Chapitre 3

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Automne 2019. Vallée de Shenandoah, Virginie.

Avec ces quelques rayons de soleil, Louis m'a convaincu de prendre la voiture pour monter jusqu'au barrage qui surplombe la vallée ; le serveur du restaurant où nous avons déjeuné lui a dit que le lac artificiel valait le coup d'être vu parce qu'il n'était là que depuis quelques années et que les aménagements faits tout autour étaient très beaux à cette période de l'année. Je n'étais pas spécialement emballé parce que le tour du lac fait au moins 10 kilomètres et que Louis est encore épuisé, mais il m'a fait les yeux doux alors j'ai cédé.

« Tu veux qu'on loue des vélos ?, il demande alors qu'on quitte à peine le parking. Ne dis pas non. »

Je lève les yeux au ciel avec un air amusé ; Louis a toujours le don de trouver des idées farfelues pour passer le temps.

« Pourquoi tu me demandes si je n'ai pas le droit de dire non, alors ?

– Par politesse.

– Ce n'est pas raisonnable. On n'a pas beaucoup d'argent de côté. On va devoir payer les billets de retour et c'est bientôt Noël. »

Louis me regarde avec un air triste, mais je sais que ce n'est pas à cause des vélos.

« J'ai pas envie de fêter Noël, il souffle avant de baisser les yeux pour fixer ses chaussures.

– Très bien. J'irai chez ma mère alors. »

J'ai à peine terminé ma phrase qu'il relève vivement la tête.

« Quoi ? Mais non !, il s'exclame. T'as pas le droit de me laisser pour Noël ! Ça fait deux ans que t'étais pas là !

– Si tu ne veux pas le fêter, ce sera un jour comme les autres pour toi, non ? »

Il serre les dents et je sais qu'il est plus vexé que blessé alors je ne regrette pas d'avoir dit ça pour le bousculer un peu.

« Pourquoi tu me provoques ?, il demande en croisant les bras.

– Parce que tu as besoin de réaliser que la vie continue. Je sais que ton père a eu son accident à cette époque de l'année mais tu penses vraiment qu'il aurait envie que tu gâches tous les Noël qu'il te reste ?

– Tu penses vraiment que tu vas parvenir à me déculpabiliser de fêter Noël avec un "ton père n'aurait pas voulu ça" ? »

Je me tais. Il ne peut pas me dire que je n'ai aucune compassion parce que je connais la douleur que représente la perte d'un parent, mais il me déteste de le forcer à voir le positif là où il estime qu'il n'y en a pas.

« Tu pourras aller chez ta mère, il se borne à répondre.

– Ok. Je la préviendrai en rentrant alors. », je dis avant de me mettre en route.

L'ambiance est lourde, Louis est une véritable tête de cochon mais j'en suis une aussi et je ne céderai pas cette fois-ci. Je refuse qu'il s'enferme dans des états de déprime tous les ans, à la même période, simplement parce que c'est ce qu'il pense qu'il faut qu'il fasse. Je sais que c'est dur, je sais que j'ai l'air d'être sans cœur, mais malheureusement la vie continue et s'il arrête de vivre à chaque période où il a traversé quelque chose de difficile, il va finir sa vie vissé au canapé et shooté aux antidépresseurs. Ce n'est pas ce que j'imagine pour lui.

C'est simplement au bout d'un quart d'heure de marche, dans le plus grand des silences, que j'entends Louis courir derrière moi pour me rattraper. Il glisse sa main dans la mienne, mais je la lâche rapidement pour passer un bras autour de ses épaules et le serrer contre moi.

RESTE AVEC MOI, tome 2 - Cold WaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant