NEO

4. « Condamnés à périr. »

« Jamais le soleil ne voit l'ombre. »
Léonard de Vinci

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25 janvier 3705, écuries d'Obliviøn.
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Nous nous sommes retrouvés, une demi-heure avant, aux écuries du centre, afin de préparer nos montures au long périples qui les attendent.

« Pour être honnête, murmure J-309 après s'être assuré que personne autre que nous ne pourrait l'entendre, cette mission me fait peur. »

Je la fixe du regard. Elle doit avoir onze ou douze ans, les cheveux roux et bouclés, rebiquant çà et là autour d'une frimousse rose tachetée de points bruns. Son visage aux traits candides semble tiraillé par l'excitation de découvrir le monde et la crainte du danger.

« Ça va aller, la rassure mon ami. Nous devons juste faire attention. »

La fille fait la moue, peu convaincue. Les deux autres garçons gardent le silence, continuant d'apprêter leurs chevaux.

J'observe l'étalon alezan qui deviendra ma monture. Si les autres équidés piaffent d'impatience, le mien me toise d'un regard tranquille. Je laisse retomber ma main contre sa crinière.

Quelques minutes plus tard, nous sommes en route, les chevaux avançant à rythme régulier. Mon ami reste à mes côtés, me rassurant par sa présence. Pourtant, je demeure songeuse. Les Rejetés à qui nous allons rendre visite n'ont rien fait. Ils n'ont attaqué personne, n'ont pillé aucune maison. Des êtres aussi silencieux que discrets et pourtant condamnés à périr sous la pointe de nos épées... à moins que ce ne soit nous qui allons passer l'arme à gauche?

Notre groupe est silencieux. Le seul bruit nous entourant est le fracas des sabots contre la route. Je ferme les yeux, me concentre sur l'air entrant et ressortant dans mes poumons, irriguant mes membres et nettoyant mon esprit. Je me sens déjà mieux, libérée du poids de mes futiles divagations.

Autour de nous, des villes ravagées et des barrières défoncées. L'endroit a été détruit par les dernières guerres: La force nucléaire a quasiment tout rasé, seuls restent quelques morceaux de roches et de pierres çà et là. L'ancienne capitale de l'Empire a perdu sa splendeur. A présent il n'en reste qu'un cratère au milieu de l'ancien centre de Rejeté, recouvert partiellement par les herbes. L'Humain ne s'embête même plus à détruire pour reconstruire, il s'installe ailleurs.

L'Empire a été créé pour éviter toute guerre. Ces conflits qui détruisaient peu à peu la planète ont été supprimés: La suppression des éléments rebelles et le contrôle des naissances sont l'origine de la paix. L'Empire détruit le potentiellement dangereux, et occupe le reste de la population par un travail acharné, les empêchant ainsi de trop réfléchir. La liberté n'est qu'illusoire. Du génie.

Je jette un coup d'œil à mon ami. Je doute qu'il se pose les mêmes questions, lui qui est totalement dévoué à l'Empire. Je ne peux m'empêcher de nous voir, lui et moi, dans la peau de ces fugitifs. Ils sont libres, font ce qu'ils veulent, mais doivent fuir et s'abriter pour rester en vie.

Les pics d'Eirdres se dressent devant nous. Imposants. Intimidants. Les voir me fait toujours un drôle d'effet. Le lieu de notre mission se trouve juste après ces montagnes, je commence à avoir quelques crampes et mes cuisses me tiraillent. Je tente de m'étirer du mieux que je peux.