*
Aujourd'hui
*
— S2, grogna la Protectrice n°8 me faisant grimacer de plaisir, affalée sur ma chaise blanche. Je t'ordonne de te tenir droite !
Je détournai les yeux, ravalant un soupir agacé. S'ils savaient à quel point j'en avais rien à foutre de leurs manières... Ce sont des cons, qu'ils aillent au diable ! Et encore, l'enfer ne serait que trop bien pour eux. Je vous jure, si je pouvais lui en foutre une à celle-là aussi, depuis le temps qu'elle me les pète, je n'hésiterais pas une seule seconde !
Depuis ce jour, ma vie avait pris un tournent impensable. Ma vie était devenue leur vie. Arrachée à ma famille à mes sept ans, j'étais retenue captive, séquestrée et torturée dans cet enfer sans nom...
De ma famille... Il ne restait plus que moi. La dernière Warrens vivante à ce jour. J'aurai peut-être même mieux fait de crever là-bas aussi. Ma vie aurait été moins misérable.
Assisse devant ma table blanche, comme les autres « élèves », à écouter les cours que nous « offrait » la protectrice n°8, me dégoutait. Ils n'avaient vraiment pas honte. Comment pouvaient-ils assassiner nos familles pour ensuite nous amener ici et nous promettre de devenir des « gens meilleurs ». Ils n'avaient vraiment aucun culot.
— S2 ! s'écria de nouveau l'autre conne.
— Abygail, la corrigeai-je en haussant les sourcils. Mon nom est Abygail, Madame.
La vielle femme tapa du pied sous la table tout en se levant. Son visage était déformé par la colère et j'avais même l'impression que ses prunelles allaient sortir de ses orbites. Elle était petite et bien en chair. Evidemment, ils ne crevaient pas de faim, eux.
— Pouvez-vous répétez le code de conduite, S2.
Décidemment, elle ne lâcherait pas l'affaire celle-là.
Je la défiai du regard sans dire un mot, la tête de côté, affalée sur ma chaise en mâchant un chewin-gum parfum fraise. Au son de sa voix nauséeuse, je ne fis rien, faisant la sourde oreille ce qui eut pour effet de la faire grimacer. Qu'est-ce qu'elle était moche... la pauvre.
— Je ne me répéterai pas S2. Le code, tout de suite !
S2, voilà comment ils m'appelaient continuellement. C'était mon nom de code du mois. Demain, il allait être à nouveau réinitialisé.
Ici chaque jeune en possède un.
Sept lettres, sept niveaux. Du plus faible au moins faible d'entre nous. C'est ainsi qu'ils procédaient pour nous qualifier et nous évaluer.
Les Excellents, la classe S, comptaient dix jeunes, numéroté de un à dix. Cette classe regroupait les plus forts d'entre nous, quel que soit l'âge, autant sur le plan combat que sur le plan énergie.
Les Bons, la classe A, comptaient vingt jeunes environ. Il y avait souvent des places vacantes. Selon eux, il n'y avait que très peu de « bons » et rare étaient les excellents.
La classe suivante, la classe des Passifs, aussi appelé B, rassemblait les jeunes ayant un ou plusieurs attributs renforçant leurs capacités passives comme l'augmentation continue de la vitesse de déplacement ou la vitesse d'attaque, etc. Les Passifs se faisaient rares aussi et il n'y avait que huit places. Généralement les B ne changeaient pas de classe, sauf lorsqu'ils devenaient « inutiles » selon la direction.
La classe C, les Débutants, était une classe de transition pour « les nouveaux venus ». C'était ici qu'ils plaçaient nouveaux jeunes le temps de les observer et de comprendre leur fonctionnement.
