

-Pas plus que de croire que cette vie est la seule que vous aurez.

Mon sarcasme lui donna le sourire mais je sentais qu'il avait l'air moins récalcitrant.

-Au contraire, je pense que ma théorie permettrait aux gens d'être plus heureux. Pourquoi s'adonner à une vie sacrificielle dans l'attente de quelque chose qui risque de ne jamais arriver? Je profite du moment présent sans me soucier de châtiments ou de récompenses.

-Je veux bien croire que quelqu'un comme vous puisse se satisfaire de cette vie la. Mais que direz vous aux personnes qui vivent un enfer dans des pays en guerre ou celles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté? Pensez vous qu'elles seraient plus heureuses d'apprendre qu'ils n'auront rien de plus que cela? Qu'elles doivent se résigner à perdre d'avance à un jeu qui leur a refilé les mauvaises cartes dès le départ?

Son regard s'assombrit à mes paroles. Il fixait la paroi qui lui faisait face en ayant l'air d'y réfléchir sérieusement. Mais je ne savais pas s'il pensait que j'étais pertinente ou s'il était près à rouler des yeux d'exaspération.

Mais je ne le saurais jamais, car c'est la qu' un flash de lumière a mis un terme à Notre conversation, aveuglant nos pauvres pupilles qui s'étaient habituées à la pénombre. Le tableau d'affichage aussi s'éclaira comme par magie.
Une seconde après, nous étions debout, un peu courbaturés et prêts à appuyer sur le bouton d'urgence qui de toute évidence fonctionnait à nouveau mais l'ascenseur se remit soudain en marche dans un grondement.

-C'est pas trop tôt!

Mon voisin avait l'air de croire qu'un technicien avait enfin pris la peine de réparer la machine mais il n'en était rien.
J'avais presque du mal à le croire, mais personne ne nous attendait quand les portes se sont ouvertes au rez-de-chaussée. À croire que tout ce qui venait de se passer n'avait été qu'un rêve. Ou un cauchemar.

Derrière les portes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant