1. UnSourireAngelique

95 11 16
                                    

Il était une fois, dans un magnifique château, une princesse. Magnifique, belle, resplendissante, gentille, elle avait tout de la femme parfaite. Elle était réputée pour posséder une longue chevelure blonde et luisante, des yeux bleus -souvent comparés à deux billes d'agates, une peau lisse et sans imperfections : un portrait angélique. C'était un cadeau des cieux, une déesse pour les gens du peuple. Les moches et vilains gens du peuple.

Bettina, jeunette et boutonneuse, devait sûrement être ravie d'être sa domestique. Après tout, qui ne rêvait pas de servir une si grande célébrité. Car, oui, la princesse, en plus d'être réputée belle et généreuse, avait accompli des actes héroïques. Presque digne de ceux d'un homme. Elle avait sauvé son royaume de la destruction, et des pirates pilleurs. Et elle s'était offerte, en tant qu'épouse aux barbares, pour traiter des accords commerciaux. Elle aidait son frère, roi servant et trisomique, à gouverner tout le royaume.

Donc, oui, Bettina devait être satisfaite de sa situation. Car sinon, ce ne serait qu'une égoïste et méchante jeune fille. Elle ne pouvait rien rêver de mieux, après tout. Elle était née dans un rang social plutôt bas, et issue d'une famille endettée jusqu'au cou. Elle avait donc de la chance d'être sa domestique.

Du moins, c'est ce qu'elle se répétait constamment. Au fond d'elle, elle crevait de jalousie. Non seulement pour tous les bijoux auxquels la princesse avait accès, mais aussi pour sa réputation. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé être adorée, qu'est-ce qu'elle aurait aimé être connue...

Mais on te connait, tu es la domestique de la belle princesse, se répétait-elle. Tu n'as pas besoin de plus.

Cependant, elle savait que non, cela ne lui suffisait pas. On ne retenait la princesse dans son esprit seulement grâce à son tour de poitrine -il ne fallait pas se mentir, le monde en avait cure de ses actions. Alors, être la domestique de celle qui est belle. Non merci.

Bettina rêvait de plus. Elle s'imaginait devant un dragon, se battant avec une magnifique épée, jouant sur ses jambes avec élégance et beauté. Ou encore dans les bras d'un duc criminel, le séduisant pour obtenir des informations. Ou, pourquoi pas, ...

— Bettina !

Voilà qu'elle s'égarait à nouveau.

— Oui, princesse ?

— Tu rêvasses, et voilà que tu jettes de l'eau partout sur mon sol ! Si près de ma bibliothèque ! Oh ! Mes manuscrits...

La princesse courut, et sauva ce qu'elle pouvait du magnifique traité de Ghenive.

- Oh mon dieu ! Des générations de savoir, perdue, ainsi, dans l'eau ! Bettina !

Bettina ronchonna. Elle avait de la chance d'être ici. Mais elle n'en avait que faire des manuscrits. Cela dut se lire sur son visage, car la princesse continua  d'une voix plus douce:

— Ils vont encore juger mon frère irresponsable, si je n'écris pas un rapport se servant de ce texte, et il risque de... Oh mon dieu ! J'avais oublié ! L'autre arrive aujourd'hui... Mon dieu ! Rien n'est près ! Bettina, essuie moi cette eau, et demande à ce que l'on me monte un repas... Je vais en avoir besoin !

— Oui, princesse.

Et Bettina s'affaissa à la tâche. Elle détestait la princesse. Il est vrai qu'elle n'avait rien fait de mal, mais Bettina la haïssait pour être si gentille. Son frère était bizarre, il ne semblait pas réfléchir normalement, et la princesse faisait en sorte que tout son travail lui revienne. Elle faisait croire aux autres que c'était lui qui travaillait. Bettina ne comprenait pas.

Oh, certes, si les comtes savaient qu'il était bête, ils risquaient de le tuer discrètement, car il ne voudrait pas de lui en tant que roi, mais cela ne devrait pas la déranger. De princesse, elle deviendrait reine. Et son encombrant frère mourrait enfin, nous fichant la paix.

Fleur De PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant