Craft #3 - Orage, ville et un peu de danse

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Le mot de l'auteur :

Janvier 2018

Bonjour, bonsoir ! On se retrouve pour un nouveau Craft signé de Sayn. 

L'idée trottait dans ma tête depuis un moment, et j'avais à moitié commencé à l'écrire depuis un mois... Cette semaine, j'ai retroussé mes manches et voilà. L'inspiration me vient d'une citation de Sénèque que j'aime beaucoup, et qui s'applique à la vie de tous les jours - surtout pour les problèmes qui y surviennent. 

Ce Craft est avant tout écrit pour un ami. Chou, si tu passes par ici, laisse-moi ton ressenti dans les comm's. Cela vaut pour tous les autres lecteurs aussi :) Trouverez-vous le sens des métaphores, dans ce qui suit ?

En espérant que oui... À la prochaine ;)

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C'était un jour de pluie. Pour être honnête, il pleuvait depuis des mois - mais ce jour-là, c'était carrément le déluge.

Les litres d'eau que vomissait le ciel rendaient le sol encore plus glissant, tout jonché d'immondices qu'il fut déjà. De tas d'ordures monumentaux, on passait à des tas d'ordures monumentaux et mouillés. Le rêve. Partout, il y avait des traînées de fluides inidentifiables, ou plutôt, que l'on ne voudrait identifier pour rien au monde. De ce fait, la ville entière se terrait, attendant de revoir la bruine habituelle... une espèce de brouillard humide qui se glissait partout et qui pourrissait tout ce qu'il touchait. Ce n'était certes pas glorieux, mais ça valait toujours mieux que ces trombes déversées sans interruption... Non ?

La seule chose positive, avec les jours de pluie ? Au moins, l'eau masquait l'odeur lourde des détritus, autrement insoutenable.

Les routes étaient désertes, aussi. Même les gars de la rue s'étaient trouvés un porche sous lequel attendre la fin de la tourmente, si elle prenait fin un jour... Cette indécision minait tout. Pas évident de construire un projet d'avenir quand cet avenir, et bien, on n'est pas certain qu'il existe seulement.

Rien n'était d'autre que le silence de l'attente, sinon le martèlement régulier des gouttes d'eau sur les pavés visibles et les anciennes bennes à ordures.

Il n'y avait qu'une personne pour sortir par ce temps.

Après avoir tourné à l'angle d'une avenue déserte, l'Homme avançait sans se soucier des éléments déchaînés. Parfois, Il apercevait des silhouettes recroquevillées dans un coin épargné par les rafales d'eau et de vent pour quelques instants. D'autres formes sombres se détachaient sous le rideau de pluie, de temps en temps, derrière une fenêtre brisée.

Mais dans la rue, la semelle battant le pavé, Il était bien Seul. Le vent violent faisait claquer son manteau déchiré par les intempéries sans qu'Il prenne la peine de le replacer. Ses cheveux mi-longs aussi subissaient les assauts du vent, sans qu'Il s'en préoccupe plus. Oh, ce n'était pas le premier orage qu'Il affrontait, non. Il y en avait eu d'autres, moins agressifs, peut-être... Il avait cessé de tenir le compte depuis bien longtemps. Seuls les plus marquants lui restaient encore en mémoire, gravés au fer rouge pour une éternité ou deux.

Il y a des souvenirs qu'on ne peut oublier, malgré toute la volonté qu'on y met... Et il y a des obstacles qu'il est impossible de contourner.

La tempête appartenait à cette dernière catégorie. Un de ces trucs qui tombe à l'improviste, lorsqu'on est de passage, et qui colle à la peau jusqu'à ce qu'on l'ait affronté - et qu'on s'en soit promptement débarrassé.

L'Homme plissa les yeux, tentant de retrouver un mouvement qui avait capté son attention à travers la pluie. Mais Il ne s'arrêta pas pour autant, continuant de remonter la rue. Son pas souple était celui d'Un Habitué. C'était plus que cela : son allure entière se trouvait dans le temps alors qu'Il passait sur le sol crasseux.

En fait, Il n'affrontait pas les éléments. Non. Il ne s'opposait pas vraiment à l'épreuve du ciel. D'ailleurs, qui le pouvait ? Le reste de la cité se contentait d'attendre que l'orage passe, soit, ce n'était pas son cas !
Lui, Il était sorti. Arrivé en ville il y avait peu, Il comptait repartir le soir-même, lorsque la pluie l'avait surpris en chemin. Il ne pouvait pas attendre, or les précipitations ne se décidaient pas au calme non plus. Le choix avait vite été fait : aller dehors, et s'en dépatouiller.

Voilà pourquoi Il se déplaçait si calmement - non sans puissance. À quoi bon se dépêcher contre un ennemi qu'Il ne saurait vaincre ? Non, ce n'était la bonne méthode. Il en avait choisi une autre, que peu osaient appliquer. Mais elle avait fait ses preuves jusqu'ici, alors Il continuait.

Calme.

Puissance.

Volonté.

Trois mots-clés fondamentaux qu'Il se répétait comme un mantra.

Le mouvement reprit, sur sa gauche. Cette fois, Il en était certain, quelqu'un Le suivait. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres : aurait-Il incité d'autres Hommes à prendre son chemin ? À tenter sa solution ? Ce serait avec joie qu'Il accueillerait un compagnon.

Ce dernier restait pourtant dans l'ombre de la ligne protectrice des immeubles abandonnés. Il y avait un petit bout de chemin à parcourir, entre des gros monticules de papiers gras et autres sympathiques objets, puis quelques mètres rendus plus difficiles à cause de la route détrempée et de la boue fraîche.

C'était la partie la plus ardue. Le Nouveau tenterait-Il l'aventure ?

Pour la première fois, l'Homme s'immobilisa au milieu de l'avenue. Il sourit plus franchement, se tourna vers l'autre, et lui fit de grands signes pour lui demander de Le rejoindre. Il y eut du mouvement, mais rien ne dépassa.

C'était un sourire triste sur les lèvres de l'Homme, quand Il reprit sa route de son pas dansant. Le choix d'arpenter ce chemin plutôt qu'un autre était personnel, et Il ne pouvait que donner des conseils. Forcer un autre Homme à venir à ses côtés était voué à l'échec, Il en avait déjà fait la désagréable expérience.

Un haussement d'épaules plus tard, c'était fini. On arrivait au bout de la route, et le panneau délabré marquait la sortie de la ville. L'Homme ne se retourna pas. Il n'y avait pas lieu de regretter quoi que ce soit... Par contre, des remords, il était possible qu'Il en ait, bien que ce ne fut clairement pas le moment d'y songer. Il préféra s'étirer, puis rabattre sur ses épaules la capuche qui l'avait - un peu - protégé du vent cinglant. Là où Il était arrivé, l'air était agréable, et le soleil bien visible dans le ciel. La tempête zébrait d'éclairs les nuages massés au-dessus de la cité, mais s'arrêtait à ses frontières.

Oui, c'était fini.

Ici, nul besoin d'équipement. Il le rangea soignement dans son bagage, pour le prochain orage, et repartit sur la route. Jusqu'à la ville suivante.

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