Chapitre 1

45 6 33
                                    

Tout commence dans cet appartement, cet anodin quatre-pièces, au troisième étage d'un appartement bordant une route comblée de fleurs, sans cesses arrosé par le Soleil. Vous me direz probablement : mais qu'a cet appartement de particulier ? Rien. Cette petite demeure n'a rien de différent des autres, au détail près de son habitant. Son habitant ? Un petit brun chétif du nom enchanteur de Silvain. Silvain menait une vie de ce qu'on pourrait appeler normale, banale, tout à fait ordinaire et ne sortant en aucun point du commun. Dix-neuf ans d'une vie des plus joyeuses, et une réussite totale en études de droit, voilà ce que Silvain voyait derrière lui, bien que ses études soient loin d'être terminées. Un monde de bonheur ininterrompu et sans limites, un quotidien rempli de joies intenses ; une vie heureuse, encore et toujours.

Trop heureuse, vous ne trouvez pas ?

Enfin, Silvain vivait au sein d'une grande ville universitaire, comme la plupart des étudiants, et il voyait chaque jour, en plus de ses professeurs et camarades, ses meilleurs amis, Tomas, Fabrice, Jack, et Sally, et...

— Silvain ?

Le jeune homme se retourna brièvement afin de reconnaître celle qui venait de prononcer son nom, dont il reconnaissait le timbre.

Laurie.

La jeune femme se trouvait dans l'embrasure de la porte, puis s'avança, faisant voler ses rayonnants cheveux blonds ondulés.

— Tu vas bien, mon amour ? demanda-t-elle en s'approchant de lui, avant de l'embrasser.

— Je vais toujours bien quand tu es là, répondit l'intéressé en la serrant dans ses bras.

— Allez, reprit soudainement Laurie en se détachant de lui. Je vais aller travailler. J'ai un examen demain !

— D'accord, ma chérie. Bon courage !

— Merci ! Tu pourras en profiter pour passer l'aspirateur s'il-te-plaît ?

Elle ferma alors la porte du bureau où elle s'était infiltrée sans attendre de réponse.

Silvain soupira, puis se tourna vers l'arrière-cuisine, où était entreposé le fameux engin.

— Bon, fit-il pour lui-même. J'ai plus qu'à passer l'aspirateur...

Il sortit alors la machine de son repos afin de nettoyer le sol de la maison qu'était la sienne.

Lorsqu'il eut fini, une dizaine de minutes plus tard, la jeune femme ressortait de la chambre.

— Je sors avec des amis, cet après-midi, je te laisse, dit-elle.

— Euh... répondit-il, d'accord. À ce soir ma chérie !

— Oui, à ce soir mon trésor !

Elle l'embrassa rapidement avant de se sauver.

La porte claqua et Silvain se retrouva à nouveau seul. Qu'allait-il faire ? Réviser ? Non, il n'était pas d'humeur à ça... Il était généralement plus joyeux, mais quand sa moitié ne lui accordait aucune attention, son taux de bonne humeur se réduisait généralement à néant. Un sentiment amer de tristesse le submergeait et il reprenait à contre cœur ce qu'il faisait auparavant.

Il soupira, et s'apprêtait à retourner travailler, quand une idée lui traversa l'esprit.

Il aimait Laurie depuis bien deux ans. Il l'aimait beaucoup. Presque à la folie.

Il fallait qu'il lui fasse une surprise pour lui témoigner de son amour. Une surprise...

Et s'il... la demandait en mariage... ce soir ?! Oui, ce soir ! Ça serait parfait. Laurie reviendrait de son après-midi entre amies, et elle le croiserait dans la rue, sur une place pavée bordée d'un fleuve sous un ciel crépusculaire.

Ça serait parfait. Et il en avait envie. Il l'aimait de tout son être.

— Oui mais je n'ai pas l'argent pour acheter une bague... se dit-il. Oh, et puis tant pis. À défaut de lui prendre la plus belle des bagues... je lui prendrai quand même une bague, bien sûr, et... de toute manière, c'est bien le geste qui compte !

Bien décidé à faire la plus belle des surprises à sa bien aimée, le jeune homme enfila son manteau en quatrième vitesse puis sortit rapidement de son appartement, avant de dévaler les escaliers et de sentir sur sa peau le rayonnement du chaleureux Soleil.

« Bon, se dit-il, il me faut une bague... »

Il marcha alors une bonne dizaine de minutes à travers les rues pavées de la ville, avant de trouver un joaillier de bonne qualité mais bon marché.

— Bonjour, fit-il en entrant dans la boutique, ce qui fit tintinnabuler une petite cloche située au dessus de la porte.

— Bonjour, répondit en souriant le vendeur, un grand homme fin et vieux avec de petite lunettes rondes sur le nez. En quoi puis-je vous aider ?

— Euh... je viens pour acheter une bague...

— Pour un mariage ?

— Ah oui, exactement. Mais... j'en cherche une... très belle mais... pas trop chère, je suis en pleines études, je n'ai pas beaucoup d'argent... Mais je veux qu'elle soit belle quand même !

— Très bien.

Le vendeur se pencha sur une vitrine et regarda avec attention les bagues qui s'y trouvaient.

Silvain tenta de regarder lui aussi, mais ne pouvant de trop près s'approcher, il fut contraint d'abandonner.

— Je suis certain que celle-ci sera parfaite, affirma le joaillier en relevant son nez de la vitrine.

Il montra ensuite une petite bague dorée sertie d'un unique diamant resplendissant d'une jolie couleur blanche.

Silvain, enchanté, se rappela soudain que son budget était limité.

— Mais, demanda-t-il alors, elle coûte combien cette bague ?

Voyant son air apeuré, le vendeur répondit non sans rire :

— Ne vous inquiétez pas, l'or n'est que plaqué, et la pierre que vous voyez là n'est qu'un oxyde de zirconium, couramment utilisée pour se substituer à un diamant. Vous vous êtes vous-même laissé avoir, la différence entre un vrai diamant et cette pierre également très belle ne se verra peut-être qu'avec le temps. Mais pour accompagner une déclaration, je suis certain qu'elle fera très bien l'affaire. Elle vous coûtera – si vous la prenez – soixante euros.

Totalement séduit, le jeune homme sortit son porte monnaie et tendit au joaillier deux billets froissés. Celui-ci lui donna alors la petite bague lovée au sein d'une petite boite fourrée de rouge, comme on en voit dans les films.

— Merci beaucoup, fit le jeune homme en ressortant.

Le vendeur ne répondit rien mais lui sourit sincèrement.

Silvain courait désormais dans les rues de la ville, heureux et hâté de trouver Laurie dans l'une d'entre elles.

Ce jour allait être le meilleur de toute sa vie.  



Au Delà Des OmbresWhere stories live. Discover now