RESTE AVEC MOI, tome 2 - Cold Water

Prologue

Automne 2019. Tampa, Floride.

Harry,

Ceci est la deux cent unième lettre que je t'écris et que tu ne liras jamais. J'ai compté. Ça va m'occuper une demi-heure avant que je ne tourne en rond comme un lion en cage. Je ne sais plus quoi faire quand je suis inquiet. J'étais à la cafétéria quand Penny a débarqué avec la mine déconfite. Moi j'étais mort de rire parce que Gabriel venait de recracher l'équivalent d'un verre d'eau par le nez, et Penny a fait une moue désolée, celle qui effraie les amoureux de militaires comme moi. Je lui ai demandé ce qu'il se passait et elle m'a dit qu'elle venait d'apprendre pour la catastrophe à Hawaï et qu'elle était désolée. Désolée. Bordel mais désolée de quoi, hein ? En ce moment, y en a presque toutes les semaines, des catastrophes dans le monde ! On passe une semaine sur deux à être barricadés chez nous et à recevoir les cours via e-mail parce que cet automne est le plus rude qu'on n'ait jamais eu dans ce foutu pays, alors pourquoi est-ce qu'elle s'excuse ? Tu le sais ? Moi, oui. Elle s'excuse parce que t'es à Pearl Harbor. Voilà pourquoi. Elle s'excuse parce que t'es dans cette foutue base navale à la con et que la moitié de l'île a été engloutie sans que personne ne voie rien venir. Elle est désolée parce qu'elle te pense mort et qu'elle se dit que ça va être difficile pour moi. Elle a pitié. Les eaux se sont retirées, c'est cool. Mais y a tellement de morts ou de portés disparus qu'aucun média ne se met d'accord sur un chiffre. Je ne regarde pas les informations, comme tu me l'as demandé, mais qu'est-ce que je fais contre les Penny à la mine déconfite ? Hein ? Je ne peux pas me couper du reste du monde pour prétendre que ma vie est géniale et que tout va bien dans le meilleur des mondes, Harry. Tout ne va pas bien et le monde est loin d'être un endroit génial, en ce moment. Alors je sais que t'es pas mort, d'accord ? Je sais que t'as rien parce que je ne patiente pas depuis deux ans et demi pour que tu crèves à quelques semaines de ta permission de cinq mois. Ça n'existe pas. C'est trop cliché. Je sais que tu vas bien, mais bordel de merde Harry, appelle-moi ! Je n'aime pas être vulgaire, mais je crois que ça me libère. Pardon. T'es un fiancé franchement minable, t'entends ? Quel genre d'amoureux fait ça ? Hein ? La première chose qu'on fait quand on est en vie, c'est prévenir ses proches et moi, j'attends. J'attends comme un débile et je deviens dingue. Peut-être que je suis en colère mais c'est parce que c'est plus facile que d'avoir peur. Je refuse d'être effrayé par ta faute. Tu dois me protéger. Tu dois être là. Tu dois être vivant et rentrer dans vingt-trois jours.

Peut-être que ce con de psy avait raison. Peut-être que c'est mieux que j'écrive ces foutues lettres que je n'envoie pas plutôt que je passe mes nerfs sur toi. Alors même si t'es le roi des cons de ne pas m'avoir encore téléphoné, même si je te hais sur le moment de me laisser comme ça et que je devrais rompre parce que mon cœur ne supporte plus cette situation, dans vingt-trois jours, je serai à l'aéroport et tu as intérêt à y être aussi. Qu'on fasse mentir Penny, ma sœur et tous ceux qui pensent que j'ai tort de m'accrocher à toi, à nous ; montre-leur que dans ce monde de dingues, l'Amour est toujours plus fort que tout. Reviens-moi Harry parce que j'ai besoin de toi. J'ai besoin d'entendre le son de ta voix, que tu me dises que tout va bien et que tu restes avec moi. Parce que c'est comme ça qu'on s'aime, non ? Moi qui ai peur, qui doute et qui t'aime au point d'en suffoquer, toi qui me rassures, qui m'aimes tout aussi fort et toi qui rétablis l'ordre des choses. Alors rentre. S'il te plaît. Plus jamais je ne râlerai parce que tu dors trop, parce que tu cuisines moins qu'avant ou parce que tu refuses de me dire comment tu as eu telle ou telle blessure. Plus jamais je ne

gâcherai notre temps en disputes inutiles pour tenter de te faire culpabiliser d'être trop loin. Plus jamais je ne me retiendrai de te dire je t'aime avant de m'endormir, un soir où tu as été bougon et trop silencieux à mon goût. Je vais gommer mes défauts, je vais nous renvoyer à Carmel. Mais, s'il te plaît Harry, rentre. Empêche-moi de couler.

Je t'aime de tout mon être, de toute mon âme,

Je t'aime à en mourir.

Louis. 

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