Chapitre 2

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Avant de partir, j'avais tout de même pris le temps d'enfiler les vêtements adéquats : t-shirt, legging, baskets et veste nouée autour de la taille. Mes longs cheveux, attachés en une queue de cheval rapide, m'évitaient un certain dérangement. Un brassard passé au bras droit me permettait de ranger mon téléphone et mes clés.

Une fois dans la rue, je n'avais pas une grande distance à parcourir à pied avant d'arriver dans la forêt de Nantahala, que je connaissais bien. Cette forêt avait été le théâtre d'une bataille du même nom entre l'armée américaine et les autochtones environ cent-soixante-dix ans auparavant. Aujourd'hui, seules quelques traces de cette guerre persistaient, la nature ayant repris ses droits sur les dommages causés. J'avais longtemps étudié cette histoire, m'intéressant beaucoup à ce type d'évènements.

Je ne courais pas pour m'y rendre, préférant attendre d'être loin de toute la pollution environnante et des bruits pour réellement me ressourcer.

Moins de dix minutes me suffirent pour arriver à l'entrée. Je démarrai alors ma course. Ma foulée était plutôt bonne, due à des années de pratique et d'entrainement. Dès l'âge de dix ans, j'avais pu suivre les séances de sport de mon père, à mon niveau, commençant par la course, puis par la musculation. Il désirait ardemment m'apprendre les sports de combat afin que je sache me défendre, mais cela ne m'avait jamais intéressée. Aujourd'hui, je regrettais de ne pas avoir profité de ces moments. Après tout, par les temps actuels, il pouvait être très important pour une femme de connaître un minimum d'autodéfense. Alors, comme consolation, je me disais que je savais courir, et qu'en cas de danger je pourrais m'enfuir. Loin de moi l'idée de jouer les héroïnes.

J'avais commencé ma course en suivant le sentier, mais je ne tardais pas à bifurquer pour emprunter ma propre voie au travers des arbres et des buissons. C'était une de mes habitudes, je n'aimais pas faire comme tout le monde. L'air frais, boisé, éloigné de toute civilisation et de tout parasite possible, me fit un bien fou. La sensation de l'herbe, des feuillages ou branchages sous mes pieds, tout autant que l'odeur typique végétale et humide du matin, me happèrent et me propulsèrent dans une bulle, un cocon, que moi seule savais apprécier. Je regretterais probablement mon manque de sommeil toute la journée, mais au moins ce moment m'aurait rendue plus sereine. Espérons que cela dure.

J'arrêtai ma course lorsque je pénétrais dans une brume dense, opaque et presque suffocante, qui n'était pas là quelques minutes avant. D'une blancheur immaculée, elle s'enroulait autour de mes membres et des arbres environnants, avec une facilité déconcertante. J'avais pourtant l'impression qu'il me serait difficile de la traverser. Le jour n'était pas encore levé, mais il ne faisait pas nuit noire non plus.

Essayez d'imaginer ce genre de moment dans les films d'horreur où on sait que quelque chose va mal se passer pour la pauvre fille qui, stupidement, se dirige vers l'endroit lugubre... Je savais que j'aurais dû rebrousser chemin. Mais je sentais que tout cela était bizarre, peu naturel. J'avais cette étrange impression, nichée au creux de mon esprit, qui me laissait penser que je devais fuir. Mais pourquoi ne le pouvais-je pas ? Ou pourquoi n'y arrivais-je pas ? Il fallait croire que j'étais cette fille inconsciente aujourd'hui. Qui savait ce qui pouvait se passer ? Un serial killer m'attendait peut-être tapi dans l'ombre ! Ô joie ! Je secouai la tête : je regardais décidément trop de films.

— Ma pauvre fille, tu ne viendras pas te plaindre si tu te fais démembrer à coups de tronçonneuse ! me sermonnai-je.

Je ne me l'expliquais pas, mais j'étais attirée par cette brume, elle m'apaisait, c'était comme si elle m'appelait.

Je fus vite arrivée — ou guidée — au centre d'une clairière qu'il ne me semblait pas avoir un jour arpentée. Étonnant puisque j'étais censée connaître cette forêt par cœur. Et je détestais être prise au dépourvu, vous vous en rendrez bientôt compte.

Sin'Meyah, T.1 : Cet autre monde {Auto-édité}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant