Réveil

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Quelque chose clochait.

Au fond d'elle, elle le savait. Il y avait quelque chose qui avait changé. Et pourtant, elle n'aurait sû dire quoi.

C'était peut-être le fait d'entendre sa respiration saccadée, son sang battre trop lentement au creux de sa main. Peut-être le fait d'avoir froid alors qu'elle était sous une couverture plutôt épaisse. La sensation d'avoir les membres lourds et engourdis. Celle aussi du fourmillement incessant qui la traversait dès qu'elle inspirait.

Elle écouta le bruit du silence désormais familier à son oreille, rien. Quelque chose sonnait faux. Quelque chose qui dérèglait cette monotonie habituelle. Elle avait apprivoisé le silence, mais cette fois là, il avait décidé de lui tourner le dos. Le silence avait fui au profit d'un imposteur qui l'imitait seulement. Sa respiration, pourtant calme et douce, trahissait une présence inconnue. Elle le sentait, elle l'entendait, ce menteur qui avait remplacé le silence. Sans le connaître, elle ne l'aimait pas, elle voulait qu'il parte. Cet être prosaïque, il fallait qu'il la laisse seule dans sa tranquille monotonie. 

Et puis il y a eu un choc.

Sans crier gare, c'était un déferlement de nouvelles sensations, de nouvelles perceptions qui la submergea. Ça la remplit toute entière et même plus, sans qu'elle sache de quoi. Et tout ce qu'elle ressentait auparavant fut amplifié, et de loin. Sa respiration lui parut si bruyante d'un coup. Et le sang qui pulsait follement dans ses veines.

C'était une explosion qui retentit sans le moindre souffle ni le moindre bruit. Comme si elle avait vécu dans un monde étouffé, une bulle, et qu'on venait de la crever.

Puis elle se sentit légère, libre ! Une sorte de courte euphorie la saisit.

Jusqu'à qu'elle se rende compte qu'elle était entravée.

Une peur panique s'empara d'elle. À l'aveuglette, elle tira sur ses draps, elle les jeta par terre en se débattant et elle se mit à hurler de terreur. C'était des cris rauques et sauvages. La bulle s'était crevée, le silence avait fui et l'être était encore là. C'était trop de changements d'un coup. Tout cela s'était passé bien trop vite.

Et là, par réflèxe ou par obligation, alors qu'elle se l'était interdit, elle ouvrit les yeux.

La lumière l'aveugla presque. Elle papillonna des yeux quelques instants, surprise. En voulant se cacher les yeux avec sa main, elle vit que ses poigs étaient entravés eux aussi avec une courte chaîne qui l'empêchait de lever les bras. Elle tenta de se recoqueviller mais ces lourdes barres de métal autour d'elle l'en empêchait aussi. Après cet instant de terreur, elle se sentait en colère.

Cette fois ci, furieuse mais impuissante, elle s'intéressa au restant de la pièce dans laquelle elle se trouvait.

C'est là qu'elle remarqua que, bizarrement, un grand miroir faisait office de plafond.

La première chose qu'elle vit, ce fut elle-même. Elle détailla minutieusement sa silhouette. Ses longs cheveux blonds clairs pendaient sur un côté du lit en fer en mèches grasses. Ses yeux verts étaient cernés. Ses joues pâles étaient creusées et ses lèvres incolores.

En se détaillant un peu mieux, elle vit que ses mains tremblaient et qu'elle était toute maigre sous sa légère chemise de nuit. Ce qui était assez gênant car un jeune homme l'observait. C'était donc lui ! Elle en aurait bondi de surprise. C'était à cause de lui que le silence avait été chassé, que sa chère monotonie été partie et que la bulle a éclaté. C'était l'imposteur. Tout était de sa faute.

Furieuse, elle lui lança violemment :

- Libère-moi !

L'autre, détendu, lui répondit tout naturellement :

- Je suis désolé mais je ne peux pas.

Bouche bée, les joues rouges de colère, elle se tut en ne sachant pas quoi répondre. Puis d'un coup, elle se posa deux questions pour le moins intriguantes "Qui était ce garçon qui se trouvait avec elle" et "Pourquoi était-il justement là". Après quelques instants de réflexion, elle s'autorisa à le questionner, estimant qu'elle n'avait rien à  y perdre. 

- Qui es-tu ? demanda-t-elle, suspicieuse.

Le jeune homme eut l'air tout bonnement stupéfait. Poli, il lui dit de répéter. Une fois, deux fois, trois fois. Étonnée, elle bafouilla à chaque fois quelques paroles inintelligibles. Et lorsqu'il comprit enfin qu'elle ne le connaissait pas le moins du monde, il sauta de sa chaise et en deux pas, il disparut de la pièce.

Ahurie, elle le regarda partir avec des yeux ronds. De toutes les questions qu'elle se posait, il n'en restait désormais qu'une :

Pourquoi le jeune homme ne lui répondait-il pas  ?

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Réécrit le 4 mars

Le Dernier AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant