Chapitre 3 : La Mort qui tue
Le lendemain matin, La Mort se réveilla de très mauvaise humeur. Kardachiant lui avait non seulement gâché sa journée d'hier mais aussi sa nuit. La Mort enfila ses pantoufles et claqua bruyamment les volets contre les murs extérieurs de la maison. Énervée, elle alla prendre une douche en tapant des pieds. Une fois sortie de sa douche elle s'habilla d'un long manteau noir, son vêtement de travail. Elle regarda les statistiques du jour, choisit ses armes et s'en alla au travail à pied, espérant que ça l'aiderait à se calmer. La Mort souffla rageusement dans le froid de l'hiver, et mit ses mains dans ses poches. Elle ne leva même pas la tête pour voir si l'homme-cigare l'observait ; elle connaissait déjà la réponse. La Mort arriva devant une piscine municipale située à l'opposé de chez elle. Elle sourit en pensant qu'elle pourrait bientôt s'y défouler, et pas en nageant, ah ça non ! Elle ouvrit la porte, pénétra dans la salle d'accueil, peinte en bleue et décorée de dessins de dauphins rieurs sur le mur. La Mort secoua la tête : comment pouvait-on être dépourvu de goût à ce point ? Elle poussa le tourniquet, non sans jeter un regard sadique à la réceptionniste qui regardait le tourniquet tourner tout seul, morte de peur. La Mort traversa les vestiaires et gagna la piscine. Elle avait toujours détesté l'eau, mais avait été obligée d'apprendre à nager pour son travail. Ça avait été les plus longues et plus pénibles années qu'elle avait vécues. Elle s'assit sur le bord en faisant attention à ne pas mouiller son manteau et regarda des enfants de maternelle apprendre à nager. Le petit Lucas était là, avec ses dents minuscules. Il courait sur le carrelage mouillé et ce qui devait arriver arriva. Il tomba et se fracassa le crâne. La Mort se leva et retourna à l'accueil pour mettre le téléphone hors service. La réceptionniste ne la vit pas, étant donné qu'elle s'était évanouie, n'ayant pas supporté la vision du tourniquet hanté. La Mort retourna à la piscine et profita de la panique pour subtiliser le téléphone portable du maître nageur et le jeter dans l'eau. Une fois toutes les communications coupées, elle prit le pouls de l'enfant. Mort, évidemment. Elle fit demi-tour, et partit à son prochain travail. La Mort aimait son métier. Tuer des gens demandait de l'ingéniosité et de l'imagination. Elle pouvait réfléchir pendant des nuits entières de méditation à des nouveaux moyens d'éliminer des individus. Les humains étaient tellement faibles, tellement mortels. Tellement humains, quoi. La Mort aimait son métier, mais le pratiquait depuis trop longtemps et elle était lasse de tout cela. Elle devait être en bonne forme physique, toujours disponible, de jour comme de nuit, elle n'avait aucun besoin, ni faim, ni soif, et aucun sentiment de rapprochant de l'amour, de la pitié ou même de l'amitié. Les divertissements des humains l'ennuyaient, sa seule passion étant de regarder ces êtres insignifiants se débattre pour lui échapper. Vous trouvez peut-être cela cruel, mais imaginez vous un instant à sa place. Imaginez-vous vous lever tous les matins, faire le même travail tous les jours, et vous coucher en vous disant que demain sera pareil. Exactement pareil. Bien sûr, les époques, les paysages et les humains ont changé depuis aujourd'hui. Mais on en revient toujours à la même chose. La Mort a tué, tue encore et tuera toujours. Sauf si on tue La Mort. Mais personne ne le peut. Pas encore. Les Faucheurs ne peuvent évidemment pas se faucher entre eux, sinon ce serait l'anarchie. Il n'existait aucun suicide de Faucheur répertorié à ce jour. La Mort songea que si elle trouvait le moyen de se suicider, elle serait la première Faucheuse à mourir. La Mort qui se tue. Ironique n'est-ce pas ?

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La Mort
Historia CortaLa Mort en tutu à paillettes, dansant sur une place animée, La Mort en dépression, La Mort amoureuse, La Mort, étalée sur une tartine de fois gras, La Mort adolescente, La Mort ci, La Mort ça, mais au fond, qu'est-ce que La Mort ? PROJET ABANDONNÉ