Le stade de l'horreur

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     Le lendemain, Rémi arriva au terrain avec une demi-heure d'avance. Léo, Walt ainsi que Bryan étaient déjà là. Rémi était bien venu en overboard; l'overboard en question était une  planche métallique équipée de deux  réacteurs situés sous la planche, sous forme de deux cercles d'à peine dix centimètres d'épaisseur qui s'allumaient d'une couleur bleue quand on les allumait. L'overboard était doté d'un système antigravitationnel qui permettait d'entourer la planche d'une bulle invisible qui atténuait la gravité et empêchait ainsi le propriétaire de la planche de s'envoler ou de tomber. Léo prit la parole:" Vu que tout le monde est là, je propose que nous partions tout de suite, on arrivera plus tôt au stade comme ça." En effet, le stade se trouvait à cent-cinquante kilomètres de là. Les quatre amis firent démarrer leurs overboard simultanément mais ne créant aucun bruit étant électrique. Les quatre planches et leurs propriétaires sortirent très vite de la ville et laissèrent bientôt celle-ci loin derrière eux. Le paysage urbain céda alors la place à un paysage désertique, fait de sable, de roches et de quelques herbes sèches. Les différents paysages se succédaient de manière très rapide, tantôt désert, tantôt canyon et montagnes. Il faut dire que cent ans plus tôt, des dizaines de bombes nucléaires lancées à tout-va sur Terre avaient très sérieusement endommagées végétation et habitations, laissant la place au désert et au sable. Mais certains endroits sur Terre avaient survécu ou avaient complètement changés. C'était le cas de l'endroit où nos amis arrivèrent. C'était autrefois une cascade entourée d'un peu de végétation puis de désert. Aujourd'hui, l'équivalent pour nous d'un fermier avait réussi à faire pousser un pré pour ses animaux autour de la cascade.

   Les quatre amis discutaient joyeusement tandis que leurs planches continuaient  d'avancer. Très vite, ils aperçurent des bâtiments. Des immeubles de cinq étages, puis six et sept jusqu'à voir apparaître des gratte-ciels. Ils étaient en tous points semblables à ceux de Double city, tout à fait normal quand on sait que des milliers de ce genre sont construits chaque année. Il y avait donc des immeubles, des gratte-ciels et au milieu de tout ça, une immense route, noire de monde menant au stade. Des milliers de fans avançaient vers l'enceinte en tout point semblable à un stade de foot mais avec un toit, et bien évidemment un terrain de basket à l'intérieur. Rémi, Léo, Walt et Bryan survolaient eux la foule et arrivèrent très vite à l'entrée. Ils furent fouillés, passèrent sous un portique comme dans les aéroports mais bien plus sophistiqué, notamment doté d'un système à rayons X permettant de voir comme dans une valise; Ils entrèrent finalement, gravirent un escalier et une fois arrivés en haut, ils restèrent bouche bée. Devant eux, le  terrain, impeccable avec les joueurs qui s'entraînaient et cent mille spectateurs venus voir le match. La salle était presque pleine et il y avait encore du monde qui  attendait dehors. "C'est énorme", lâcha Rémi dans un souffle. Ses trois amis acquiescèrent d'un signe de la tête, ils n'en revenaient pas d'être là, pour eux, ils avaient trouvé le paradis sur Terre. Après être restés plusieurs minutes en état d'hébéitude, nos quatre amis se mirent à la recherche de leurs places. Ils étaient rang 25, respectivement aux places 11, 12, 13 et 14. De là où ils étaient, ils possédaient un très bel angle de vue sur le terrain. A peine installés, Walt et Bryan se relevèrent et allèrent aborder deux jeunes filles de leur âge laissant Rémi et Léo seuls.

"-Eh bien, nous y voila enfin, dit Rémi.

-Oui c'est ça, il y a tellement longtemps que j'attends de venir ici, lui répondit Léo, depuis que je suis tout petit en fait.

-C'est un rêve qui se réalise, un rêve de gosse

-Exact, tout n'est peut-être pas si noir dans ce monde finalement."

Le silence s'installa entre les deux amis, c'était un de ces moments où vous ne savez pas quoi dire mais où vous savez qu'il vaut mieux ne rien dire, alors vous ne dites rien et vous attendez. Alors que Rémi s'apprêtait à rompre le silence, les joueurs commencèrent à se mettre en place sur le terrain et l'arbitre apparu, balle en main. Les acclamations dans le public redoublèrent d'intensité, des tambours se faisaient entendre, des drapeaux s'agitaient, la folie était à son comble et la finale sur le point de commencer. Le ballon fut lancé et la finale débuta. La rencontre était d'une rare intensité, les joueurs enchainaient les paniers et les gestes de grande classe. La foule était en délire, partout on scandait les noms des joueurs, on entonnait des chants, on criait, on sautait de joie à chaque panier marqué par son équipe. Personne ne vit passer le premier quart-temps et encore moins le deuxième. Mais surtout, personne ne vit le drame qui se préparait arriver...

