Prologue

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21 novembre 2052

Une feuille de chêne vint s'écraser avec nonchalance sur le goudron de la départementale n°1250. L'automne s'était installé depuis seulement quelques semaines et pourtant le paysage était déjà nuancé d'ocre.

Une Lamborghini Paperbreak pourfendit l'air silencieusement et écrasa, par la même occasion, le déchet du centenaire. Le conducteur et les deux passagères à l'arrière étaient silencieux. Une mouche voulait sans assurance à l'intérieur de la voiture de luxe et se posa sur la cuisse de la femme la plus âgée. D'un violent revers de main, cette dernière l'assomma et l'insecte s'écrasa sur la moquette synthétique noire. La fillette à ses côtés regarda la scène du coin de l'œil, le silence revint. Après quelques instants la petite fille soupira :

« - Mère... Suis-je vraiment obligée de...

- Nous en avons déjà parlé, le sujet est clos.

- Mais je pourrai...

- Suffit ! Où sont passées tes bonnes manières Ester ?! Ne t'avises plus JAMAIS de me parler sur ce ton.

- Oui mère... Pardonnez-moi. »

Le paysage changeait peu à peu, passant de rural à urbain. Le chauffeur, assez âgé, tourna légèrement la tête et informa les passagères d'une voix monocorde :

« - Nous allons entrer en ville madame, pouvez-vous me communiquer l'adresse à laquelle je dois me rendre ?

- 55 rue Georges Bonnac, ne me le fait pas répéter une seconde fois.

- Bien madame. »

Bordeaux était une ville magnifique à cette époque de l'année. Ester regardait les nuages couvrant le ciel, une averse était à prévoir. Ses grands yeux bruns se posèrent ensuite sur une étrange voie ferrée, plus petite et discrète que celles qu'elle avait vu par le passé :

« - Mère ? Quel genre de véhicule emprunte ces voies ?

- Des tramways. Après la guerre certaines villes complètement détruites durent reconstruire tout leur réseaux de transport. Ce renouveaux apporta de nouvelles inventions moins polluantes et plus rapide à notre société, cependant certaines villes comme Bordeaux ne furent pas touchées par les explosions et les combats mais plutôt financièrement. Faute de moyens pour changer les réseaux non-endommagés, les maires de chaque ville décidèrent de garder les anciens.

- A quoi ressemble ce fameux tramway ?

- A rien de plus qu'un petit train électrique. »

Ester n'eut pas le temps de s'imaginer l'étrange engin, elle aperçut une ancienne plaque rouillée par le temps non loin, il y était écrit en capitales blanches « Rue Georges Bonnac ». La petite avait peur. Elle se préparait depuis deux semaines à rencontrer ses grands-parents maternels et pourtant elle ne semblait toujours pas prête. Il faut dire qu'elle avait seulement entendu parler d'eux de par sa mère... Et elle n'en faisait pas un portrait attrayant : « Cette vieille bique n'a plus toute sa tête, la guerre lui a retourné le cerveaux. Et son mari n'en parlons pas ! ». Ester n'avait jamais compris pourquoi sa mère les détestait autant, pourquoi elle refusait de les voir ou de leur donner des nouvelles et surtout pourquoi elle les écartait du reste de la famille...

Le moteur se stoppa devant une grande maison au style victorien. Le lierre avait déjà pris possession de la moitié de la façade blanche et les volets avaient grandement besoin d'être poncés. La fillette déglutie. Elle détacha sa ceinture et laissa le chauffeur lui ouvrir la portière avant de descendre de la voiture. Sa mère la pris par la main et l'entraîna devant l'entrée de la bâtisse avant d'appuyer sans ménagement sur la sonnette. La lourde porte d'entrée s'ouvrit dans un long grincement sur une femme d'une cinquantaine d'années : Elle était grande, de long cheveux châtains parsemés de mèches grisâtres tombaient en cascade sur ses épaules assez larges ; ses grands yeux bruns, semblables à ceux des deux femmes, portaient sur ces dernières un regard plein de nostalgie :

Matricule 258Où les histoires vivent. Découvrez maintenant