FAITH

Bonus - 20 novembre | Seth

Le Shadle Park... Pourquoi ?

Je suis en Elementary School, je veux m'enfuir très loin et ne plus jamais revenir. Ma soeur Ily' a refait l'une de ses crises, elle subit trop de pressions supportant de moins en moins ses responsabilités. Elle est déjà bien trop jeune pour s'occuper d'elle-même, alors avec son petit-frère sur le dos, la tâche est loin d'être facile. J'ai décidé de retourner une dernière fois à notre endroit fétiche. Celui d'Angel... de Faith... de nous trois. Ce lac où l'eau translucide reflète d'un clarté incomparable les rayons du soleil nous éblouissant presque à chaque fois que nous jouions ensemble sur la pelouse verdoyant du parc. Je suis accroupi sur le ponton, mes larmes clapotent dans le vaste liquide. Un bref instant, j'hésite à me jeter à l'eau me laissant m'y noyer. La profondeur est adéquate. C'est la meilleure manière de partir, de ne plus faire surface. Je tremblote, petit garçonnet que je suis.

" Jones ! " S'écrie une voix qui me met dans tous mes états. Mon cœur se serre et ma respiration devient haletante. Je ne peux pas...

" Jones... ? " Retentit de plus près la dite voix. Je ne l'ai pas entendue se rapprocher...

" Tu pleures ? " Une mimine se voulant réconfortante se dépose doucement sur mon épaule enfantine.

" Non ! " Je refile bruyamment et d'un mouvement j'essuie avec la manche de mon pull la morve qui coule de mon nez.

Elle s'installe tout près de moi, sans un mot. Elle est si mignonne dans sa petite jupe rose poudré restant là, immobile. Patiente, elle attend que je me calme. Sa présence berce mes émotions. À mon insu, je m'incline sur le côté me reposant sur sa fine éclanche. Malhabilement, elle entoure de ses bras mon corps fébrile. Ce geste me tranquillise machinalement.

" Je me suis fait gronder par ma sœur... Elle est tout le temps fâchée, tout comme ma maman quand elle a pas son verre. Elle me fait peur... je ne veux pas qu'elle devienne comme elle. Je ne veux pas qu'elle parte comme elle à l'hôpital pour se faire soigner par des docteurs. Je... je vais partir, Fée. Avant qu'elle m'abandonne."

C'est comme ça que je l'appelais avant... Fée.

" Tu ne peux pas faire ça... C'est bien trop dangereux. " Son visage juvénile aux traits inquiets, sa silhouette jouvencelle. Elle n'a presque pas changé en huit ans. Quelle âge a-t-elle ? 7 ans ?

Je me sépare de son étreinte et une lueur de panique s'héberge dans son regard aux pépites dorés.

" Je pars avec toi, alors ! " Se précipite-t-elle à me dire lorsque je me mets sur mes deux pieds.

Je secoue négativement la tête et ses yeux se mettent à briller d'un filtre humide. Elle s'empresse de saisir ma main la portant à sa poitrine. De cette manière, Faith me suppliait d'accepter sa requête. Est-ce qu'elle se souvient de ce moment ?

Puérilement, je me dégage d'elle. Je n'ai plus l'habitude de recevoir un signe si affectueux. Mais ce geste prompt me fait perdre l'équilibre et je bascule dans l'abysse aqueux. Un cri de terreur voilé par le fluide limpide. J'étais l'un des rares garçons de l'âge de neuf ans ne sachant pas nager. Pourtant, je ne m'affole pas, cette destinée me semblait plus douce que le devenir que je percevais.

Après tout, cela fait quatre ans que je vivais à Pleasantville. Durant les 6 premiers mois, ma mère était en désintoxication. On aurait dû se retrouver dans un foyer, ma sœur et moi. Mais Ily' avait fugué en m'emportant avec elle, alors qu'elle n'avait que quinze ans. Et ma mère était trop occupé avec son addiction ainsi que le procès en cours de mon père pour se préoccuper de nous. Elle a rencontré Richard... un homme très riche, mais malgré sa pseudo-détermination, elle a fait plusieurs rechutes durant ces 4 ans. Puis-...

Un plouf' sonore me sort de mes pensées noires, je me sens tiré et ma "carcasse" rencontre la terre ferme avec difficulté. À mes côtés, sur le dos, le thorax de Fée se soulève et se rabaisse à une vive allure. Elle est épuisée. Comment une fillette peut-elle avoir assez de forces avec une musculature aussi frêle ? Quelle détermination...

" Tu sais, je comprends ce que tu ressens, j'étais toute petite quand mes parents actuels m'ont adoptée, je connais ce sentiment d'abandon. Il faut que tu crois en la vie, Jones ! Si tu es ici, ce n'est pas pour rien, Dieu t'a donné la vie. il faut la respecter coûte que coûte, en prendre soin. Je suis sûre que tu deviendras quelqu'un de bien. En tout cas, moi, j'ai foi en toi. Alors s'il te plait, ne pars pas. "

Quelle maturité... Ma gorge se ceint d'émoi. Pourquoi est-elle si gentille avec moi ? Aurait-elle fait la même chose pour Angel ? Au cours de quatre années d'amitié. C'est sûrement une réaction normale qu'on a envers ses amis... Toutefois c'est à ce moment là, où je me suis éprise d'elle, où je me suis dit que celle-ci est pour moi. Faite pour moi.

Je ne peux me retenir et m'approche pour la câliner.

Je lui susurre à l'oreille."Merci... merci pour tout."

***

Je m'éveille naturellement, Faith couvée par moi lors de mon assoupissement. J'ôte précautionneusement mon bras engourdi de dessous sa tête et accessoirement de son oreiller, le secouant afin de retirer les fourmillements. Puis je transporte Marie telle une princesse jusqu'au lit de ma sœur, elle y sera bien plus à l'aise. Je remonte précieusement la couverture, suite à quoi je m'abaisse pour baisoter le haut de son crâne pour la seconde fois dans le mois.

En faisant demi-tour, j'observe le cadre photo accroché au mur, Emily et moi petits. C'est fou comme on se ressemble comme deux gouttes d'eau avec nos cheveux or et nos prunelles émeraude. Je l'enlève de son emplacement et le cache dans l'un des tiroirs. Ce serait embêtant qu'elle se retrouve nez à nez avec ces images. Elle me reconnaîtrait très certainement.

Après cette fameuse journée, on a attendu de sécher grâce au soleil et on est rentré chez nous chacun de notre côté. Ma sœur était littéralement folle de joie, elle préparait nos valises.
" Maman veut qu'on revienne à Les Moines, vivre avec elle et son nouveau mari ! Tu te rends compte ! C'est super ! " Ainsi alors que je devais passer en Middle School, le lendemain, j'étais déjà sur la route n'ayant pas le temps de faire mes adieux à Faith et Angel.

Finalement, au bout de deux années où notre mère ne se tracassait même pas un minimum pour nous. Ily' eut 21 ans, la majorité. Elle retourna à Pleasantville se débrouillant pour être mon tuteur légal et je la rejoignis. Certes, on ne manquait de rien financièrement parlant là-bas. Mais que vaut l'argent face à l'importance d'appartenir à une véritable famille ? On n'existait pas plus à ses yeux qu'un dollar. Le délaissement total d'une mère pour ses enfants. Une fois de retour, j'ai repris contact avec Angel mais Faith s'était complètement isolée après mon départ. C'est que six ans plus tard que je l'ai perçue à notre lycée. Quand prendrais-je le temps de tout lui expliquer ?

Je passe par la salle de bain extirpant mes lentilles, l'écran de mon téléphone affiche 7h30. Je file à la douche, ma teinture brun foncé temporaire disparaît au lavage. Enfin, je profite de ce moment de bien-être, de chaleur, laissant la flotte ruisseler sur ma peau.