Rémi et Léo, en bons supporters qu'ils étaient, ne cessaient un seul instant de crier, d'encourager leur équipe, de huer, mais  aussi d'applaudir les beaux gestes de chaque équipe. A la fin du second quart-temps, les joueurs rentrèrent au vestiaire. Les deux amis se mirent en mouvement afin d'aller chercher à manger et à boire. Ils retrouvèrent alors Walt et Bryan en compagnie des deux jeunes filles qu'ils avaient aperçues en arrivant: 

"Ca a l'air d'aller vous deux, leur lança Rémi.

-On ne peut mieux, lui  répondit Walt.

-Vous profitez du match au moins?, demanda Léo.

-Plus ou moins oui.

-Tant mieux pour vous.

-Vous rentrez avec nous après le match?, questionna Rémi.

-Peut-être  que oui, peut-être que non, lui répondit Bryan avec un petit sourire en coin.

-Je vois, on va vous laisser alors.

-D'ac' à plus tard.

Les deux groupes se séparèrent alors. Rémi et Léo reprirent le chemin du vendeur de hot-dogs qui n'était plus qu'à quelques mètres d'eux. Et à ce moment-là, tout se passa très vite, le buzzer retentit sur le terrain. Au même moment, l'emplacement du vendeur de hot-dogs explosa provoquant une violente déflagration. Léo par réflexe militaire se jeta au sol entraînant Rémi avec lui, plusieurs mini-explosions suivirent la première. Et les gens se mirent à crier. On entendait des cris partout dans le public, les gens commençaient à fuir, le bruit des pas du public en train de courir s'intensifiait de seconde en seconde, les gens couraient, mais vers où? Vers les sorties, vers le terrain, loin de la bombe en tout cas. Le stade se vidait rapidement. Léo et Rémi commencèrent à se relever, ils ne semblaient pas blessés ce qui n'était toutefois pas sûr vu le saut de Léo, mais psychologiquement ils étaient traumatisés. Léo était sur pied et aida Rémi à se relever. Ce dernier était sous le choc et incapable de dire quoi que ce soit. Les deux rescapés prirent le chemin menant à la sortie la plus proche: "Ne te retourne pas!"cria Léo à Rémi. Mais il ne put s'en empêcher de jeter un regard en arrière et cessa d'avancer. Il avait dans son champ de vision des cadavres qui gisaient là par dizaines. Il finit rapidement par détourner le regard et se remit à marcher vers la sortie aux côtés de Léo. Une fois dehors, ils se retrouvèrent à l'intérieur d'un cordon de sécurité établi par les forces de l'ordre. Un homme en tenue de combat avec gilet pare-balles, casque  et fusil d'assaut vint les voir et leur demanda de le suivre. Il les emmena vers une ambulance à l'extérieur du périmètre de sécurité. Une fois dans l'ambulance, Rémi et Léo furent immédiatement pris en charge. Rémi n'était pas blessé physiquement, mais il était traumatisé. Quant à Léo, il avait payé son sacrifice afin de sauver Rémi, plusieurs plaies étaient présentes sur son visage, il s'était ouvert la jambe et une longue plaie parcourait son bras droit. Il avait aussi quelques coupures sur le dos mais rien de grave. Un médecin s'occupait de Rémi, le rassurait, l'écoutait, essayait de comprendre la situation, la nature du  traumatisme subit par Rémi et encore tout un tas d'autre informations. Il n'en pouvait plus d'attendre et se lança:

"-Est-ce que mes amis sont en vie?

-Votre ami est blessé mais sa vie n'est pas menacée.

-Non, je parle des deux autres personnes qui étaient venues avec nous voir le match.

-Quels sont leurs noms?

-Walter James et Bryan Stings.

-Je vais voir ce que je peux faire."

Le médecin laissa Rémi quelques dizaines de secondes et revint le voir.

"Bon...on a un Bryan Stinngs qui est actuellement hospitalisé et se trouve dans un état très grave. Et Walter James, n'est plus de ce monde. Je suis désolé."

Rémi était au bord des larmes et se tenait la tête entre les mains. Le médecin partit laissant Rémi seul avec sa tristesse, et la nuit qui arrivait. Léo fut aussi mit au courant et se leva de son lit pour aller s'asseoir à côté de son ami. Il le prit par l'épaule avec son bras valide et attendit. Il s'écoula un long moment sans autre bruit que les sirènes et les cris du dehors. "Merci." Ces mots, c'est Rémi qui les avait prononcés d'une voix presque inaudible. "De rien." Seul ces mots suffisaient, les deux amis se connaissaient, savaient ce que l'autre ressentait et ils savaient comment se consoler. Dans le moment présent, seul le silence pouvait les apaiser. Les deux amis étaient là sans être là, ils étaient ici et ailleurs, ils sentaient que l'autre le soutenait, mais ils se sentaient aussi seuls, ils se sentaient vivants, et morts à la fois, mais il étaient tous les deux avec l'autre, unis par la seule force de leur amitié.

Double cityWhere stories live. Discover now