Quelques secondes Tome 1 Colin & Hunter (Sous Contrat D'édition)

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Les marches grincent sous mes pieds alors que je descends pour préparer le petit déjeuner. Je m'arrête net afin de minimiser le bruit et être le plus discret possible. Il est tôt, tout le monde dort encore, néanmoins si je veux effectuer toutes les tâches qui m'incombent je suis obligé d'être matinal. La lumière de la cuisine me fait cligner des yeux quelques secondes, je me passe les mains sur le visage, dans le but de me réveiller un peu plus. Je dois être efficace. J'ai dressé le couvert hier soir avant de me coucher, ce qui me permet d'économiser un peu de temps en début de journée. Tout en grognant, j'avance vers la cafetière pour la mettre en route — il va m'en falloir une quantité impressionnante ce matin —, puis c'est la bouilloire que j'allume. Enfin, je sors tout ce qu'il me faut du réfrigérateur et des placards pour concocter un petit déjeuner sain et équilibré. En quelques minutes, les céréales sont sur la table, les toasts se dorent la pilule sous le gril, les œufs et le bacon n'attendent qu'une chose : une poêle. En revanche, nous n'avons plus de haricots à la tomate. Pendant deux secondes, je pense à aller en acheter, mais je réalise qu'il est un peu tôt pour aller faire des courses.

Une fois le café prêt, je m'en verse une grande tasse, laissant son parfum envahir mes narines, puis j'y trempe mes lèvres avec précaution. Le liquide ambré dévale mon œsophage, abandonnant derrière lui une légère et agréable sensation de brûlure. Je souffle, me permettant quelques secondes de repos avant de remonter à l'étage réveiller mes frères et sœurs les uns après les autres, puis de me mettre aux fourneaux. Tous les matins, c'est la même rengaine. Sortir du lit, se doucher silencieusement puis jouer au chef de famille, sans oublier mon travail. Toutefois, je n'ai pas de meilleur choix. Ma place est ici.

— Colin, encore le premier debout ?

La voix de David, mon beau-père, me fait sursauter et je me retourne aussi sec.

— Bonjour, Dave.

— Salut, mon grand. Pourquoi te lèves-tu aussi tôt ? Tu devrais dormir comme tes frères et sœurs.

— Je ne peux pas, il y a tellement de choses à faire que...

— Que tu te réveilles aux aurores pour m'aider. Je suis adulte, Colin, je peux me débrouiller tout seul. Je t'ai d'ailleurs dit hier soir, ici même, que je voulais que tu te reposes ce matin.

Tout en prononçant ces mots, il se dirige vers la table et prend sa tasse entre ses doigts. Il l'observe quelques secondes puis son regard passe sur les différents bols et couverts. Je ne réussis pas à déterminer ce qu'il pense, mais ce qu'il vient de déclarer me blesse. Si j'agis de cette manière, c'est pour lui.

— Je suis conscient, Colin, que tu veux aider et te sentir utile, ajoute-t-il en se tournant vers moi. Mais prendre ma place n'est pas une solution. Tes frères et sœurs ont besoin de toi en tant que frère pas en tant que père. Je dois jouer ce rôle-là. Mais depuis quelque temps, je ne sais même plus où et comment me positionner.

Je baisse la tête, mes yeux se voilent. La sensation d'être un abruti fini qui n'accomplit rien de bon m'envahit. Les mains de David se posent alors en douceur sur mes épaules.

— Regarde-moi, mon grand.

Je relève le visage vers lui et renifle, tentant tant bien que mal de reprendre contenance pour écouter ce qu'il a à me dire.

— Ta mère serait tellement fière de te voir gérer les choses comme tu le fais. Mais elle en serait triste aussi. Colin, tu es jeune, tu as vingt-six ans, tu as autre chose à faire que de passer ton temps libre à jouer au papa.

— Mais...

— Laisse-moi finir, tu veux bien ?

Je hoche la tête en signe d'accord. David me lâche les épaules et me fait signe de m'asseoir. Je prends place sur une chaise pendant qu'il saisit sa tasse. Je l'observe se servir un café auquel il ajoute un peu de lait et deux sucres. Puis il s'installe à mes côtés.