Chapitre 1: Le sang va couler de nouveau ce soir

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«Voilà maintenant une semaine que s'est déroulé le meurtre de Mary Ann Nichols à Buck's Row, une rue de Whitechapel. Ce meurtre d'une violence extrême, a donné court à une enquête, dont n'est ressorti encore aucun suspect. L'assassin serait, selon les dires de la police, un homme gaucher d'après la forme des blessures, mais cela semble encore peu certain. Aucune information supplémentaire n'a été communiquée jusqu'à ce jour, et le mystère de cet acte de barbarisme reste entier.»

Quel article peu intéressant.

Une semaine, et ces petits policiers futiles étaient toujours à court d'idées au sujet de mon œuvre. Je pensais pourtant l'avoir signé d'une manière suffisamment atypique pour attiser la curiosité de ces petits enquêteurs, et mettre définitivement en marche leurs si fragiles boîtes crâniennes. S'ils s'obstinent à continuer sur cette voie, je me sentirai obligé de leur trouer leur crâne la prochaine fois, pour vérifier la présence d'un quelconque contenu. Ce serait peut-être encore plus amusant que cette catin de la semaine passée. Mais ce serait tellement horrible de devoir sortir avec cette chaleur à Londres. Les temps de Septembre y sont tellement pesants, et cela semble aller à l'encontre de mes inspirations artistiques.

Et puis, si je ne mérite qu'un pauvre torchon de ce ridicule journaliste amateur de The Star, en quoi cela aurait-il été utile de dévoiler au grand jour mon génie sanglant? Si je ne récolte encore qu'un pauvre papier pitoyable pour l'extravagance de mes actes, je risque de sortir de la voie de la vertu, et offrir par rage une piètre performance de mes capacités.

Et cela sort en plus, de l'objectif sanguinolent auquel je me suis dévoué.

Je me rappelle si facilement cette exquise première fois, où je m'étais décidé à sortir ce soir là. En effet, le temps londonien était étrangement froid et humide ces jours-ci. La pluie tombait au même rythme que le sang s'échouant sur le sol, lorsque mon couteau eu l'honneur de trancher la jugulaire de cette fille de la nuit. On entendait même le tonnerre gronder parfois dans le ciel de cette fin d'été.

Mon regard tomba sur elle, et son sang parcourant ses veines sembla m'appeler, tout comme son corps honteux et souillé. Il devait être vingt-trois heures à ce moment. Une heure des plus courante pour les femmes de sa profession et pour ces jeunes filles vivant au travers du péché. Elle cherchait un client à mettre sous ses jupes dans les rues et les arrières cours de Whitechapel, et moi une chair attendrie par la désinvolture à mettre sous ma lame. Elle était une matière première idéale pour mon chef d'oeuvre. Elle était l'incarnation même du scandale nécessaire pour la création de ma sculpture.

Cela faisait plus d'une demi-heure que minuit avait sonné, lorsque ma petite brune quitta l'angle de Brick Lane et Thawl Street pour se diriger vers le numéro 18 de celle-ci. Elle semblait vouloir trouver refuge dans la pension se situant à cette dernière, espérant trouver un toit après ses petites escapades. Mais elle finit par en sortir bredouille après une heure à l'intérieur de la bâtisse.

Cette jeune femme n'avait rien d'innocent. Mais le paraissait pourtant tellement, lorsqu'elle avait eu pour idée de trouver un lieu pour se loger, et ce malgré son manque de moyen.

Les deux heures trente n'étaient pas bien loin, lorsque ma tendre muse ne marchait dorénavant plus droit. Je ne lui avais pourtant pas entaillé ses longues jambes, mais les désirs de l'alcool semblaient avoir pris les devants sur ma proie. Et pour mon plus grand bonheur, cela ne fut que plus plaisant lorsqu'elle sembla revenir à la réalité, quand elle croisa ma lame pour cracher son sang, dans  un rythme semblable à ceux des requiems.

Ce ne fut qu'un peu plus tard que je me mis au travail. Je me souviens parfaitement que nous étions à Buck's Row à ce moment là.

Je l'avais saisie et étranglée, puis tranché la gorge avec une certaine virtuosité, il fallait se l'avouer. Cette petite chose de moins d'un mètre soixante s'était vulgairement effondrée au moindre petit coup de couteau bien placé.

Comme je m'étais amusé à la lacérer jusqu'à sa langue, dessiner sur son abdomen pour aérer un peu ses entailles m'avait bien diverti.

Cela avait été tellement jouissif lorsque le sang avait coloré le sol, les murs et ses vêtements. Mais ce fut pourtant si court de poignarder violemment les organes qui faisaient d'elle une femme.

Nous sommes le 7 septembre 1888 et c'est décidé, je ne me suis pas suffisamment distrait. Le sang coulera de nouveau ce soir.

L'art De L'éventrologie Selon JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant