Chapitre 3

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Nous arrivions devant ce fameux stade tant espéré au bout d'une course acharnée dont je ressortais en sueur et épuisée. J'ai bien dis « moi » car Charles, lui, ne semblait même pas avoir bougé le petit doigt ; il était debout et me regardait, encore ce fameux sourire sur son visage d'ange.  Décidément, cet homme avait le don de m'énerver.

Nous entrâmes en trottinant sur la pelouse encore mouillée de la nuit qui précédait, nous dirigeant vers le petit amas d'hommes qui s'étaient regroupés en son centre.

A en juger ce rassemblement, l'entrainement avait déjà commencé. Il ne me restait plus qu'à espérer que le « chef » ne me remarque pas. Evidemment, c'était sans compter ma glorieuse chance ; avec moi, carton plein à tous les coups.

-    Eh bien, eh bien, mais qui vois-je ? Ne serait-ce pas notre journaliste attitrée ? S'empressa-t-il de me questionner.

Heureusement pour moi, le culte que porter Charles à la parole me sauva.

-    Oui, elle-même en chair et en os. Il en est de ma responsabilité si nous ne sommes pas arrivés à l'heure ; j'ai voulu lui montrer les bâtiments avant qu'elle ne nous rejoigne. Je m'en excuse. Dit-il d'une voix que je ne lui reconnu pas. Il s'inclina, dos en avant, et recula de quelque pas pour signifier qu'il n'avait plus rien à dire.

Le haut placé le toisa d'un regard inquisiteur, comprenant sans doute ce tissu de mensonge.

-    Bien, Charles, si j'ai bien compris tu es le seul responsable de ce retard ? Tu en assumes donc l'entière responsabilité ? Conclut-il avec un sourire énigmatique qui me crispa encore plus qu'il ne l'était possible. Ses yeux plissés passèrent de George à moi en une continuelle boucle. 

Les autres coéquipiers me dévisagèrent, un air d'incrédulité au visage, renforçant ce sentiment de malaise qui me tordait l'estomac. Un dilemme se jouait en mon fort intérieur, opposant l'ancien et le nouveau moi. Charles hocha la tête en signe d'acquiescement et entrepris de parler quand je le coupai dans son élan.

-    Non, la responsabilité de ce retard me revient entièrement à moi et à moi seule. Dis-je, contre mon grès.

Ma voix était tremblotante et ma respiration saccadée et pourtant, je ne flanchais pas, restant fermement campés sur mes deux pieds.

Mon instinct de survie sonnait toutes les alarmes possibles de mon corps, me faisant regretter à chaque seconde un peu plus ma prise de parole irréfléchie. Mais, contre toute attente, je tenais bon, je me dressais contre cet homme qui me toisait avec dureté. Je restais debout, gardant mes moyens. Charles croisa mon regard et m'interrogea pensivement. Je me contentai de soulever mes épaules pour lui montrer ma nonchalance. Je me sentais bien, un flot de sentiments contradictoires m'asseyaient de toute part et pourtant je souriais, montrant ma ténacité à cet homme aux yeux de glaces. Je me sentais tous simplement vivante ; j'avais enfin retrouvée toute la possession des fibres qui composaient mon corps.

L'homme de fer ne cessait de me toisait, une ombre de dureté se baladant dans ses iris.

Il s'apprêta à bouger ses lèvres quand une voix encore plus grave que la sienne résonna dans le silence glacial qui flottait sur le stade.

-    Eh bien ! Quelle ambiance ! Il est vrai que notre métier n'est pas assez éprouvant comme ça, alors vous avez décidé de vous opposer les uns aux autres pour y pallier ? Mais quelle bonne idée ! Pourquoi donc n'y ai-je pas pensé avant ? Décidément je suis bien trop bête ... Dit la voix, un ton plus hypocrite au possible.

Aussitôt, tout le petit groupe se retourna en un seul corps, comme animé d'une seule et même pulsion, vers la source de ces paroles. Les visages que je voyais étés décomposés en un mélange de peur et d'appréhension. Même l'homme de fer ne restait pas de marbre face à cette interruption : il s'était lui aussi retourné et affichait désormais un sourire penaud.

Esseulée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant