31 : Tout part d'un milkshake.

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Je suis scandalisée par l'histoire d'Austin. Pas par ce qu'il a été contraint de faire, mais le temps qu'il est resté muet sur son agression. Austin ne le reconnait pas, mais il n'est pas un agresseur, il a été une victime. Il avait sept ans, il n'avait pas de recul nécessaire, mais surtout il était faible et terrorisé face à un homme alcoolisé. 

Et mon cœur se fend en pensant à ce qu'il a dû garder pour lui pendant des années, sans rien dire. Qui pourrait penser, en croisant Austin Hayes dans les couloirs du lycée, que le garçon populaire aux allures de badboy cache de si lourds secrets ?

Austin n'y est pour rien dans le fait que son père tente de le protéger à tout prix, même si c'est aux moyens de liasses de billets. Son père est un riche homme d'affaires au statut plus qu'important dans la région ; ici à Santa Barbara, tout le monde connaît M. Hayes. Je sais que ces personnes sont soumises tout le temps au regard que les autres leur portent. L'humain ne cherche qu'à détruire l'image des plus grands que lui, pour le ramener finalement à un rang inférieur à ce qu'il pense être. J'imagine la pression qui pèse sur cet homme, alors d'un côté, je comprends pourquoi il fait tout pour protéger son image. Sa société, sa popularité, l'avenir de son fils en dépendent. N'importe quel parent veut le meilleur pour son enfant, même si ceux d'Austin ne sont pas forcément des modèles parfaits en tous points. Austin n'est en rien coupable des décisions de son père, et j'ai envie de lui souffler que je le comprends. Il n'est pas horrible. Il a juste souffert pendant trop longtemps.


Je reste un long moment avec Austin dans mes bras. Je caresse du bout des doigts les minces bouclettes brunes prenant naissance sur sa nuque. Il est touchant, et personne ne le voit.

Plusieurs minutes plus tard, je sens son souffle qui s'est calmé, et il relève doucement sa tête. Je lui souris légèrement, et il fait doucement de même. Il ne rajoute rien. Je sens juste ses doigts serrer ma main de libre, et sa tête se poser à nouveau sur mon épaule, dans le même silence des plus complets. Le pire dans cette histoire ? La souffrance d'Austin me fait souffrir. Je n'aime pas le voir si anéanti, si seul.


On doit rester sans un bruit ensemble de très longues minutes. Je ne veux pas rompre le moment, parce que je suis persuadée que l'on est tous les deux bien ainsi. Et pourtant, on est interrompus quand même par la porte de la salle de musculation d'Austin qui s'ouvre, pour qu'un homme élégant en costume apparaisse. Austin relève le visage, tandis que je ne peux quitter la silhouette de son père du visage.

Je l'ai déjà vu, il y a longtemps, quand il allait parfois chercher son fils à l'école. Il semblait toujours pressé, un peu comme Austin qui courrait partout. Il était aussi présent aux grands événements de la ville, organisant même chaque année une collecte pour financer des petites maisons aménagées pour une association qui luttait contre les bidonvilles en Inde. 

Monsieur Hayes est apprécié ici. Je ne vais pas dire que je le déteste, ni même avec ce que j'ai appris. Il n'est pas mon plus grand modèle, mais je sais qu'il n'a pas mauvais fond. Comme son fils, il est victime de l'image que la société veut avoir sur lui. Il est prisonnier. Probablement qu'il se sent seul, se rendant compte que sa nouvelle compagne est surtout intéressée par son porte-monnaie, qu'il doit passer un temps infinissable à son travail et qu'il délaisse son fils. Qu'il aime. Il a toujours aimé Austin, à n'importe quel moment. Que ce soit avant ou après l'incident. Ses yeux, quand ils se posent sur son fils, brillent d'un éclat rare. Austin est tout pour lui, et le pire, c'est qu'Austin en doute.

— Bonjour Austin, bonjour mademoiselle.

Le père d'Austin ne semble pas remarquer que son fils a pleuré. Il a encore légèrement les yeux rougis et brillants, mais c'est tout. Peut-être pense-t-il qu'il ressort juste d'une séance de sport et que j'étais venue assister à son entraînement, je ne sais pas trop.

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