Voici donc la liste des classes les mieux entretenus du QG. Maintenant passons, au reste. La classe D, En Péremption (oui vous avez bien lu, comme la bouffe), était une classe que nul ne voudrait connaitre. Elle annonçait généralement une arrivée prochaine à la classe F, autrement dit à la morgue. Cette dernière regroupait les jeunes étant le plus de difficultés à pratiquer leurs pouvoirs. Elle était appelée la classe des Inutiles, ceux qui ne servent plus. Afin de ne pas s'embêter avec eux, ils organisaient chaque mois les « Arènes du Chaos », un lieu où seul un jeune pouvait s'en sortir et possédait le droit de redevenir un C et réintégrer les rangs.
Voici donc les six classes de cette enceinte, pour ce qui est de la septième, vous la découvrirait tôt ou tard.
Lorsque je vis la moche marcher dans ma direction, je me réveillai de ma stupeur. Ce n'était pas le moment de rêvasser et mon air satisfait n'avait surement pas dû lui échapper.
— Tu n'en perds vraiment pas une, cracha-t-elle avant s'emparer de l'un de ses fameux boitiers plaqué à sa taille.
Son regard bleuté, impatient de me faire hurler, ne m'intimida pas et je me jurai que quoi qu'il arrivait, elle ne s'en tirerait pas ainsi.
Je savais pertinemment ce qui m'attendait. Elle allait faire comme toutes les autres fois : enclencher le mécanisme du collier qui m'enchainait à cet endroit.
La Protectrice semblait calme. En même temps, ce n'était pas elle qui allait prendre les décharges, mais moi. Je serrai les dents avec un sourire certain au moment où son pouce entra en interaction avec le bouton de l'appareil. Ça allait faire mal.
En à peine deux secondes, mon corps se mit à trembler coupant ma respiration et me faisant tousser. Je lâchai aussitôt un petit cri de gamine, m'écroulant à même le sol sous les coups de jus continus que se prenait mon corps. Les douleurs prodiguées à mon cou étaient indéfinissables mais supportables. J'en avais connu des pires.
Lorsqu'enfin la douleur s'estompa, je commençai à reprendre mon souffle après mettre mise sur le dos, les cheveux sales étalés sur mon visage. Je le jurai, j'allais leurs faire payer au centuple tous ce qu'ils nous avaient fait. Je me le promettais.
On m'attrapa sous les bras et me souleva dans les airs faisant basculer ma tête lourde sur ma poitrine. Le coup qui fut porté au niveau de mon ventre me coupa le souffle instantanément me faisant cracher tout ce qui voulut sortir de mes entrailles.
Plusieurs poings virent se glisser le long de ma peau, renforçant mon corps à chaque touché. J'avais l'habitude d'être frappé ainsi, depuis mon arrivée. Ils n'avaient jamais eu aucun scrupule à battre des enfants. Pire, ils les massacraient.
Alors qu'on me lâcha à même le sol, les coups cessèrent enfin. Je fis un regard en direction du jeune garçon assis à sa table à côté de moi. Il ne devait avoir qu'une dizaine d'année mais était déjà en classe S aussi.
Bien que soudés, je ne connaissais pas tout le monde. J'avais appris à ne plus aimer, ou en tout cas, j'essayai. L'attachement à l'autre est la pire des tortures. L'amour en lui-même est une torture bien pire que la mort. Il nous rend faible et nous détruit à la perte de l'être aimé. Jamais plus je ne voulais connaitre ce sentiment. Il devait disparaitre à jamais.
La Protectrice me donna un coup de pied avant de quitter la pièce. Je me levai, la main au ventre. Mine de rien, leurs chaussures de sécurité ça faisait mal.
*********************
image : https://orig00.deviantart.net/3915/f/2016/051/a/5/stay_by_kyrie0201-d9sjvbo.jpg
VOUS LISEZ
ERINYE - Vengeresse Mortelle
FantasiLe crissement des roues rapides, les pleurs et les cris étouffés de mes sœurs, le souffle haletant de ma mère priant pour nos vies, la mort... je me rappelle de cette longue nuit comme si c'était hier. Le jour où nous devions partir, la nuit où les...