Chapitre XI, Ombeline

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J'ouvre les yeux avec une douleur désagréable à la tête et un goût âpre dans la bouche. Que s'est-il passé?

Je me redresse péniblement sur mon lit et devine du sang séché sur mes cuisses. Merveilleux, je vais encore devoir laver ma tunique. C'est étrange, je pensais que ma période du mois était déjà passée.

Je tente de me rappeler quelque chose d'avant que je m'endorme, mais après cinq minutes de réflexion, rien ne me revient. Je hausse les épaules et me lève donc pour aller boire.

Soudain, alors que je porte mes mains en coupe à mes lèvres, les souvenirs affluent et me frappent de plein fouet, me coupant le souffle.

Hier aussi, je buvais. Je me souviens des deux hommes, de la longue marche, de la porte, et de cette voix, ces terribles paroles glaciales et emplies de haine...

Un frisson me parcourt l'échine alors que je revis cette scène terrifiante.

Mais ensuite, à mon grand étonnement, c'est le trou noir. J'ai beau essayer de me souvenir du mieux que je peux, je n'y arrive pas. Plus je me concentre, et plus mon mal de tête s'intensifie. Je me sens trahie. Pourquoi ne puis-je accéder à ma mémoire? Après un dernier effort qui me vaut une dispersion de la douleur dans tout mon corps, je cesse de me torturer. Ce n'est pas si grave, cela ne changerait probablement rien à ma vie de toutes façons.

Je soupire et entreprends de laver ma tunique. Je frotte jusqu'à ce que le tissus soit souple et régulier sous mes doigts, ce que j'estime être le moment où elle est à peu près propre, puis, je la mets comme toujours à sécher sur le sol. 

Après avoir ajouté une encoche à la suite des autres sur le mur près du lit, je décide de chanter un peu. Ma voix s'élève dans l'immensité invisible qui m'entoure. Je l'imagine voler, suivant un chemin imaginaire, progressant par de grands pas gracieux, effleurant à peine le sol, pour finir parmi les étoiles, scintillant dans la nuit.

Maman disait que j'avais une imagination impressionnante, mais en même temps, n'est-ce pas naturel de créer un nouveau monde quand on nous a interdit l'accès au notre?

Quand je commence à avoir mal à la gorge, je m'arrête et souris en reprenant mon souffle. Chanter me fait un bien fou, c'est une des rares sources de joie de mon quotidien monotone. Je ne m'en lasse jamais. Après avoir épuisé tout le répertoire appris par maman, je me suis mise à inventer mes propres chansons. Je ne sais pas si elles sont jolies ou non, mais cela importe peu puisque personne d'autre que moi n'est là pour les entendre.

Je suis interrompue dans mes réflexions par le dépôt d'un repas devant la porte vers lequel je me dirige sans aucun enthousiasme. M'attendant à l'habituelle portion de nourriture maigre et sans goût, c'est avec une immense surprise que je découvre des aliments en quantité plus importante aux odeurs et saveurs inconnues. Je savoure chaque bouchée qui m'emplit d'un bien-être profond.

Une fois ce festin terminé, j'ai pour la première fois la sensation d'être pleinement rassasiée. Je ne savais pas qu'il était possible de ne plus avoir faim, c'est quelque chose que maman a omis de me dire. 

Je me demande la raison de ce cadeau inattendu. Qui pourrait me vouloir du bien? Je n'ai jamais connu que maman, et cela m'étonnerait beaucoup que l'effrayant personnage que j'ai rencontré hier souhaite me savoir en bonne santé, bien au contraire. Mais dans ce cas, qui? Serait-ce possible qu'après toutes ces années, quelqu'un m'ait enfin trouvée? 

L'espoir oublié resurgit à nouveau.

Et si...

OmbelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant