Jett et Jane

Chapitre 9

Il me semblait que j'évitai mon frère depuis des jours. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi en réalité.

Il t'a peut-être fait du mal...

Je secouai la tête pour chasser toutes mauvaises pensées de moi. Je l'évite tout simplement parce qu'il n'est pas sympa, et pour aucune autre raison. Et puis de toute évidence je n'ai pas à me justifier, ni envers lui, ni envers personne d'ailleurs. J'ai sûrement besoin d'un monde rien que pour moi duquel il ne ferait pas partie.

Je soufflai fort du nez et fis de grands pas pour me rendre à l'école. Je fis ainsi jusqu'à mon casier puis me disposai à mon bureau dans ma classe, bidouillant mon téléphone comme n'importe quelle adolescente de nos jours. Alors que j'étais perdue dans mes pensées Matt débarqua de nulle part devant mon nez. Je sursautais et me mit droite à ma table comme si un professeur était entré. J'aurai pensé le voir amusé de cette situation mais au contraire, je vis un visage qui tentait de dissimuler l'inquiétude grandissante. Je me raidis soudainement et Matt me demanda presque penaud :

- Salut, dis... je peux te parler, affaire privée.

J'hochai de la tête et il s'assied à côté de moi au bureau. Il se tourna les pouces durant deux minutes, certainement pour tenter de se canaliser puis, débuta :

- Est-ce que... Jett ne te semble pas bizarre ces derniers temps ?

J'aurai juste voulu piquer une crise : c'est comme si inévitablement tout devait se lier à lui. J'étais énervée que le monde entier tourne autour de lui, il n'y a que son nom à la bouche de tout le monde. Je secouai la tête pour ne pas me mettre en colère devant Matt, j'étais certaine qu'il n'avait pas l'intention de me brusquer, il était de nature à s'inquiéter pour n'importe qui, pas seulement pour mon frère. Je me détendis et donnai la réponse la plus claire qui me vienne :

- Je ne penses pas, pourquoi me demandes-tu ceci ?

- Je sais que ce n'est pas l'amour fou entre vous, mais tu es la seule qui puisse réellement m'en informer.

- Bah il y a Jessica non ?

Je vous l'accorde, c'était un peu rude venant de ma part.

En réponse Matt se contenta de simplement secouer la tête :

- Elle aurait plutôt paniqué et serai allée enquiquiner Jett pour avoir des réponses, or ce n'est pas ce que je souhaite. Pour tout te dire Jett est venu chez moi il y a quelques jours, vers 20h.  Il semblait épuisé par quelque chose et a failli perdre pieds, je l'avais invité à rentrer, il s'était assis, a bu un thé. Mais il ne parlait pas, il ne disait rien, vraiment rien. Je lui ai demandé ce qu'il avait sur le coeur mais il s'était contenté de simplement secouer la tête. J'ai comme l'impression que quelque chose le rend malheureux, est-ce que tu penses que...-

- Matt, je me fiche de lui, le coupai-je brutalement.

Le visage de Matt changea d'expression, mon ton sec l'avait dérouté. Comme pour m'excuser, je lui tapotai gentiment la main et m'exprimai plus gentiment :

- Excuse-moi Matt, mais je ne veux pas m'occuper de quelqu'un qui ne fait que me faire du mal, je ne connais pas ses motifs et il ne veut rien me dire, alors tant pis, je ne m'occuperai plus de lui.

Matt eu un instant de réflexion, hocha la tête et me dit avant de quitter la salle :

- Je comprends. Je vous comprends les deux.

Après son départ, je me sentis honteuse de ma réaction qui était pourtant aussi normal. Je n'étais pas mal à l'aise pour Jett mais plutôt pour Matt, c'est comme si au fond de lui je l'avais blessé et je détestais le décevoir, c'est un bon gars qui ne mérite que du bien.

Plus la journée passait plus le poids de la culpabilité pesait sur mes épaules. J'avais peut-être été injuste envers Matt, et lui couper la parole n'était pas une nécessité. J'avais été bête, il ne faisait que s'inquiéter pour son meilleur ami et je n'ai pas su le comprendre lui et ses motifs. Ses mots pleins de sagesse résonnaient encore dans ma tête :

« Je comprends. Je vous comprends les deux. »

Il nous comprend, mais est-ce que l'un de nous deux le comprend lui ? Je me sentais comme une enfant par rapport à la réaction que je lui avait fournie plus tôt dans la journée.

Il faut que je répare cette erreur.

Sur le chemin du retour, je cherchai Jett parmi les élèves qui empruntaient le même chemin que nous pour rentrer. Je cherchai parmi la foule, une tête rousse. Il y avait peut-être d'autres gars aux cheveux roux dans notre école, mais personne n'avait ce roux que portait Jett. Alors que je fouillais du regard le moindre passant, j'aperçus mon frère un peu plus loin, son sac sur le dos, son skate sous le bras. Je courrai presque derrière pour le rattraper, puis, une fois arrivé à son niveau, pris son rythme de marche :

- Salut..., dis-je presque honteuse d'avoir couru pour lui, j'ai pas pris les clés, je peux rentrer avec toi ?

Gros mensonge.

En réponse il fit juste « oui » de la tête et continua sa route avec moi.

Pendant qu'on marchait, je parlais de tout et de rien pour ne pas ressentir l'atmosphère pesante entre nous. Par habitude j'aurai affirmé que Jett avait une pauvre conversation et était désagréable mais aujourd'hui c'était différent. Matt avait raison : il n'avait pas l'air d'aller bien.

Alors qu'on marchai je vis des amis à moi, certains de l'équipe de football du lycée, des mecs assez populaires. Ils me saluèrent, et alors que j'allais lever ma main pour les saluer à mon tour Jett m'attrapa la main. Je me retournai surprise, il toussa et me dit tout bas :

- Je ne me sens pas bien, on peut rentrer ?

J'étais presque choquée de la manière dont il me l'a dit. Je lui pris la main à mon tour et on rentra ainsi. Je crois qu'il pouvait marcher bien plus vite que moi mais que délibérément il évitait de le faire pour ne pas me brusquer.

C'est gentil ça, je crois.

On finit par rentrer chez nous, on entra et Jett se pencha contre le mur du corridor. Je lui jetai un coup d'œil alertée :

- Tu vas bien ..? Dis-je tout bas.

Il se releva d'un coup sec et tomba dans mes bras, je le rattrapai, et tandis que je tentais de le maintenir debout, il releva légèrement la tête et se mit debout. Je le regardai et son regard vert croisa le mien, mon coeur battait la chamade, mais je ne pouvais pas dire pourquoi. Jett posa ses mains sur mes épaules et chuchota près de mon visage en appuyant son front contre le mien :

- Je suis désolé pour tout.

Après ces paroles, et avant même que je ne puisse proférer une réponse, il posa ses lèvres contre les miennes, installant alors un silence assourdissant. Mon esprit était comme un puzzle auquel on avait ajouté une pièce perdue jusqu'à présent et plus aucune question ne défilaient à travers mes pensées ombragées.