Craft #1 - Pluie, café et cimetière

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Le mot de l'auteur :

Novembre 2017

Ici Sayn. J'ai écrit ce Craft cette semaine, enfin plutôt ce week-end (pour les premiers jets). Bien sûr, Els l'a ensuite relu et bla-bla-bla.

J'étais un peu tristoune, et assez stressée à causes d'exams proches. Demain, en fait :') Bref, stop à ce racontage de vie. Donc l'ambiance est assez sombre, et je crois que l'on rentre assez bien dans le point de vue des personnages.

C'est un peu compliqué à saisir, aussi, donc je vous invite à une relecture ensuite !

Quelques mots encore : je me suis imposée une contrainte, parviendrez-vous à trouver laquelle ? J'attends vos retours ;)

À la prochaine pour le Craft #2, dans un délai assez aléatoire, ou dans les comm' !

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Je remonte mon écharpe épaisse sur mon nez et me plonge dans ma tasse. C'est chaud, mais il vaut mieux me brûler un peu les doigts que de lever les yeux. Cette chaleur ressentie me rassure même, loin du froid glacial qui m'entoure.

La pluie me gifle, évidemment. C'est toujours le cas dans ce genre de situations, allez savoir pourquoi. Cela fait partie des conditions nécessaires à ces rendez-vous.

Ce que j'aimerais être dans un café à l'ambiance chaleureuse, à la place... Le genre de café dans lequel on a envie de se prélasser tout un après-midi, avec un bon mug et un super bouquin. Manque de pot, ce coup-ci, les circonstances ne s'y prêtent pas. Elles sont moins sympathiques, disons.

Nous nous étions rencontrés par hasard, presque. Tout avait été si fantaisiste... J'aurais dû me douter que cette stupide loi feraient tout capoter. Ça avait été comme un rêve auquel le monde entier nous avait fait croire, et maintenant il est temps de se réveiller.

Allez, un peu de courage. Même plus qu'un peu. En fait, il va m'en falloir plus que je n'en n'ai jamais eu pour oser faire le dernier pas. Braver les interdits, c'est tellement plus facile que d'en assumer les conséquences.

Un petit coup d'œil discret fait fondre mes intentions chevaleresques. Je m'applique plutôt à boire lentement une gorgée, incendiant ma gorge au passage. Cela fait du bien.

Tout vaut mieux que de relever les yeux pour regarder, en fin de compte. Je n'ai plus aucune volonté de voir cela, subitement.

Car que se passe-il, après ? Je le sais. Et cela me terrorise, pour nous deux.

*

En face de moi, on assiste à un manque flagrant de courage. Pas moyen d'aller au bout depuis que nous en sommes là. Nous avons décidé de cet ultime rendez-vous pour clôturer notre relation - enfin, ce qui ressemblait de loin à une relation.

Stupide loi.

Je râle, mais la même lâcheté s'est emparée de moi. C'en est désespérant. Ne sommes nous donc bons qu'à repousser sans cesse la fin de cette mascarade ? Oui, car il est temps d'arrêter de se mentir : ce que nous avons vécu, c'est ce que le reste du monde voulait que nous vivions.

Pour l'exemple.

Ce rêve éveillé doit prendre fin avant de tourner au cauchemar personnel. Mais pas moyen de me forcer à même penser les mots fatidiques. Ces mots qui détruiraient dans son esprit tous ces moments passés ensemble. À moins que cela ne me détruise tout court. Nul ne le sait, puisque personne n'avait osé tenter avant nous... on comprend pourquoi. Ce besoin vital que nous avons de vivre par l'autre est devenu maladif. Cela nous tuera si l'on ne s'arrête pas maintenant.

Mais s'arrêter, ça veut aussi dire subir les tortures du manque de l'autre. Un manque qui a de bonnes chances de nous être fatal.

De toute façon, les deux chemins conduisent à la mort, nous le savions avant même de commencer.

Jamais l'on ne se reverra, ça aussi on le sait. Trop de risques de rechuter dans cette relation devenue dangereuse. Enfin, plus dangereuse encore qu'elle ne l'est au départ.

Et cela rend l'attente encore pire.

*

Il pleut dans le petit cimetière. C'est ce genre de journées tristes qui prêtent au recueillement, aux souvenirs de relations particulières qui auraient pu avoir un avenir.

Si le monde avait fonctionné autrement.

Si les lois humaines comme surnaturelles avaient été différentes.

Si les limites avaient été posées plus loin.

Dans une allée, on distingue une silhouette qui ne tente même plus de se protéger des gouttes d'eau. Elle paraît absorbée dans un combat intérieur, et sirote une tasse d'on ne sait quel liquide.

En face, il y a une tombe. Le nom est illisible, mais elle est autrement bien entretenue. Dans la main libre de la silhouette, il y a un bouquet de fleurs détrempées. Et au-dessus de la tombe, la pluie forme des volutes de vapeur qui dessinent presque une autre silhouette. Impossible de savoir vraiment, avec la pluie qui martèle tout.

Brusquement, le bouquet tombe. Il atterrit dans un bruit spongieux que couvre presque la pluie continue. On ne pleure pas, car il n'est pas lieu de pleurer un corps déjà mort depuis longtemps.

Alors, pourquoi ce déchirement ?

C'est la loi, que nul ne devrait braver. Et la douleur est celle que l'on éprouve en découvrant dans sa chair pourquoi cette loi existe. Pourquoi est-il interdit de se lier aux esprits ? La réponse est évidente, mais un sacrifice l'aura de plus prouvé :

La mort et la vie ne peuvent pas se côtoyer impunément.


L'un vit.

L'autre ne vit plus.

La limite est franchie.

Car défier les lois a un prix. La mort totale, définitive, sans retour sous aucune forme. La mort des deux protagonistes de cette Histoire qu'ils écrivent.


Il était une fois... les esprits.

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