Chapitre 5. Deux tires

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13h44
Une minute de plus et j'étais en retard. Je range à nouveau mes écouteurs et mon téléphone et entre l'enceinte du lycée, le souffle court. Très vite la cloche sonne et je monte en classe, me rassiand à la même place que ce matin. Tout comme Wissem qui s'asseoit à côté de moi et me fixe, comme amusé par ma respiration agitée. Je le dévisage rapidement puis soupir, ignorant ses ricanements. Concentre toi, Anna. T'en as besoin. Besoin ... Aussi bizarre que cela puisse paraître, le travail à toujours été une aide pour moi, un moyen de penser à autre, de me concentrer sur autres choses que toutes les horreurs que j'ai pu voir il y a seulement quelques minutes.

Le premier cours de l'après-midi n'est autre qu'un cours de Français. Je ne déteste pas spécialement cette matière, mais j'ai toujours été meilleure avec les chiffres que les mots. Les chiffres suivent une logique, ils ne détiennent aucun sentiment et aide énormément dans la représentation du temps. Les mots, eux, c'est une autre histoire. Ils représentent des émotions, des sentiments, ils expriment quelque chose de profond. En bref, j'en ai clairement rien à foutre des mots. Heureusement, à l'école, on voit aussi l'orthographe et la conjuguaison, entre autre. J'en ai rien à foutre non plus hein, de ça, mais c'est plus simple et ça m'aide à avoir une moyenne correcte, voir plutôt bien, et stable.
Le cœur commence normalement, convenablement et sans rien d'intéressant. Mais tandis que je rêvasse vers la fin du cours, les consignes de Mme Richta m'interpellent.

- Bien, durant cette fin de cours je vous laisse le temps d'écrire une courte poésie, minimum 20 vers, avec des rimes, sur deux des thèmes qui vous sont proposés sans votre livre. Certains seront interrogés !

Je déglutis doucement, mes yeux se posant sur ma feuille et mon stylo. Écrire, okay. Passer à l'oral, jamais ! Je soupir, me rassurant intérieurement en me disant que je ne peux pas être si malchanceuse que cela et que tout se passera bien. J'ouvre le livre et regarde les différents thèmes. Mon regard se pose automatiquement sur les deux qui, pour moi, sont le plus intéressants et les plus simples. Prise de conscience et Enfer, oui. Je prends ! Je rédige donc mon poème tranquillement, le coeur battant plus ou moins fort. Il reste à peine 10 minutes quand la professeur commence à nous interroger.

- Bien, maintenant à Anna ?
- Hein ?!

Un fou rire général éclate dans la classe alors que je sors à peine de mes pensées. J'entends quelques remarques comme " elle est toujours dans la lune ! " ou " elle est vraiment bonne à rien. " mais je les ignore. Mme Richta soupir et me fait signe se me lever, se que je fais automatiquement. Je tiens ma feuille entre mes mains qui tentent de ne pas trembler. J'ai la gorge nouée et j'ai l'impression que tous les sons deviennent plus forts et résonnent. Mais je ne sais pas ce qui m'énerve le plus ; ce stress horrible ou les sourires moqueurs de ce cher Wissem. Les deux sûrement.
Je prends une grande bouffée d'air et récite.

- 《 Bienvenue, très cher ami,
Dans les doux bras du Paradis.
Marchons sous le ciel bleu
Et fermons les yeux.

Fermons les yeux sur le Monde,
Vivons dans l'ignorance,
Et oublions ces choses immondes
Si nous voulons une paisible existence.
Surtout, écoutes moi,
Et n'ouvres pas les yeux !
Si tu ne le fais pas ...
Tu n'as qu'à faire tes adieux.

Tuer ou être tuéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant