Epilogue

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Printemps 2020. Tampa, Floride.

Je scrute le ciel depuis quelques secondes. Les nuages sont noirs, c'est effrayant. Quand je vois enfin l'éclair que j'attends, je compte. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf.

Coup de tonnerre.

L'orage n'est plus qu'à trois kilomètres maintenant, il se rapproche.

Je prends quelques secondes pour regarder le coffre de mon 4x4, rempli à ras bord. Mon sac à dos, les bouteilles d'eau, une trousse de premiers soins, les bidons d'essence, les allumettes, le duvet, les conserves, la roue de secours. Tout y est. Je compte, je m'assure que ce sera suffisant. J'essaie de me rassurer en me répétant qu'il n'est pas trop tard pour partir.

Tout va bien se passer.

« Toi aussi tu pars ? »

Je sursaute et, presque malgré moi, je pose une main sur l'arme de service que j'ai chargée et coincée à l'arrière de mon jean. Mais tout va bien, ce n'est qu'Evan, le petit de l'étage du dessus.

« Où sont tes parents ?, je demande en fermant le coffre.

– Ils sont partis au supermarché. Ça fait au moins quatre heures. »

Je réprime une grimace ; c'est le chaos là-bas et s'ils ne sont pas revenus, c'est soit qu'ils sont morts, soit qu'ils l'ont lâchement abandonné.

« Ils vont rentrer, je dis pour le rassurer. Enferme-toi chez toi et n'ouvre à personne. »

Il me fait un salut militaire avant de courir dans l'immeuble. Je fixe la porte et lorsqu'elle se referme, j'ai un pincement au cœur. C'est la dernière fois que je viens ici, la dernière fois que je vois cet endroit.

Un autre éclair. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Coup de tonnerre.

« Merde. »

Je prends une grande inspiration avant de monter en voiture. Je démarre, je fais une marche arrière sur toute la rue et je pars à l'opposé de ce foutu orage pour m'en éloigner au maximum.

Depuis quelques jours, la Floride est plongée dans le chaos. Les tornades et les ouragans se sont succédés sur tout l'état, sans que personne ne puisse fournir d'explications. Le gouvernement fait le mort et, de toute façon, l'électricité n'a pas été rétablie. Nous sommes seuls et nous n'avons aucun moyen de communiquer avec l'extérieur – ni entre nous d'ailleurs.

Il n'en a pas fallu plus à la population pour complètement perdre les pédales ; quand les gens ne quittent pas l'état, ils pillent les magasins pour faire des réserves. Mon statut de militaire – ou mon arme – m'a permis d'en effrayer plus d'un, mais je sais que, d'ici quelques jours, il n'y aura plus que des sauvages en colère qui chercheront à sauver leur famille, coûte que coûte. Chacun pour soi, c'est ce que m'a appris mon père. Je suis préparé à cette situation. Je sais ce qu'il va se passer.

Alors je fuis.

Ma mère et Rick sont dans le Tennessee ; ils y sont en sécurité dans la maison que j'ai construite pour eux. Ils y avaient rapatrié toutes les réserves de Carmel. Je dois les rejoindre parce que je suis en danger dans un état qui risque de disparaître de la carte du monde, si un tsunami lui tombe dessus.

Encore un éclair. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Coup de tonnerre. Je m'éloigne mais il se rapproche alors j'accélère. J'ignore les gens qui se battent pour un paquet de riz ou des bouteilles d'eau. J'ignore les stupides qui volent des télévisions parce qu'ils pensent que tout va rentrer dans l'ordre et qu'ils auront au moins gagné ça. Je fonce sur la route en klaxonnant lorsque des imbéciles se trouvent sur mon chemin. Je ne ralentis pas, jamais. Sauf quand je passe sa rue.

RESTE AVEC MOI, tome 2 - Cold WaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant