Chapitre 5 : Un jeu dans la nuit

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  L'astre des nuits, perçant des nuages épars, qui laisse dormir en paix ses longs et doux regards. Le rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre, en glissant à travers les pans flottants du lierre ; dessine dans l'enceinte un lumineux sentier. Cet astre de la nuit, ce globe que l'on suppose un monde fini et dépeuplé, promène ses pâles solitudes au-dessus de celles des bâtisses ; il éclaire des rues sans habitants, des enclos, des places, des jardins où il ne passe personne. Au loin, des monastères où l'on n'entend plus la voix des cénobites, des cloîtres qui sont aussi déserts que les portiques de l'église. On n'entendait sur les rues pavées, que le battement de pas pressés filant dans l'obscurité. Les flocons parsemés, tombaient sereinement, emportés par la brise légère qui soufflait en cette soirée enchanteresse.

A mes côtés, le petit garnement s'amusait tranquillement à écraser avec ses bottes en caoutchouc, les petits monticules de poudreuse qui éclataient dans un bruissement de neige. Il semble que cette petite escapade nocturne avait l'air de bien lui plaire, nous n'étions plus qu'à quelques rues de ma demeure. Une bien vieille bâtisse féodale datant du XIV° siècle. Lierre et mousse morte parsemaient les murs de pierres grossièrement taillées dans le roc de nos montagnes ; comme la tour ronde à moitié effondrée dans l'ombre. La réalité se charge d'avérer les prophéties de l'artiste, qui n'est autre que le temps. Mais il y fait bon vivre, malgré les quelques courants d'airs qui l'habite.

L'entrée du domaine est une petite placette pavée, bordée de haies et de quelques rosiers dépourvus de vie. On peut encore voir le vestige des douves qui n'ont plus aucune utilité aujourd'hui. Un escalier avait pris la place du pont-levis et guidait les visiteurs ; enfin, les intrépides qui osaient s'aventurer devant ma demeure, jusqu'à la porte de bois massif. Du chêne, si je me rappelle bien et les poignets en fer grossier représentent deux têtes d'aigles.

Une fois entré, le manoir était des plus simples mais également des plus vides. Rares étaient les meubles présents à ne pas dater d'au moins un siècle ! A quoi bon changer le mobilier ? Celui-ci me convient et semble captiver, voire même fasciner, mon jeune invité ; qui ne pouvait s'empêcher de lâcher à tout va de grandes exclamations dès que son regard rencontrait une de mes antiquités : statues de marbres, armures en fer, armes, tableaux de grands maîtres, lustre en cristal... Mais il est aisé de comprendre son émerveillement une fois la porte de mon domaine franchie. Il remontait à travers les âges et le temps pour plonger dans le passé d'époques différentes de la sienne. Lui, qui avait certes grandi dans ce petit bourg préservé de l'avancée du monde, avait tout de même été touché par les innovations de celui-ci.

Le hall que nous traversions ne reflétait là que quelques siècles d'Histoire. Je pense qu'il serait bon de lui faire faire un tour du côté de l'aile ouest, mais nous aviserons plus tard pour cela (Ou alors : Je pense qu'il serait bon de lui faire visiter l'aile ouest, mais nous l'aviserons plus tard). Un grand escalier se trouvait juste en face de la porte d'entrée et menait au premier étage. Comme dans ce vieux manoir victorien. D'ailleurs, c'est bien ce style de maison qui m'inspira une telle installation. Avant, je passais par la tour nord ; enfin tour... disons une petite tourelle pourvue d'un escalier grossier en colimaçon.

Au rez-de-chaussée, la salle de banquet côtoyait la cuisine et un premier salon. Quant à l'étage, on trouvait quelques chambres, dont la mienne ; chambres qui jusque-là n'avaient pas vraiment servi. Il y avait également la salle d'eau, un bureau et même un fumoir. Ma pièce préférée : la bibliothèque, la pièce la plus grande de la propriété. Lorsque je passe entre les rayonnages, parmi les centaines d'ouvrages que j'ai amassé au cours de ma vie, c'est comme si ceux-ci murmuraient leurs histoires. Il existait aussi un troisième étage mais je ne le restaure pas car je n'en vois pas l'utilité ; j'envisage seulement le nécessaire pour ne pas qu'il tombe en décrépitude certaine.

Malgré tout cet espace, il existait également une immense cave au sous-sol. On y trouvait un étalage de grands alcools maintenus au frais ainsi que plusieurs caisses et vieilleries en tous genres.

En voyant l'enfant courir d'un bout à l'autre de chacune des pièces que nous visitions, j'eus soudainement l'idée d'organiser un jeu. Mon manoir étant d'une taille conséquente, une partie de cache-cache à l'intérieur de celui-ci serait des plus judicieuses pour canaliser toute cette énergie, pour le moins fatigante. Une fois arrivé dans ma chambre, je proposai cette idée au petit.

-Je compte et tu vas te cacher, d'accord ?

-Oh oui ! Cache-cache ! Je suis trop trop fort à ce jeu-là ! Cria de joie le petit garnement qui prit vivement la poudre d'escampette en lançant avant de partir : « Et tu triche pas, hein ? »

-Non... « Mon dieu... Ce qu'il ne faut pas faire pour canaliser un enfant... »

Je me tournai contre un des murs en esquissant un sourire face à la joie du gamin. « Promis ». Je me mis à compter doucement en lui laissant le temps d'aller se cacher. Les petits pas s'éloignèrent pour se perdre dans le silence de la nuit.

Le petit, qui ne connaissait en rien l'imposante demeure de son nouvel ami, fut bien embêté en dévalant le grand escalier central qui menait au hall d'entrée. Il prit sur la gauche : un magnifique salon, joliment orné de meubles anciens style Louis XV ; ferait un merveilleux endroit pour se cacher. Sous une table, peut-être ? Ou bien derrière les divans ? Sous la grande table parut à l'enfant le meilleur cachet et il se glissa dessous.

Arrivant lentement à cinquante, je me détachai du mur et partis chercher dans la résidence, le jeune garçon. J'arpentai méticuleusement chacune des pièces, une à une, inspectant soigneusement chaque recoins, angles et autres endroits où aurait pu se cacher le petit. Mais ce n'est qu'en descendant le grand escalier pour me diriger vers la salle à manger, que j'aperçus dépasser une petite botte sous la table. Je fis donc semblant de continuer à le chercher dans le reste de la pièce, lançant au hasard des : « Mais où est-tu, toi ? » ou « Je vais te trouver ! ».

Au final, ce petit jeu qui ne m'emballait pas plus que cela devenait des plus sympathiques. Je me rendais compte de ma solitude, de n'avoir personne vers qui me tourner, personne à qui parler... Lorsque j'étais descendu dans cette petite allée, que je m'étais arrêté à la fenêtre éclairée et que j'avais longuement observé ce petit garçon dormant paisiblement... Je ne cherchais, au final, qu'un peu de... compagnie...  

[Undertale.Fanfiction] Ami De La NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant