Après quelque minute de marche, ou plutôt de course, nous arrivions devant une large porte aux rayures blanches et rouges. Elle était entrouverte et laissait apercevoir un rai de lumière chaleureux.Charles, mon aimable garde du corps, se posta à ma gauche et me la désigna de la main.
- A vous l'honneur ! Cette porte donne accès au foyer, lieu de convivialité de la caserne. En d'autre terme, c'est là que se trouve tes futurs coéquipiers. Me dit-il, une tonalité joyeuse dans la voix.
Encore une fois, pour économiser mes cordes vocales, je me contentai d'hocher la tête, un sourire franc sur le visage.
Je respirais un bon coup pour remplir mes poumons d'oxygènes, et m'élançai, basculant la porte dans mon élan.
La première chose qui me sauta aux yeux fut les couleurs de la pièce ; les murs étaient bleus ciels parsemés de taches blanches, et le sol recouvert d'une moquette à poil court gris clair. Le rouge semblait avoir été délaissé, ici, nulle trace de sa présence. Le centre de la pièce était occupé par deux immenses canapés bleus nuits qui se faisaient face, seule une table semblait les empêcher de se toucher.
Je fis quelque pas à l'intérieur et poursuivit mon observation. A ma droite se tenait une spacieuse cuisine ouverte. Les placards étaient eux aussi gris. Ils se tenaient au-dessus des plaques de cuissons intégralement noires. A ses côtés trônait une grande planche de bois faisant office d'établie. Une cafetière était en son milieu, apparemment souvent utilisé comme en témoignait son état.
Charles, me précédant de peu, s'introduisit à son tour par l'ouverture derrière mon dos en saluant bruyamment ses collègues. Tous, y compris ceux à moitiés affalés sur les canapés se retournèrent, intrigués par cette soudaine agitation. Aussitôt, une dizaine de pair d'yeux me remarquèrent et me scrutèrent pendant de longue seconde, un air d'incompréhension suspendu aux lèvres.
Charles, comme à son habitude me sauva encore une fois, en brisant le silence pesant qui s'était installé.
- Je vous présente Laure Sins, la charmante demoiselle qui se tient à ma droite. Dit-il avec un ton enjoué. Elle est reporter chez ITR 7 et aimerais réaliser un reportage sur notre métier pour le faire connaitre au grand public. Elle va donc nous accompagner pendant nos missions et nos entrainements quotidiens. Je vous demande donc de la traiter comme un membre de notre équipe et lui souhaiter la bienvenue comme la politesse l'exige. Finit-il, sur un ton plus froid et dépourvu d'humour.
Quelque « oui chef » moqueur résonnèrent à l'unisson et chacun repris ses activités, ne me prêtant plus grande attention. Seul un grand brun à la peau mate s'approcha de moi, un air curieux ornant son visage.
Il me salua et me souris gentiment. Je vis ses lèvres bouger, sans doute pour entamer la conversation quand une voix grave et puissante coupa court à ses tentatives de rapprochements. Je me retournai aussitôt, surprise par cet excès d'autorité. Comme je le pensais, ce n'était pas Charles qui venait de nous interrompre mais un homme à l'allure imposante qui se tenait dans l'entrebâillement de la porte.
- Réveillez-vous, votre nuit est finis depuis longtemps ! Dit-il, sans se départir de sa mauvaise humeur. Si vous croyez pouvoir pioncer en toute quiétude vous vous êtes lourdement trompé ! Debout, bande de flemmard ! Déversa cette voix criarde en un souffle tempétueux.
Il fixa l'assemblé de ces yeux couleurs ocres et reprit, une note plus doucereuse dans la voix.
- Le groupe de Marco est en mission, il va en avoir pour plus longtemps que prévu d'après ces dires. Le basculement avec l'équipe de nuit se fera donc à leur retour. D'ici là, n'espérais pas vous la couler douce ; entrainement dans dix minutes, stade gauche côté nord. Il s'arrêta net et repris d'une voix mielleuse qui me donna des frissons : et pour les gentils, petits, mignons bisounours qui me feront l'honneur de leur présence avec quelques minutes de retard ... je leurs réserve un magnifique cadeau comme moi seul sait les faires. N'est-ce pas Hugo ? Questionna-t-il, empreint d'une soudaine curiosité poussée à l'extrême.
Quelque ricanement se fit entendre dans l'assemblée, tant bien que mal cachés par des toussotements. L'intéressé blêmit à vue d'œil et bégaya une réponse inaudible pour mes petites oreilles. Un regard de l'homme et ce dernier piqua un fard, trouvant soudain très intéressant la couleur de ses chaussettes. Décidément tous me laissait à croire que cet homme était en haut de la hiérarchie. Rien que sa posture me déclenchait des sueurs froides : il était grand et bien taillé avec des jambes puissantes comme le laissait paraitre son jogging qui époussetait ses muscles. N'importe quel homme aurait été jaloux devant ces mollets, révélateurs de nombreux footing. Son torse était large et ses épaules carrés et sec, tirant sur les nervures de son cou. Son visage était grossier et brutal, mais pourtant une impression de douceur s'en dégageait. Une barbe grisâtre ornait le bas de son menton, se mariant bien avec ses cheveux poivres et sels qui se baladaient au rythme des courants d'airs.
Cet homme avait l'aspect d'un roc dur et incassable, et pourtant, je devinais aisément qu'il abritait en son intérieur une fêlure profonde. Il avait quelque chose de différent, un élément infime mais pourtant qui changeait radicalement un être. Il avait le regard de ceux qui avait connu le pire, de ceux qui était au courant de la plus noire des noirceurs humaines. Sans doute était-ce la lueur de ses yeux qui regardaient le monde avec cet éclat de bonheur en des instants totalement anodins qui le différenciait des autres. Car même sous sa colère je devinais sa joie d'être présent. J'étais sûr que rien que le fait de ressentir ce sentiment le rendait heureux. Il était en vie, et en profitait autant qu'il le pouvait. Les reflets de ces iris tournoyant sur ses orbites avec malice me l'indiquaient. Il était pétillant et malgré sa profonde fêlure, heureux à chaque instant de vivre sa vie et de partageait celle des autres, toujours trop courte à son gout.
Oui, c'était un homme qui connaissait les Hommes nul doute là dessus. C'était un homme qui connaissait le Monde.
Un toussotement derrière moi me ramena subitement à la réalité. Charles, aussi patient qu'il était se tenait dans mon dos, me fixant avec un mélange de curiosité et d'amusement.
- Quoi ? Me contentais-je de lui répondre, un ton un peu trop sur la défensive.
- Rien ! Je me disais juste que tu avais vraiment envie de faire ces tours de terrains supplémentaires ... Me répondit-il moqueur.
Je me rendis alors compte que la salle auparavant pleine était maintenant vide de toute présence humaine. Apparemment les menaces voilées du chef avaient fait leurs effets.
Ne voulant perdre aucune seconde supplémentaire, je me précipitai vers la porte et me dirigeai vers le hall, craignant que trop bien le fameux « cadeau ». Charles ne tarda pas à me rejoindre un nouveau sourire moqueur sur ses lèvres.
- Quoi encore ? Lui demandais-je exaspérée par son attitude.
- Eh bien, le chemin le plus court pour aller au stade n'est pas dans cette direction. Il fallait prendre à gauche en sortant de la salle.
Je mis un certain temps à traiter ces informations. Soudain, je ne compris que trop bien.
- Quoi ?! M'écriais-je à bout de souffle. Et ce n'est que maintenant que tu le dis ? L'agressais-je
Il hocha les épaules nonchalamment et se contenta de répondre une phrase impossible à contredire.
- Je te l'aurais bien dis avant mais tu ne m'as rien demandé.
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Esseulée
RomanceMystère / Romance / Psychose L'amour et la haine sont plus proches que l'on ne le croit : étroitement intriqués dans le cœur d'un Homme. Une proximité au combien déconcertante et pourtant si affectante, Car l'un est l'ennemi et l'autre l'ami. L'un...