La théorie d'Halloween

mail n°1

À : harryquebert@gmail.com
De : magnusolsen@gmail.fr

Date : mercredi 6 octobre 2010
Objet : une histoire de famille

Bonjour Harry, ou peut-être bonsoir, qui sait à quelle heure tu liras cet e-mail.

Que d'années sans nouvelles, on pourrait presque croire que nous ne sommes pas de la même famille ! Mais j'imagine que tu as été occupé ces dernières années, si je ne me trompe pas, ton bouquin a été adapté au théâtre ?

Enfin, ce n'est pas de ça dont je voulais te parler. Tu dois t'en douter, je ne t'envoie pas ce mail par simple courtoisie. Après tout, nous ne nous sommes jamais vraiment rencontré, et tu n'as jamais fait l'effort de me contacter non plus.

Comme je le disais, j'ai une bonne raison de t'envoyer cette lettre (électronique certes).

Tu as dû l'apprendre, mon père a succombé à son cancer il y a quelques mois. À moins que tu ne le saches pas, la famille n'est vraisemblablement pas ta première priorité. Quoiqu'il en soit, sa disparition a été un véritable déchirement pour moi - pour tout le monde le connaissant à vrai dire - et je n'ai pas pu écrire une ligne depuis.

Il y a quelques jours, ma mère m'a fait parvenir du Danemark un colis contenant ses affaires. Cela lui brisait le cœur de les garder, et moi, au contraire, je n'avais qu'une envie, pouvoir me raccrocher un peu plus à lui. Et j'ai finalement trouvé bien plus que du réconfort dans cette boîte, bien plus...

Outre ses divers livres et collections de timbres et pièces de monnaies étrangères (un passe-temps comme un autre), il y avait sa correspondance, avec de nombreux membres de notre famille, notamment côté québécois. Il y avait aussi un album photo, retraçant les réunions familiales au Québec, de 1950 à 1990.

Évidemment, ces lettres et cet album sont une mine d'information incroyable pour quiconque s'intéressant de près ou de loin à l'histoire de notre famille. Moi qui cherchait à me rapprocher du souvenir de mon père, je n'ai pas été déçu. Encore mieux, tout ceci m'a redonné de l'inspiration, peut-être pour mon prochain livre, qui sait ?

Je m'explique. Au début de l'album, j'ai découvert une vieille photo datant du 15 juillet 1956. Elle m'a tout de suite intriguée par son air ancien, mais aussi par sa composition. Pourquoi diable une pièce, vide, au milieu de tous ces portraits de famille ? Après une observation plus minutieuse, je me suis rendu compte que je me trompais : cette pièce n'était pas aussi vide qu'on aurait pu le croire. Au fond, derrière la fenêtre, apparaît une silhouette menaçante, presque inhumaine...

Évidemment, des dizaines de questions ont surgi de mon esprit fébrile d'écrivain, intrigué par ce phénomène étrange, voir même... surnaturel. Que faisait cette photo dans cet album ? Où était-ce ? Et surtout, qu'était cette étrange ombre ?

J'ai essayé de ne pas trop m'emballer, et je me suis dit que je me devais de percer ce mystère. J'ai d'abord questionné ma famille côté danois, mais ils n'en savaient pas plus que moi. Alors je me suis dit qu'il fallait que je creuse la question du côté québécois.

Et nous y voilà. Tu es le seul dont je possède l'adresse e-mail, alors c'est à toi que revient cet honneur. Sais-tu quelque chose ? Si non, j'ose espérer que ce mail a titillé ta curiosité autant que cette photo a titillé la mienne, et que par conséquent tu feras des recherches, pour que nous puissions découvrir ensemble de quoi il retourne.

Pour ma part, je vais tenter d'en apprendre plus grâce à ce merveilleux outil qu'est internet, bien que je pense que tu sois dans de meilleures dispositions que les miennes. Si je ne me trompe pas, cette photo a dû être prise lors de la réunion de famille de juillet 1956, au Québec.

Je te joins la fameuse photo en pièce jointe, pour que tu puisses te rendre compte de quoi il retourne.

Cordialement,
Ton lointain cousin Magnus Olsen.

P-S : si tu pouvais nous faire parvenir un exemplaire dédicacé des Origines du mal, ma femme t'en serais très reconnaissante.

PP-S : ma fille de 10 ans, Olive, insiste vraiment pour que je te demande si, je cite : « l'Amérique c'est comme dans High School Musical ? » (elle veut l'avis d'un véritable américain tel que toi)