Errance des maux

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Cela faisait désormais deux semaines que mon groupe marchait à travers le pays sans vraiment savoir où aller. Nous ne cherchions ni de l'aide, ni des survivants, ni même des armes. À cet instant, les seules choses qui importaient, étaient l'eau et la nourriture. Je me demandai jusqu'où mes jambes choisiraient de me porter. Encore combien de temps avant quelles ne cédent de fatigue et de désespoir ?

Dans ces heures d'agonie silencieuse nous n'étions pas différents des rôdeurs qui marchaient à nos côtés. Eux même semblaient avoir du mal à distinguer si nous avions rendu l'âme ou si nous étions encore de la chaire vivante prête à être dévorée. Je laissai planer un doute dans mon esprit quand à la réponse à cette question. J'observais mes camarades qui n'étaient plus que l'ombre d'eux même. Chacun se demandait sans doute qui serait le prochain à passer l'arme à gauche. Quel serait le prix à payer pour sortir de cet enfer ? Combien d'heures interminables avant d'enfin trouver un peu de confort, s'extraire de cet abominable cauchemar ?

On aurait donné très cher pour un peu de viande et d'eau fraîche. Seul Daryl et Rick semblait encore s'accrocher à l'espoir de trouver le lieu tant attendu. Je les admirais beaucoup pour cela. Surtout Daryl. Dès que l'on s'arrêtait quelque part pour se reposer, lui restait éveillé ou essayait de dénicher quelques petits mammifères encore caché là. La chasse était souvent peu fructueuse, mais il ne se décourageait jamais, et, son arbalète toujours à l'épaule, continuait, malgré tout, à arpenter les alentours, à la recherche d'un peu de nourriture.

La nuit était tombée depuis quelques heures maintenant. Mes compagnons dormaient autours moi, épuisés par nos marches interminables. Moi, je n'y arrivais pas. Pas ce soir. Mon esprit semblait me dicter l'inverse de ce que mon corps réclamait. Mes pensées occupaient toutes ma conscience. Impossible de me détacher des images qui tournaient en boucle dans ma tête. Je ne pouvais pas fermer les yeux sans que des cris de terreur assaillent mon esprit. Je revoyais ces rôdeurs arracher la chaire de mes amis. Je les revoyais tomber au sol, impuissant face aux morts, et face à la mort. Je ré-entendais leurs hurlements d'angoisse et de peur. Je revoyais ces regards agonisants qui m'imploraient de leur venir en aide. Et moi je fuyais. Par lâcheté, par instinct ? Je n'aurais su le dire.

Souvent pendant la nuit, je me réveillais en sursaut, brandissant mon poignard devant moi. Puis quand je me calmait, j'observais l'arme que je tenais à la main, songeant à ce que nous étions devenus, au monde dans lequel nous vivions. Enfin, je n'avais plus le sentiment de vivre, mais plutôt de survivre. J'avais cette étrange impression d'être devenue une proie, une arme, un automate. Du moins, tout mais pas un être humain. Le moindre craquement de branches réveillait tout le groupe dont le premier réflexe était de saisir son couteau, son pistolet, et souvent, ceux ci peinait à regagner les bras de Morphée.

Je restais là assise aux milieux de ces corps endormis. Leur visage était en paix dans ces rares instants, l'un rêvait peut-être de ses parents qu'il n'avait jamais revu depuis tout cela, l'autre se remémorait certainement les bons moments passés avec ces proches avant que les morts ne s'emparent d'eux.

Je soupirai.

Mon regard s'attarda sur Daryl. Il ne dormait pas. Je n'en fut pas surprise. C'était sûrement son tour de garde. Il tenait toujours à y participer, qu'il vente ou qu'il pleuve. Il observait les alentours, attentif aux moindres mouvements et aux moindres bruits.
Je me levai doucement pour ne pas réveiller mes compagnons qui dormaient paisiblement.

Imperceptiblement, je traversai notre "aire de repos" pour le rejoindre. Je savais qu'il m'avait entendu arriver malgré tous mes efforts de discrétion. Rien ne lui échappait. Si une feuille venait à s'envoler derrière lui, il le savait aussi.

Il s'était mis un peu à l'écart du groupe pour ne pas risquer de les sortir de leur sommeil en cas de mouvements brusques de sa part.
Je m'installai à ses côtés, sur un petit tronc d'arbre, il ne broncha pas.
Nous restions un moment, là, silencieux, sans dire un mot. De temps à autre je lui jetais des petits regards furtifs qu'il ne remarquait pas, trop absorbé par sa tâche.

Je le contemplais sans mot dire. Il avait ôté sa veste en cuir qui reposait à côté de lui, on pouvait voir les ailes angeliques qui se trouvaient dans la dos de celle ci. Assez ironique pour un personnage comme Daryl. Pour moi, elles avaient totalement leur place dans le dos du chasseur. Il n'en avait pas l'air, mais sous ses airs de brute et son regard indifférent, se cachait un homme au grand coeur. Il était plus fragile que ce qu'il voulait laisser paraître et, même s'il affirmait le contraire, je savais qu'il avait des sentiments de compassion, de regret, et toutes ses choses qu'il qualifiait de faiblesse.

Ses muscles saillaient sous sa peau. Sa chemise, presque entièrement ouverte, laissait entrevoir son torse et mes yeux s'attardèrent un instant dessus. Il semblait préoccupé. En y regardant de plus près je constatai que, derrières ses longs cheveux de jais, son regard n'était pas vraiment figé sur le décor. Il semblait au contraire perdu dans les vagues, songeur. Je décidai de briser le silence :

- La nuit est plutôt calme.

Il redressa la tête, comme sorti d'un rêve, et je lui adressai un sourire.

- Plutôt oui.

Je n'insistai pas plus. Daryl n'était pas connu pour être un grand bavard. Pourtant, c'est lui qui relança la discussion :

- Tu ne devrais pas dormir ? Demain va être une grosse journée.

- Toutes les journées le sont, toi aussi tu dois te reposer. Pourquoi tu ne vas pas dormir un peu ? Je prend la relève si tu veux, de toute façon je n'arrive pas à fermer l'oeil.

Il fit un simple non de la tête avant de me regarder.

- Tu cauchemardes pas vrai ?

Je le regardai étonnée.

- O-Oui ? Comment tu le sais ?

- Je t'ai déjà observé plusieurs fois dans ton sommeil. Tu sembles ... agitée. Tu te réveilles avec des soubresauts, toujours sur tes gardes.

Je souris à nouveau en songeant qu'il me regardait pendant que je dormais. Il n'avait pas détourné les yeux de moi et attendait ma réponse. Je plongeai mon regard dans le sien, si bleu et si envoûtant.

- Je revis ... mes pires cauchemars. Quand je ferme les yeux, ils sont là. Ils ne demandent qu'à me tourmenter, ils attendent que je laisse le sommeil me prendre pour venir s'immiscer dans ma tête.

Un silence, une larme roula sur ma joue. Sûrement du à la fatigue, à la faim, au désespoir et à tout ces problèmes cumulés. Je l'essuyai rapidement pour ne pas qu'il le voit, mais comme je l'ai dit, rien ne lui échappe. Il m'attira contre lui sans prévenir et je me laissai entraîner, bercée par le ballotement de ses bras.
Il embrassa avec tendresse le haut de mon crâne pour me consoler, et je resserrai mon étreinte autour de lui.

Pendant un insant, j'oubliai tout. C'était juste son corps enlaçant le miens. Et, contre toute attente, après quelques minutes, je m'endormis paisiblement dans ses bras. Sans cauchemars ni tourments.

~ Fin ~

The Walking Dead - OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant